L’inventaire des catégories de charges au sein du bail commercial.

Par Justine Pouvesle, Avocat.

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Explorer : # bail commercial # charges locatives # transparence # répartition des charges

Ce que vous allez lire ici :

L’obligation d’inclure un inventaire des charges dans les baux commerciaux s’applique aux contrats conclus après le 1er septembre 2014. L'inventaire doit détailler toutes les charges et leur répartition entre bailleur et locataire. Son absence empêche le bailleur de refacturer des charges au locataire.
Description rédigée par l'IA du Village

L’année 2024 a été l’occasion pour la jurisprudence de rappeler et de préciser l’obligation introduite par la loi dite Pinel du 18 juin 2014 d’insérer dans le bail commercial « un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. »
L’article L.145-40-2 du Code de commerce précise également que « Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux. »
L’objectif de ce texte est d’assurer plus de transparence pour le locataire concernant les charges qu’il devra supporter en vertu du contrat de bail commercial pendant toute sa durée.

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Quels sont les baux concernés par l’obligation d’insérer un inventaire ?

L’obligation d’inclure un inventaire des charges, impôts, taxes et redevances dans le bail commercial s’applique aux baux conclus ou renouvelés après le 1er septembre 2014.

Pour les baux existants avant cette date, l’obligation ne s’applique pas, sauf dans le cadre d’un renouvellement.

Quelle forme doit revêtir cet inventaire ?

La loi ne précise pas explicitement la forme et l’emplacement de l’inventaire au sein du bail.

L’inventaire peut figurer dans une annexe distincte ou dans le corps même du bail à condition que les charges soient détaillées, claires et non ambiguës.

La jurisprudence a rappelé que l’inventaire est impératif, mais n’interdit pas que d’autres clauses du bail visent la refacturation des charges qui ne sont pas listées dans l’inventaire (Cour d’appel de Rennes, 27 novembre 2024 n°22/00385).

Ainsi, les catégories de charges peuvent également être intégrées dans des clauses distinctes du bail, à condition que chaque charge refacturable soit explicitement mentionnée, afin de respecter la finalité de la loi qui vise à assurer la transparence et la clarté.

En cas de doute, les clauses sont interprétées dans l’intérêt du locataire en vertu de l’article 1190 du Code civil.

Quelles sont les mentions qui doivent être rappelées dans cet inventaire ?

-* Le rappel de l’intégralité des charges.

La jurisprudence a affirmé, avant même l’entrée en vigueur de la loi Pinel (Cour de cassation, 3ème chambre civile, 13 juin 2012 n°11-17.114) que seules les charges prévues expressément au bail pouvait être imputées au preneur.

La Cour de cassation a réaffirmé cette position postérieurement à la loi du 18 juin 2014 (Cour de cassation, 17 mai 2018 n°17-11.088).

Par ailleurs, l’inventaire doit faire état de l’intégralité des charges liées au bail, il ne peut être remplacé par une clause imputant au preneur seulement certaines charges (Cour d’appel de Versailles, 7 mars 2024, n° 22/05759).

Les travaux supportés directement par le locataire, ainsi que les dépenses qu’il doit assumer pour l’exploitation du local, ne peuvent être considérés comme des charges relevant de l’inventaire, car il ne s’agit pas de charges locatives à proprement parler. En effet, ces sommes ne sont pas dues au bailleur et ne constituent pas un accessoire du loyer.

L’article R145.35 du Code de commerce précise la liste des charges ne pouvant plus être imputées au preneur à compter de la publication du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014 :

« 1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l’alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. »

-* Une répartition des charges entre bailleur et preneur.

En vertu de l’article L.145-40-2 du Code de commerce, l’inventaire doit prévoir une répartition des charges entre le bailleur et le preneur.

Ainsi, l’inventaire ne doit pas se limiter à faire état des charges imputables au preneur sans préciser la répartition, par catégories de charges, entre le preneur et le bailleur (Cour d’appel de Bordeaux, 2 mars 2022, 4e civ., n° 18/04413).

-* L’obligation de préciser une clé de répartition entre les occupants de l’ensemble immobilier.

Afin que l’inventaire des catégories de charges soit valide, il doit également comporter une clé de répartition des charges entre les occupants de l’immeuble.

À ce titre, l’article L145-40-2 du Code de commerce précise que « Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l’exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d’informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires. »

La Cour d’appel de Paris a jugé que : « Lorsqu’aucune clause du bail ne prévoit le mode de répartition des charges entre deux occupants de l’immeuble, les bailleurs ne peuvent unilatéralement procéder à la répartition des coûts entre les deux locataires, faute de stipulations expresses acceptées par les parties. Faute de clé de répartition contractuelle, les dépenses ne sont pas recouvrables. » (CA Paris, 15 mai 2019 : Loyers et copr. 2019, comm.128).

Par ailleurs, la Cour d’appel de Bordeaux dans un arrêt rendu le 2 mars 2022 (Cour d’appel de Bordeaux, 4e civ.,2 mars 2022, n° 18/04413) a précisé que : « L’énumération des catégories de charges à la seule charge du preneur, sans aucune clé de répartition entre les différents locataires de l’immeuble, et sans clé explicite de la quote-part du preneur, ne constitue pas un inventaire précis et limitatif au sens de l’article susvisé susceptible de permettre au preneur d’avoir une visibilité dès la date de conclusion du bail sur les charges qu’il devra assumer ».

Par exemple, le fait que le bail prévoit que 100 % des charges et taxes soient imputées au preneur ne constitue pas une clé de répartition puisque la répartition entre les occupants de l’ensemble immobilier n’est pas précisée (tantième, surface etc.).

Dans un immeuble en mono-propriété comportant plusieurs locataires, la répartition des charges s’effectue au prorata de la surface exploitée.

Dans un immeuble en copropriété, les tantièmes applicables au lot exploité par le locataire doivent être rappelés

Quelles sont les conséquences de l’absence ou de l’incomplétude de l’inventaire ?

L’article L145-40-2 du Code de commerce est d’ordre public et les parties ne peuvent pas y faire échec.

À défaut, les clauses contraires seraient réputées non écrites en vertu de l’article L.145-15 du Code de commerce.

La cour d’appel de Versailles a réputé non écrite la stipulation d’un bail mettant à la charge du locataire la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et la taxe foncière, au motif qu’elle ne figurait pas au sein d’un inventaire constituant une annexe du bail. En l’espèce, les parties s’étaient accordées sur l’absence d’inventaire (CA Versailles, ch. civ. 1-6, 7 mars 2024, n° 22/05759).

Il s’ensuit, qu’en l’absence d’inventaire conforme, le bailleur ne peut procéder à une refacturation des charges.

À ce titre, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que l’exigence d’un inventaire est applicable au renouvellement de bail postérieur à la loi du 18 juin 2014 et que son absence interdisait la refacturation des charges par le bailleur même si le bail initial comprenait des clauses répercutant des charges au preneur (Tribunal judiciaire de Paris, 18ème chambre, 14 novembre 2024 n° 20/10175).

Cette irrégularité ne peut être régularisée par la production ultérieure de décomptes ou régularisation de charges avec justificatifs.

Le fait que le preneur se soit acquitté des charges sans les contester ne fait pas obstacle à une demande en remboursement (Cour de cassation, 13 février 2025 n°23-17.978).

Justine Pouvesle, Avocat - Cabinet BJA Avocats

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