Depuis lors, le monde a bien changé et l’assurance avec. Le droit des obligations lui-même, ce pilier de notre ordre juridique depuis 1804, n’a pas échappé à la vague réformiste s’abattant progressivement sur tous les rivages du droit positif. On pourrait être tenté de croire que la réforme entrée en vigueur le 1er octobre 2016 ne concerne qu’en peu de choses le contrat d’assurance maritime. En effet, dans un domaine régi par le droit spécial depuis la loi du 3 juillet 1967, qu’est-ce qu’une réforme touchant au droit commun du contrat pourrait bien changer ? L’adage specialia generalibus derogant ne devrait-il pas prémunir le contrat d’assurance maritime contre les soubresauts législatifs affectant le Code Civil ? L’ordonnance du 15 juillet 2011 n’était-elle pas suffisante au droit maritime afin que ce dernier fût adapté aux nouvelles situations qu’impose notre modernité en perpétuelle mutation ?
La réforme issue de l’ordonnance du 10 février 2016 n’avait évidemment pas pour but premier d’influencer le contrat d’assurance maritime en particulier ; mais parce qu’elle touche à la matrice contractuelle globale, elle ne peut qu’exercer ses répercussions sur le droit maritime au même titre que sur tous les droits spéciaux s’appuyant sur le droit commun des contrats. Cependant l’influence ne joue pas qu’à sens unique, ainsi que cela sera exposé plus amplement à un stade ultérieur : le nouveau droit commun du contrat emprunte certaines de ses nouveautés à divers droits spéciaux, droit de l’assurance maritime inclut. Un autre exemple, comment ne pas penser au droit de la consommation lorsque le nouvel article 1171 du Code civil évoque le « déséquilibre significatif » au sein du contrat ? Ainsi, si la réforme de 2016 affecte les droits spéciaux, elle s’en inspire également et irrigue le nouveau droit commun de trouvailles jusqu’alors développées dans des champs spécifiques bien délimités.
Près de deux ans après la réforme du droit des obligations et quelques mois après la loi de ratification de l’ordonnance entrée en vigueur le 1er octobre 2016, il convient de se pencher sur les incidences de la réforme du droit des contrats sur le contrat d’assurance maritime. Dans quelle mesure le contrat d’assurance maritime se trouve-t-il affecté par le droit issu la réforme du droit commun des contrats et quelles en sont les conséquences pratiques avérées ou prévisibles ?
Si la nouvelle notion d’aléa parait sortir du contrat d’assurance maritime pour innerver le droit commun, elle doit aussi s’articuler avec la surprenante reconnaissance de la théorie de l’imprévision (I), tandis que le nouveau devoir d’information de droit commun et la refondation du contrat de mandat pourraient s’avérer délicats à mettre en œuvre en assurance maritime (II).
I) La reconnaissance de l’imprévision et redéfinition du contrat aléatoire.
Le contrat, lois des parties, se doit de cristalliser la volonté et les perspectives de ces dernières ce qui laissait traditionnellement peu de place à la théorie de l’imprévision (a), qui plus est dans un contrat d’assurance fondé sur l’aléa désormais perçu sou un jour nouveau (b).
a) Les conséquences de la consécration de la théorie de l’imprévision.
S’il est un arrêt emblématique et dont le principe fut rappelé de manière constante par jurisprudence, c’est bien l’arrêt Canal de Crapone [1]. En refusant d’admettre la révision pour imprévision, la Cour de cassation énonce un principe qui tiendra plus de deux siècles : il ne revient pas au juge de modifier le contenu du contrat (qui est la chose des parties), quelles que soient les circonstances et qu’importe le temps écoulé depuis sa conclusion. Les clauses ne peuvent dès lors pas être modifiées ou remplacées par le pouvoir judiciaire [2]. Ce verrouillage de l’œuvre contractuelle ne peut qu’apparaitre bénéfique en droit des assurances et a fortiori dans les contrats d’assurance maritime. Alors que l’imprévu est au cœur même du contrat, il pourrait apparaitre trop aisé pour l’une des parties qui y trouverait un intérêt, d’ester afin de réclamer devant le juge quelque modification qui soit à son avantage. L’équilibre du contrat et son économie se trouveraient à la merci du pouvoir judiciaire, ce qui d’apparence, ruinerait inévitablement les prévisions des parties. Or c’est justement l’objectif premier du contrat que de cristalliser ces prévisions afin d’éviter toute insécurité juridique.
