I. Le bail loi 48 : une visée sociale dans un cadre historique catastrophique.
La Seconde Guerre mondiale laisse une France partiellement dévastée. Selon les chiffres de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) et les archives du ministère de la reconstruction et de l’urbanisme, la situation est alarmante : 45% des logements sont surpeuplés et 10% de la population vit dans des conditions de salubrité déplorables. Le confort domestique est presque inexistant : 90% des habitants n’ont ni baignoire ni douche, 80% n’ont pas de toilettes intérieures, et près de 50% n’ont pas accès à l’eau courante. S’ajoute à cela un manque criant de logements, particulièrement dramatique à Paris et dans les grandes agglomérations.
C’est dans ce contexte exceptionnel et historique que l’État fait naître une loi d’ordre public : la loi n° 48-1360 du 1ᵉʳ septembre 1948 qui instaure et encadre les baux loi 48, complétée par ses décrets.
Cette loi s’applique aux logements construits avant 1948, dans des communes d’au moins 10.000 habitants ou limitrophes et qui rentrent dans une catégorie déterminée.
1.1 La loi de 1948 : un bouclier pour les locataires modestes.
La loi 48 a permis d’imposer de nouvelles règles et de modifier de fait les baux existants, sans accord des parties. Ces locataires bénéficient de réels avantages :
- Les loyers sont strictement plafonnés et établis selon des barèmes définis par l’État. Ces montants, souvent bien en deçà des prix du marché actuel, permettent aux locataires de bénéficier de conditions de location particulièrement profitables (article 3 du décret n°48-1881 de la loi de 1948) ;
- Les locataires bénéficient d’un droit au maintien dans les lieux à l’expiration du bail, les protégeant contre toute expulsion sans motif légitime. Ce droit leur permet de demeurer dans le logement sans limitation de durée (article 4 de la loi de 1948) ;
- En cas de décès ou de départ des locataires principaux, les baux peuvent être transmis à certains membres de leurs familles (descendants, ascendants ou conjoint) sous réserve d’une cohabitation préalable. Cette transmission permet aux proches de continuer à bénéficier du loyer plafonné et du droit au maintien dans les lieux (article 5 de la loi de 1948) ;
- Les propriétaires ne peuvent pas augmenter le loyer librement. Toute augmentation est encadrée par les règles de la loi de 1948 et reste modeste comparée à l’évolution des prix du marché ;
- Les propriétaires se doivent d’assurer la décence du logement, en vertu de l’article 6 de la loi de 1989.
1.2 La loi de 1986 [1] : quand le bouclier commence à se fissurer.
Alors que la France se remettait sur pied et que l’économie allait bon train, ce qui justifiait la protection des locataires en grande précarité est rapidement apparu obsolète. En maintenant cette application rigide et ces loyers extrêmement bas, il a fallu reconnaître un déséquilibre flagrant au détriment des bailleurs dont les charges, elles, n’étaient pas plafonnées pour conserver le bon état de leur patrimoine. Ce loyer limité, combiné au droit au maintien dans les lieux, entravait clairement la gestion normale de leurs biens.
L’État a su se saisir de cette réalité en instaurant la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 qui établit un cadre permettant, sous conditions, la sortie de certains logements du régime de 1948. Notamment, l’article 28 de cette loi autorise les propriétaires à engager une sortie progressive des logements de catégories II B et II C du régime de la loi de 1948. Cette dernière ne couvre donc plus les baux conclus après la loi de 1986.
1.3 Quelles sont les obligations des locataires ?
La loi de 1986 n’exonère pas les locataires de leurs obligations initiales :
- Régler évidemment le loyer (article 7 de la loi de 1986) ;
- Occuper le logement à titre de résidence principale (article 10-2 de la loi 1948) ;
- Occuper le logement au moins 8 mois dans l’année civile, sauf exceptions (article 10-2 de la loi 1948) ;
- Entretenir son logement [2].
II. L’apport utile des détectives privés dans le cadre d’un bail loi 1948.
En cas de litige, de doute ou de nécessité de recueillir des preuves, les détectives privés peuvent jouer un rôle déterminant pour aider propriétaires et locataires à faire valoir leurs droits dans le cadre de ce bail très particulier. Leurs missions sont variées et nécessitent des connaissances juridiques.
2.1 L’insuffisance d’occupation.
L’occupation effective d’un logement désigne le fait pour un locataire de réellement résider et d’utiliser le logement comme sa résidence principale.
Or, il arrive que le locataire utilise son logement comme un pied-à-terre et/ou sous-loue le bien.
Un détective privé aurait donc toute sa place pour vérifier que le locataire :
- Utilise le logement à titre principal (article 10-2 de la loi du 1ᵉʳ septembre 1948) ;
- Y réside au moins 8 mois par année civile (suivant l’article précité) ;
- Ne sous-loue pas le logement sans autorisation du propriétaire ;
- N’utilise pas le logement comme un local commercial.
Il faudra, en revanche, vérifier l’absence d’exceptions légales ou jurisprudentielles susceptibles de justifier cette occupation insuffisante :
- Inoccupation liée aux obligations professionnelles du locataire [3],
- Problèmes de santé nécessitant un départ temporaire des lieux [4],
- Âge avancé impliquant de longs séjours en dehors de la résidence principale, comme à la campagne [5],
- Placement en détention [6].
2.2 Vérification de la légitimité de la transmission du bail.
Dans le cadre de la transmission du droit au maintien dans les lieux, le détective privé pourrait aussi :
- Vérifier les liens de parenté et confirmer que le bénéficiaire respecte les critères de transmission ;
- S’assurer de l’occupation effective de l’ayant-droit.
2.3 Localiser un locataire débiteur.
Rares sont les bénéficiaires de baux 48 qui s’enfuient à toutes jambes sans régler des loyers souvent dérisoires. Pour autant, cela existe.
Il s’agira alors de localiser le débiteur et évaluer sa solvabilité, permettant ainsi au propriétaire d’engager les actions appropriées pour le recouvrement des créances dues.
2.4 Vérifier l’occupation du logement par le propriétaire après un congé donné pour reprise.
Les détectives privés peuvent également intervenir pour défendre les intérêts d’un locataire dont le logement aurait été repris par le propriétaire en vertu de la loi de 1986, et qui mettrait en doute l’occupation effective du lieu libéré.
La justice a déjà répondu défavorablement aux propriétaires dont le congé de reprise était frauduleux ; par exemple une reprise qui intervient deux années après le départ du locataire [7] ou une mise en vente du bien libéré qui interviendrait rapidement après une reprise (Cass. civ. 3e, 12 octobre 2004).
Conclusion.
Il est évident qu’à l’époque, la protection offerte par la loi de 1948 répondait à un besoin impérieux. Dans le contexte actuel, ces dispositions - bien qu’assouplies par la loi de 1986 - engendrent des situations où certains locataires tirent avantage du système sans en respecter les règles. Ils n’ont, de ce fait, aucune légitimité à demeurer dans les lieux. Les propriétaires ne sont pas en reste, certains tentant maladroitement d’expulser frauduleusement leurs locataires en dévoyant le droit à congé pour reprise.
Les locataires comme les propriétaires peuvent s’appuyer - entre autres - sur les compétences des détectives privés, experts en administration de la preuve pour mettre en exergue leur préjudice. La collecte de ces éléments peut, par exemple, faciliter considérablement l’obtention d’une ordonnance sur requête [8], autorisant un commissaire de justice à procéder aux constatations nécessaires.