Indemnisation d'une brachioplastie ratée (lifting des bras). Par Anne Faucher, Avocat.

Indemnisation d’une brachioplastie ratée (lifting des bras).

Par Anne Faucher, Avocat.

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Explorer : # brachioplastie # complications chirurgicales # préjudice esthétique # indemnisation médicale

L’indemnisation d’une brachioplastie ratée en 6 questions-réponses.

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1) Qu’est-ce qu’une brachioplastie ?

Un régime musclé et surtout une chirurgie bariatrique (bypass, sleeve, anneau gastrique) peuvent permettre une perte de poids rapide et importante de 30, 50 kg en une année.

Ces bons résultats en terme d’amaigrissement et de durée s’accompagnent néanmoins de séquelles, typiquement d’une déformation de la silhouette avec une peau relâchée, flasque sur tout le corps, au niveau du ventre, des cuisses, du dos, des fesses, des flancs mais également des bras.

C’est ainsi que parallèlement à la chirurgie bariatrique s’est développée une chirurgie post-bariatrique susceptible d’être prise en charge par la sécurité sociale : abdominoplastie, brachioplastie, cruroplastie, bodylift, associés ou non à la liposuccion ou à la lipocryolyse ou cryolipolyse.

La chirurgie qui consiste à retirer l’excédant de peau sur les bras porte plusieurs noms : brachioplastie, lifting des bras, dermolipectomie brachiale ou encore DMS.

Il existe différentes techniques de brachioplastie et d’énormes progrès ont été faits ces dernières années en la matière.

La brachiolastie peut apporter au patient une amélioration sur le plan esthétique et fonctionnel et donc sur sa qualité de vie.

Elle peut aussi la dégrader lorsqu’une complication survient.

2) Quelles sont les risques de complications de la brachioplastie ?

Le principe est simple :
- malgré les bonnes pratiques des professionnels de santé, il existe toujours un risque lié à l’acte chirurgical, dont le patient doit être dument informé préalablement à l’opération ;
- s’il s’agit d’une opération purement esthétique, les obligations incombant au chirurgien sont accrues.

La complication peut être un risque général lié à l’anesthésie ou à la cicatrisation, ou bien un risque spécifique lié à la brachioplastie.

Elle peut être plus ou moins grave.

Elle peut intervenir dans les suites immédiates de l’opération ou à distance.

Elle peut justifier une reprise chirurgicale immédiate ou différée, reprise qui quelquefois est impossible ou s’avère être plus délétère que de ne rien faire, la balance bénéfice-risque étant défavorable.

Les complications possibles d’une brachioplastie sont notamment :
- l’infection
- un hématome,
- un œdème,
- une maladie veineuse thromboembolique,
- une nécrose,
- un sérôme,
- une lésion du nerf entraînant notamment des douleurs neuropathiques,
- une lésion ganglionnaire,
- une désunion cicatricielle nécessitant une greffe de peau,
- des cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes,
- une dysesthésie.

La doléance principale des patients victimes d’une brachioplastie ratée porte sur le préjudice esthétique qui en résulte, ce qui peut sembler paradoxal puisque le motif esthétique était un des moteurs de l’intervention chirurgicale.

En effet, le résultat de la brachioplastie peut être mauvais et très décevant.

Le patient peut présenter :
- des cicatrices larges, voyantes, boursoufflées, irrégulières, colorées, asymétriques, mal placées, douloureuses,
- un relâchement de la peau secondaire à l’opération qui peut donner l’impression que non seulement l’opération n’aurait servi à rien mais qu’au demeurant elle aurait aggravé la situation du patient qui présente désormais des cicatrices,
- une déformation du bras,
- une asymétrie entre les deux bras.

Le patient peut se sentir « défiguré » et très mal réagir.

3) Quelles sont les fautes susceptibles d’être reprochées au chirurgien ?

Il est courant d’entendre parler de « rançon cicatricielle », autrement dit de cicatrices inévitables, pour la brachioplastie, l’abdominoplastie, le cruroplastie, la réduction mammaire…

De plus, on entend souvent dire que « le chirurgien fait l’opération et le patient fait la cicatrice », ce qui supposerait que le chirurgien ne soit jamais responsable d’un résultat décevant.

S’il est vrai que d’une personne à l’autre le résultat peut être différent, tenant notamment à l’âge, l’hygiène de vie, la qualité de la peau, la carnation, la stabilité du poids, il n’en demeure pas moins que le patient doit être informé des risques le concernant et recevoir des conseils avisés pour la période pré et post-opératoire.

Pour ne citer qu’un exemple, un patient ayant une peau mate doit être informé que son type de peau l’expose davantage à des cicatrices chéloïdes. A défaut, son consentement ne serait pas « éclairé ».