Comment, dès lors, appliquer la réforme du droit des obligations qui, par le nouvel article 1195 du Code civil, donne son plein effet à la révision pour imprévision ? Avant toute chose il convient de relever que le désaveu de la jurisprudence Canal de Crapone ne résulte en aucun cas en une abrogation du principe central du droit des contrats résumé par l’adage pacta sund servanda. En effet, l’article 1103 du Code civil énonce toujours « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Le principe est sauf.
Mais au-delà de cette considération pour le moins évidente (quel serait le sens d’un droit des contrats suggérant aux parties qu’elles ne seraient pas tenues exécuter le contenu desdits contrats ?), il faut bien reconnaître que cette possibilité nouvelle pourrait potentiellement ébranler l’édifice assurantiel malgré tout.
Le nouvel article 1195 du Code civil indique que les circonstances des changements doivent être imprévisibles et non pas le changement lui-même. Ainsi, si dans un contrat d’assurance maritime certains éléments circonstanciels sont envisagés dans la police (tel que des conditions météorologiques particulières comme des tempêtes en haute mer, des risques liés à des marchandises spécifiques, etc.) et que ces derniers influencent le contrat au point de provoquer un changement majeur affectant l’exécution de celui-ci ; l’imprévision ne pourrait être admise puisque la variation des susdites circonstances apparaissait au cœur de l’instrumentum du contrat. Par exemple, les éléments déclarés par le truchement du questionnaire lors de la souscription de la police d’assurance maritime peuvent varier sans que l’imprévision soit retenue, étant donné que l’article L113-2 du Code des assurances prévoit lui-même que certains de ces déclarations puissent devenir caduques avec le temps. Le changement ne peut dès lors raisonnablement pas être considéré comme imprévisible [3].
En droit des assurances et a fortiori en assurance maritime, la pratique pourrait bien neutraliser le jeu de cet article reconnaissant l’imprévision. Quel serait le sens d’un contrat d’assurance qui vise justement à parer contre un risque, contre l’imprévu, si ce dernier venait à pouvoir être remis en cause dès que les circonstances de son exécution seraient modifiées ? Au final, il n’est donc pas impossible que la jurisprudence refuse d’appliquer ce nouvel article dans le domaine assurantiel [4]. D’autant plus que l’article L112-3 du code des assurances semble induire que l’imprévision ne puisse avoir sa place au sein du contrat d’assurance [5]. Il est donc peu probable qu’on laisse aux parties la possibilité de demander une renégociation à chaque imprévu touchant aux circonstances touchant au contrat d’assurance.
L’article L172-19 du code des assurances prévoyait déjà que l’assuré doive informer l’assureur de toute évolution qui pourrait affecter l’évolution du contrat d’assurance, y compris maritime. Ainsi, le code des assurances permettait en réalité déjà de prendre en compte l’imprévu, afin qu’en bonne intelligence les parties puissent réadapter le contrat en cours d’exécution. C’est à dire sans recours au juge. Le droit spécial des assurances joue le rôle de filet de sécurité pour sauvegarder la stabilité du contrat : le devoir d’information (qui sera évoqué postérieurement) de l’assuré permettant de canaliser les conséquences de l’imprévu par une transaction amiable.
