Indemnisation d'une génioplastie ratée. Par Anne Faucher, Avocat.

Indemnisation d’une génioplastie ratée.

Par Anne Faucher, Avocat.

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Explorer : # génioplastie # complications chirurgicales # obligation d'information # indemnisation médicale

L’indemnisation d’une génioplastie ratée en 7 questions-réponses.

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1) Qu’est-ce qu’une génioplastie ?

La génioplastie, ou mentoplastie, est une opération de chirurgie du menton.

Il existe deux types de génioplasties :
- la génioplastie esthétique, qui consiste à modifier un menton considéré comme anormal et rompant l’harmonie du visage : un menton trop en arrière (fuyant) ou trop en avant (menton en galoche), trop haut ou trop bas, dévié ;
- la génioplastie fonctionnelle, à visée thérapeutique. Par exemple, la position du menton ne permet pas au patient de fermer ses lèvres au repos.

Cette distinction a une incidence en terme de coût (prise en charge ou non par la Sécurité Sociale) et d’indemnisation du patient en cas d’accident médical (cf question n°4).

Il existe deux techniques de génioplasties :
- par greffe (génioplastie autologue). Il s’agit le plus souvent d’une greffe osseuse ;
- par la pose d’un implant (génioplastie prothétique). Il peut s’agir d’un implant en silicone dur, en titane.

Il existe deux voies d’abord pour accéder au menton :
- par une incision sous le menton ;
- par la bouche (endobuccal).

La génioplastie se fait plutôt sous anesthésie locale pour la pose d’implant et plutôt sous anesthésie générale pour la greffe osseuse.

Elle pratiquée indifféremment par des chirurgiens ORL, maxillo-facial ou plasticiens.

2) Quelles sont les risques de complications de la génioplastie ?

Le patient doit être informé des risques de complications inhérents à l’acte chirurgical envisagé.

Les complications d’une génioplastie sont notamment :
- l’infection du site opératoire, nécessitant le retrait de l’implant ;
- la migration : l’implant se déplace ;
- l’extrusion : l’implant passe à travers la peau mal cicatrisée ou abîmée ;
- la coque péri-prothétique (contracture capsulaire). Elle est redoutée. ll s’agit d’une réaction inflammatoire en présence d’un corps étranger et qui nécessite une reprise chirurgicale ;
- une érosion osseuse, pouvant nécessiter le retrait de l’implant ;
- une lésion du nerf ;
- un hématome : accumulation de sang dans un tissu dû à une lésion vasculaire ;
- un abcès : amas de pus ;
- une maladie veineuse thromboembolique : thrombose, phlébite, embolie pulmonaire ;
- une nécrose : mort du tissu ;
- un sérome : accumulation de liquide dans un tissu ou un organe ;
- une désunion cicatricielle : la plaie ne se ferme pas ;
- une hypoesthésie : diminution de la sensibilité ;
- une fistule chronique pouvant entraîner, très rarement un carcinome (cancer de la peau).

A noter que la pose d’implant est plus pourvoyeuse de complications graves que la technique de la greffe osseuse.

Lorsque survient une complication, le patient qui peut se retrouver dans une détresse morale profonde attend des explications.

La communication avec le chirurgien est alors essentielle. Si besoin le patient pourra saisir la commission des usagers de l’hôpital ou de la clinique où il a été opéré, afin d’exprimer ses difficultés (médiation).

3) Quelles sont les fautes susceptibles d’être reprochées au chirurgien ?

Le principal écueil porte sur l’obligation d’information du chirurgien, laquelle est plus importante en matière de chirurgie esthétique.

L’information du patient est vaste :
- utilité de l’opération ;
- alternatives possibles ;
- différentes techniques possibles ;
- complications ;
- déroulement de la chirurgie ;
- suites opératoires ;
- résultat pouvant raisonnablement être atteint ;
- cicatrices prévisibles ;
- répercussions psychologiques ;
- risque de récidive ;
- informations relatives à l’implant.

Un patient mal informé est un patient :
- qui perd une chance de se soustraire à l’opération ;
- qui subit un préjudice d’impréparation si le risque dont il n’a pas été informé s’est réalisé.

C’est au médecin de rapporter la preuve qu’il a bien informé son patient.