En théorie, tout le contentieux qui porte sur le défaut d’information du patient pourrait être évité dès lors que les professionnels de santé :
- y sont sensibilisés,
- mettent en place des protocoles simples et efficaces du type « check list »,
- se ménagent la preuve de l’information délivrée au patient, puisque la charge de la preuve leur appartient. A quand une blockchain ?

Au delà de l’obligation d’information, d’autres fautes médicales sont susceptibles d’être reprochées au chirurgien. Ainsi, la cicatrice disgracieuse peut résulter d’une erreur technique, d’un geste maladroit, d’un défaut de maîtrise des procédés de suture, etc. En ce cas c’est au patient de démontrer l’existence d’une faute.

L’exemple que l’on peut donner et qui concerne au demeurant tout lifting est un retrait trop important de peau sur une peau déjà fragilisée qui ne va pas supporter la tension excessive : les sutures vont lâcher.

A noter qu’il existe des régimes d’indemnisation déconnectés de toute faute, ce qui peut être le cas du patient victime d’un aléa thérapeutique, ou du patient qui a contracté une infection nosocomiale à l’occasion de l’opération chirurgicale alors que toutes les mesures d’hygiènes ont été scrupuleusement respectées.

4) Que doit-faire le patient en cas de complication ?

La communication est essentielle et contribue au mieux-être : le premier réflexe pour le patient victime est de prendre attache avec son chirurgien et le cas échéant avec la commission des usagers de l’hôpital ou la Clinique afin de comprendre ce qui s’est produit et d’envisager les suites.

Si ce dialogue n’est pas satisfaisant, le patient pourra demander son dossier médical.

Il convient de préciser que le dossier médical ne se limite pas aux documents remis au patient contrairement à une idée largement répandue. Il comprend notamment le dossier infirmier, qui peut s’avérer fort instructif.

La demande du dossier médical est un droit pour le patient depuis la Loi Kouchner qui a presque 20 ans. Le dossier médical est « gratuit » : le patient devra simplement s’acquitter des frais de photocopie. Le délai de communication est de minimum 48H (délai de réflexion) et de maximum 8 jours. Si l’opération date de plus de 5 ans, le délai est porté à 2 mois.

A noter qu’il existe une multitudes de recours en cas de difficultés à obtenir son dossier médical, ce qui en pratique est encore courant dès lors qu’il s’agit d’un accident médical.

En vue d’une éventuelle indemnisation des préjudices subis, le patient devra prendre avis auprès d’un avocat compétent en matière de responsabilité médicale, qui est un contentieux technique, et regarder dans les contrats d’assurance en vigueur au jour du sinistre quels sont ceux susceptibles de lui offre une garantie, notamment de protection juridique.

5) Comment le patient victime pourra-t-il être indemnisé ?

Le contentieux médical pourra se régler à l’amiable ou via une procédure devant le tribunal judiciaire ou le tribunal administratif.

Une Commission de Conciliation et d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des Affections Iatrogènes et des Infections Nosocomiales (CCI) peut être saisie si l’accident médical est grave et résulte d’un acte chirurgical à visée thérapeutique, réparatrice ou reconstructrice. La chirurgie esthétique est exclue du dispositif, la CCI pouvant néanmoins être saisie non pas pour donner un avis mais pour tenter de concilier les parties, processus méconnu et fort peu usité.

A noter qu’une plainte devant le Conseil de l’Ordre des médecins ne permettra jamais au patient victime d’être indemnisé. Il s’agit d’une erreur d’aiguillage, qui encombre trop souvent les instances disciplinaires.

Pour que le patient victime soit indemnisé, il conviendra de mettre en place une expertise médico-légale afin de statuer sur les éventuelles responsabilités et évaluer les préjudices, ce qui permettra ensuite de les chiffrer et d’obtenir une indemnisation.

On dit de l’expertise, à juste titre, qu’elle est la clef de voute du processus indemnitaire.

C’est donc une étape essentielle à ne pas négliger : la victime devra idéalement se faire accompagner par un binôme avocat-médecin chevronné en dommage corporel et en responsabilité médicale et n’intervenant que pour les victimes.

6) Quel est le délai pour solliciter une indemnisation ?

Comme pour la grande majorité des accidents entrainant un dommage corporel, le patient victime d’une brachioplastie ratée dispose d’un délai de 10 ans à compter de la consolidation médico-légale pour solliciter l’indemnisation de ses préjudices.

La date de consolidation, fixée par un médecin, correspond à la date à laquelle les lésions se sont stabilisées ou n’évolueront plus favorablement.

Anne FAUCHER
Avocat au Barreau de Bordeaux
DU Contentieux médical
DU Réparation juridique du dommage corporel
DIU Evaluation des traumatisés crâniens
DIU Traumatisme crânien de l’enfant, de l’adolescent - syndrome du bébé secoué
http://anne.faucher.avocat.free.fr/

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