L’indemnisation du préjudice d’affection de la victime indirecte d’un accident de la route.

Par Michel Benezra, Avocat.

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Explorer : # préjudice d'affection # victime indirecte # accident de la route # indemnisation

Un accident de la circulation bouleverse tous ceux qui y sont confrontés. Le préjudice d’affection vient indemniser le préjudice moral des victimes indirectes. En effet, si la victime directe de l’accident a le droit d’obtenir l’indemnisation intégrale de ses préjudices, les victimes par ricochet ou victimes indirectes peuvent aussi être indemnisées au titre du préjudice d’affection, en fonction de la survie ou du décès de la victime directe.

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Qui sont les victimes indirectes ou victimes par ricochet ?

Une victime indirecte ou victime par ricochet d’un accident de la route est la victime qui n’était pas impliquée dans l’accident mais qui a été touchée tout de même par l’accident et par ses conséquences en raison de sa proximité plus ou moins directe avec la victime directe.

Le dommage subit par la victime directe de l’accident affecte alors la victime par ricochet en raison des liens forts qui les unissent. Un ou des liens unissent alors la victime directe et la victime indirecte.

Aussi, les victimes indirectes ou victimes par ricochet pourront être un conjoint, ou même un concubin, des enfants, et petits-enfants, un père, une mère, des grands-parents, des gendres, et des belles-filles, des belles-sœurs, et des beaux-frères… et même des amis proches.

Si un lien de parenté existe entre la victime de la route et un de ses proches, la qualité de victime indirecte pour faire valoir la preuve de l’existence d’un préjudice d’affection se fera quasi automatiquement.

Désormais, de simples liens d’affection rapportés entre la victime d’un accident de la route et un ami, permettront à cet ami de revendiquer la qualité de victime indirecte, lui permettant alors de solliciter un préjudice d’affection.

C’est la notion de « liens affectifs étroits » - arrêt récent du Conseil d’Etat du 3 juin : 2019

« en prévoyant, depuis la loi du 9 août 2004, l’indemnisation au titre de la solidarité nationale des ayants droit d’une personne décédée en raison d’un accident médical, d’une affection iatrogène ou d’une infection nosocomiale, les dispositions précitées ouvrent un droit à réparation aux proches de la victime, qu’ils aient ou non la qualité d’héritiers, qui entretenaient avec elle des liens étroits, dès lors qu’ils subissent du fait de son décès un préjudice direct et certain » [1].

La victime indirecte n’aura pas non plus à rapporter la preuve d’une vie commune avec la victime directe pour solliciter un préjudice d’affection puisque c’est seulement la qualité du lien affectif entretenu qui aura force de preuve (par tous moyens).

Le décès de la victime directe et le préjudice d’affection de la victime indirecte.

En cas de décès de la victime directe de l’accident de la route, le préjudice d’affection est le préjudice moral lié à la souffrance causée par le décès de la victime directe aux proches de cette dernière.

La Nomenclature Dintilhac [2] prévoit l’indemnisation du moral des proches, ou, préjudice d’affection :

« Il s’agit d’un poste de préjudice qui répare le préjudice d’affection que subissent certains proches à la suite du décès de la victime directe. Il convient d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que le décès a pu entraîner chez certains proches.
En pratique, il y a lieu d’indemniser quasi-automatiquement les préjudices d’affection des parents les plus proches de la victime directe (père et mère, etc.).
Cependant, il convient également d’indemniser, à ce titre, des personnes dépourvues de lien de parenté, dès lors qu’elles établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt
 ».

La Cour de cassation admet que le proche d’une victime directe décédée dans un accident de la route peut être indemnisé pour son préjudice d’affection, mais aussi pour ses propres préjudices liés à l’accident de la route (deuil pathologique), sur le fondement du principe de la réparation intégrale (Cass. crim., 2 avr. 2019, n°18-81.917).

Comme déjà expliqué dans le paragraphe précédent, une personne sans lien de parenté pourra être reconnue comme étant une victime indirecte ou victime par ricochet, et donc être indemnisée, si elle démontre l’existence d’un lien d’affection particulier avec le défunt.

En revanche, un parent, même éloigné, de la victime directe (oncle, cousin…), n’a pas à rapporter la preuve de l’existence de ce lien comme précisé dans la Nomenclature Dintilhac et rapporté par un arrêt : Civ. 2e, 24 oct. 2019, n°18-15.827.

Une réserve est notamment posée, celle d’une absence totale de relation entretenue avec la victime directe de son vivant, résultant d’un fort éloignement géographique, d’une mésentente ou d’un conflit.

Cassé alors l’arrêt d’appel qui a exigé des « liens affectifs particuliers », alors que « la seule preuve exigible était celle d’un préjudice personnel direct et certain », en l’espèce établi par le sentiment de perte et de tristesse des demandeurs causé par le décès d’un membre de leur famille avec laquelle des relations, sans être étroites, existaient.

La survie de la victime directe, et le préjudice d’affection de la victime indirecte.

En cas de survie de la victime directe de l’accident de la route, le préjudice d’affection est le préjudice moral lié aux blessures, au handicap et aux souffrances de la victime directe.

Dès lors que la victime directe de l’accident de la route est gravement atteinte (lourd handicap, traumatisme crânien, tétraplégie, paraplégie, hémiplégie, amputation…), il est inconcevable qu’il n’y ait aucune répercussion sur les proches.

La vie des proches de la victime lourdement handicapée est bouleversée et à ce titre, ne peut qu’être considéré à sa juste valeur, en préjudice extra patrimonial exceptionnel.

Pour exemple, il faudra indemniser les parents d’un enfant qui a eu un accident de la route et au cours duquel il a eu un violent choc au crâne. L’enfant, traumatisé crânien sévère, a eu sa vie bouleversée, et par voie de conséquence, ses parents également.

Les parents, victimes par ricochet ou victimes indirectes pourront solliciter l’indemnisation alors de leur préjudice d’affection.

La Cour de cassation est allée encore plus loin, puisqu’elle a sanctionné une cour d’appel qui avait relevé que le préjudice moral des proches à la vue de la souffrance de la victime directe était réservé aux hypothèses dans lesquelles ils (étaient) soumis au spectacle de la survie diminuée gravement handicapée de la victime directe

« qu’en statuant ainsi, alors que un préjudice moral ou d’affection ouvre droit à réparation dès lors qu’il est caractérisé, qu’elle que soit la gravité du handicap de la victime directe, la cour d’appel a méconnu le texte et le principe susvisé » [3].

Le préjudice d’affection de la victime indirecte est un préjudice à analyser au travers la jurisprudence abondante en matière du droit du dommage corporel et l’intervention d’un avocat avec une grande expérience en la matière n’est pas une simple option...

Michel Benezra, avocat associé
BENEZRA AVOCATS
Droit Routier & Dommages corporels
info chez benezra.fr
https://www.benezra-victimesdelaroute.fr

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Notes de l'article:

[1CE, sect., 3 juin 2019, req. n° 414098.

[3Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 novembre 2019, 18-10.794, Inédit.

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