Cependant, le preneur d’assurance maritime pourrait avoir du mal à joindre son assureur pour l’informer de ces évolutions une fois en haute mer, ce qui pose donc un problème de faisabilité matérielle de ce point de vue. Admettre l’imprévision aurait d’autant moins de sens en assurance maritime où la nature aussi impétueuse que surprenante, peut à tout instant changer les circonstances d’exécution de celui-ci. La crainte actuelle pourrait donc consister en une réminiscence de la peur du gouvernement des juges, dans la mesure où le Code civil nouveau prévoit explicitement que le juge puisse s’immiscer dans le contrat et en modifier les termes, voire le résilier à la demande des parties. Cette immixtion du pouvoir judiciaire pourrait s’avérer source d’insécurité pour les contrats d’assurance et il faudra surveiller à l’avenir la manière dont la jurisprudence saisira, ou non, cette opportunité de modifier le contrat dans ce cadre de l’imprévision.
Un article s’ajoute au Code civil et reconnait l’imprévision alors qu’un autre disparait et laisse sa place à une vision renouvelée d’une notion déjà bien connue : celle de l’aléa.
b) La redéfinition de l’aléa impactant le contrat d’assurance.
Modification commentée suite à la réforme [6], la disparition de l’article 1964 du Code civil, le seul jusqu’ici évoquant l’aléa et le contrat d’assurance dans le code Napoléon. Le législateur a toutefois décidé d’abroger ce texte, d’une part puisque le droit des assurances bénéficie désormais d’une législation spéciale à part entière, mais aussi afin d’unifier la définition de l’aléa. C’est une petite révolution dans le Code civil, sachant que depuis 1681 l’ordonnance de Colbert encadrait le contrat d’assurance maritime et insistait sur le fait que ce dernier devait comprendre trois caractères : être indemnitaire, être conclu de bonne foi et être aléatoire. L’aléa propre au contrat d’assurance maritime serait par la suite généralisé à tous les contrats d’assurance et transparaitrait jusque dans cet ancien article 1964 du Code civil. Cependant, un autre aspect pourrait susciter des difficultés.
A cette première disparition, s’ajoute celle de la cause désormais officiellement gommée du code (même si ces applications demeurent tel un spectre dont notre droit ne parviendrait pas à se détacher [7]). La cause servait justement à sanctionner l’absence d’aléa en droit des assurances et la disparition de ces textes combinés permet d’aboutir au constat suivant : il n’y a plus en droit commun de texte sanctionnant expressis verbis l’absence d’aléa. Les conséquences ne semblent toutefois pas majeures de ce point de vue étant donné que l’article 1162 du Code civil permet de sanctionner toute atteinte à l’ordre public [8] et puisque l’article 1128, 3° du même code impose toujours que le contenu du contrat soit licite et certain. A ce titre, on ne peut non plus omettre de citer l’article L172-4 du code des assurances et applicable au contrat d’assurance maritime : l’aléa est au centre du contrat qui n’a plus de raison d’être s’il disparait. Le droit spécial vient donc sécuriser l’édifice assurantiel malgré la modification du droit commun. L’article L172-13 du Code des assurances en est une autre illustration : la faute intentionnelle et la faute inexcusable suppriment l’aléa et ne peuvent donner lieu à indemnisation dans le cadre de l’assurance maritime. L’aléa reste donc apprécié subjectivement en droit des assurances.
La définition même de l’aléa ressort modifiée par la réforme : là où il fallait voir une chance de gain ou de perte « pour chacune des parties » selon ce qu’énonçait l’ancien article 1104 du Code civil, il faut désormais entendre l’aléa selon l’alinéa 2 de l’article 1108 nouveau du Code civil, qui dispose « Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ». Il n’est ainsi plus question ni de gain, ni de chance. On pressent la volonté de distinguer l’aléa du pari, critique récurrente contre le monde assurantiel parfois comparé à l’univers des jeux d’argents… Cette refondation de l’aléa concerne bien entendu le contrat d’assurance maritime et le distingue d’autant plus du prêt à la grosse aventure dont il est originellement issu.