Ce contentieux est évitable dès lors que les professionnels de santé sont sensibilisés à cette problématique et adoptent de bons réflexes. C’est d’autant plus important que le risque légal augmente : il doit être pris en compte dans les pratiques professionnelles.

D’autres fautes sont susceptibles d’être reprochées au chirurgien telles que :
- un examen préalable et/ou un bilan pré-opératoire incomplet ;
- une mauvaise indication : les « patients à risques » ne sont pas « éligibles » à la génioplastie prothétique (diabète, immunodéprimé, tabagique, pathologie psychiatrique, antécédents de radiothérapie en région cervico-faciale, personne édentée…) ;
- une erreur technique, par exemple le choix de la voie d’abord endobuccale pour un implant trop volumineux ;
- un geste maladroit ou non conforme, par exemple un implant mal positionné ou mal vissé.

En dehors de l’obligation d’information, c’est au patient de démontrer l’existence d’une faute. Ce que permet l’expertise médico-légale.

4) Qui va indemniser la victime en cas d’accident médical ?

La réponse n’est pas simple.

Il peut s’agir :
- de l’assureur du professionnel de santé ;
- de l’assureur de l’établissement de santé ;
- de l’ONIAM au titre de la solidarité nationale ;
- de l’assureur du producteur d’un implant défectueux.

En pratique, cela dépend :
- de la nature de l’intervention : génioplastie esthétique ou fonctionnelle ?
- du lieu de la prise en charge : hôpital ou clinique ?
- de l’origine du dommage : faute ou implant défectueux ? Aléa thérapeutique ? Infection nosocomiale ? Infection iatrogène (médicamenteuse) ?

En synthèse il faut retenir :
- qu’il n’y aura pas d’indemnisation possible au titre de la solidarité nationale si l’accident médical concerne un acte de chirurgie esthétique ;
- qu’en cas d’implant défectueux, le patient pourra se retourner contre l’hôpital mais pas contre la clinique : si l’intervention chirurgicale a eu lieu dans une clinique, il devra engager la responsabilité du producteur de l’implant.

5) Quel est le délai pour solliciter une indemnisation ?

Le délai en matière d’accident médical est de 10 ans à compter de la consolidation pour solliciter l’indemnisation de ses préjudices.

Attention toutefois si le dommage résulte d’un implant défectueux et que le patient a été opéré en clinique.

Dans cette hypothèse, le délai de prescription pour agir contre le producteur est de 3 ans à compter du jour où la victime a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur (art. 1245-16 du code civil) et sauf faute du producteur, la responsabilité de celui-ci est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit.

6) Quelles sont les premières démarches que le patient victime doit accomplir ?

Les premières démarches à accomplir sont les suivantes :
- la demande de dossier médical auprès de la clinique ou de l’hôpital. C’est un droit pour le patient depuis la Loi Kouchner du 4 mars 2002. Le délai de communication est de minimum 48H et de maximum 8 jours. Si l’opération date de plus de 5 ans, le délai est porté à 2 mois. La copie du dossier est gratuite hormis les frais de photocopie ;
- vérifier dans les contrats d’assurance en vigueur au jour du sinistre quels sont ceux susceptibles de lui offrir une garantie, notamment de protection juridique ;
- prendre avis auprès d’un avocat intervenant habituellement en matière de responsabilité médicale.

7) Quelles sont les principales étapes du processus indemnitaire ?

Schématiquement, il y a deux étapes :
- la phase d’expertise médico-légale qui permet de déterminer les éventuelles responsabilités et d’évaluer les préjudices ;
- le chiffrage et l’indemnisation de la victime.

Le contentieux médical pourra se régler à l’amiable ou par une procédure devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif.

Une Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (CCI) pourra être saisie si l’accident médical est grave et résulte d’un acte chirurgical à visée thérapeutique, réparatrice ou reconstructrice.

Pour les actes de chirurgie esthétique, la CCI n’est pas compétente pour rendre un avis mais elle pourra néanmoins être saisie en tant que conciliateur.

Anne FAUCHER
Avocat
DU Contentieux médical
DU Réparation juridique du dommage corporel
DIU Evaluation des traumatisés crâniens
DIU Traumatisme crânien de l’enfant, de l’adolescent - syndrome du bébé secoué
http://anne.faucher.avocat.free.fr/

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