Modification plus importante encore, il n’est plus indiqué que l’aléa doive concerner les deux parties, mais on se focalise sur le caractère incertain de l’évènement lui-même. Désormais, il suffit que le patrimoine de l’une seule des parties subisse une perte ou engrange un gain afin d’admettre le caractère aléatoire [9] du contrat. Appliqué au domaine de l’assurance, cette hypothèse fait sens : dans le contrat d’assurance maritime, l’assuré est celui sur qui pèse le risque (que le preneur soit le commissionnaire, le transitaire ou autre ; et que ce soit le risque de chargement, de déchargement, d’avarie, etc.), l’évènement incertain affecte donc prioritairement son patrimoine. La reprise de la définition semble de fait coller avec la disparition de l’ancien article 1964 du Code civil qui prévoyait d’ailleurs déjà que le risque puisse ne peser que sur l’une des parties au contrat d’assurance. On notera également que si on applique littéralement les deux alinéas du nouvel article 1108 du Code civil, ceux-ci semblent pouvoir s’appliquer tous deux simultanément aux contrats d’assurance, ce qui ne peut que paraitre déroutant [10].
La réforme du 10 février 2016 introduit donc au sein du Code civil la théorie de l’imprévision et remanie la définition de l’aléa jusque-là en vigueur. Mais elle entend aussi favoriser la diffusion de l’information entre les parties au contrat, tout en aménageant le mandat d’une manière nouvelle, ce qui ne manque pas d’affecter le droit de l’assurance maritime.
II) L’expansion du devoir d’information et la réduction du champ d’application du mandat.
Le contrat d’assurance maritime est fondé sur l’aléa et à ce titre, il nécessite que s’établisse une relation de confiance entre les cocontractants qui doit se fonder sur un échange approfondi d’informations (a) ; cette relation de confiance fait parfois intervenir des intermédiaires spécialisés dont les relations avec les parties reposent sur un contrat de mandat, désormais modifié par la réforme (b).
a) La consécration d’un devoir d’information de droit commun.
Le devoir d’information existait bien avant la réforme du droit des obligations. Sa singularité consiste en ce qu’il s’est grandement développé par le biais du contrat d’assurance maritime avant de s’étendre plus largement. Il faut comprendre en effet qu’à l’époque où l’assurance n’en n’était qu’à ses balbutiements, l’assureur pouvait cruellement manquer d’informations et cela d’autant plus lorsqu’il s’agissait d’assurer un navire, corps et biens, dont seul le propriétaire (ou à tout le moins celui qui l’exploite) connaissait véritablement la conception, et les failles potentielles. Cette difficulté réapparaissait lorsque le voyage et les risques encourus ne pouvaient qu’être difficilement appréciés par un assureur restant au port. A partir du XVIIe siècle la notion de bonne foi, utilisée comme un outil chargé de morale, justifie que le sachant prenne une part active afin d’informer son cocontractant. Ainsi, en cas de fraude de l’assuré, il est recommandé de sanctionner le contrat d’assurance maritime de nullité [11]. Au fur et à mesure que le transport maritime et le marché de l’assurance se développent, l’obligation d’information se développe afin de protéger l’assureur. Les assureurs sont donc dans un premier temps perçus comme la partie faible au contrat [12] et cela n’est pas étranger à la nature du contrat d’assurance maritime grâce auquel l’obligation d’information s’est développée.
Désormais, la loi consacre cette évolution jurisprudentielle qui avait d’ores et déjà contaminé de nombreuses branches du droit positif et l’obligation d’information se voit généralisée à tous les contrats. Cela se traduit concrètement par l’insertion de l’article 1112-1 du Code civil qui dispose en son alinéa 1er « Celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Cette évolution du droit positif ne bouleverse pas le droit de l’assurance maritime mais il le conforte, a priori, en étendant l’une de ses spécificités à toute la sphère contractuelle [13]. Le droit spécial de l’assurance maritime est bien à l’œuvre et influence le droit commun au point de l’inspirer : l’article L172-19 du code des assurances prévoit en effet une obligation continue de renseignement qui ne cesse pas avec la conclusion du contrat.
Cette spécificité se comprend bien en droit des assurances où l’aléa est si important qu’il faut être certain que l’une des parties n’ait pas une connaissance des informations touchant au contrat plus avancées que l’autre (sinon l’aléa est maitrisé davantage par un des cocontractants ce qui génère un déséquilibre pouvant remettre en cause tout l’édifice). Le contrat d’assurance maritime soumis à cette obligation d’information continue issue du droit spécial ne voit donc pas, de prime abord, son fonctionnement ébranlé en ce qui concerne le devoir d’information de l’assuré. Mais l’insertion dans le Code civil, de l’article 1112-1 interroge quant à l’obligation d’information de l’assureur : est-il désormais tenu à une obligation d’information similaire à l’égard de son assuré ? La réciprocité dans l’information est-elle maintenant de mise ? Le droit de la consommation a néanmoins poussé l’assureur en ce sens il y a déjà plusieurs années de cela.
Par ailleurs, si jusqu’ici la jurisprudence n’impose à l’assuré que l’obligation de répondre de manière exacte aux questions qui lui sont posées, ce nouveau devoir d’information étendu pourrait être utilisé afin d’imposer à l’assuré de déclarer spontanément certaines informations dont il a connaissance. La jurisprudence pourrait donc bien évoluer en droit des assurances, y compris maritime, suite à ce changement du droit commun, pourtant lui-même inspiré par le droit spécial [14].
Si le devoir d’information apparait aujourd’hui être en expansion, tel n’est pas le cas du mandat puisqu’il été revisité par la réforme de manière à réduire son champ d’application, ce qui n’est pas neutre pour l’assurance maritime.
b) Le courtage impacté par la redéfinition du contrat de mandat.
Selon le nouvel article 1161 du Code civil « Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté ». Ce texte a priori anodin et issu de la réforme ne peut à première vue que s’avérer bénéfique afin de limiter le risque de conflit d’intérêt des mandataires. Il constitue néanmoins une source d’incertitudes et de difficultés potentielles en assurance maritime. L’activité du secteur est en effet liée de près à la profession de courtier. Celui-ci n’est par principe pas garant de l’assureur, mais il est tenu d’un devoir de conseil envers l’assuré. Ces professionnels de l’assurance sont classiquement les mandataires des assurés et sont chargés de trouver pour leur compte, le contrat le plus adapté à leurs besoins. Cette profession s’oppose (au moins théoriquement) à celle d’agent d’assurance, où l’intermédiaire est cette fois le mandataire de l’assureur et propose un nombre de contrats limité selon l’offre que l’assureur propose.
La réalité est cependant différente : il est quasiment impossible pour un courtier de rester parfaitement indépendant et autonome de tout assureur du marché. Les accords entre courtiers et assureurs sont même assez fréquents, ce qui a obligé à imposer une clarification de leurs relations jusque dans la règlementation européenne par la directive Solvabilité 2 qui entrera en vigueur dans les mois à venir. Ainsi, dans les faits le courtier en assurance maritime peut être simultanément mandataire de l’assuré… et de l’assureur. Le courtier peut ainsi recevoir des missions de l’assureur pour gérer les primes ou établir des certificats d’assurance. Le contrat est conclu pour une durée d’un an. On comprend dès lors que ce nouvel article issu de la réforme du droit des obligations puisse donner des sueurs froides à ces professionnels de l’assurance. Le double mandat était en effet autorisé avant la réforme, par la jurisprudence [15].
Cette crainte pourrait être facilement dissipée par l’alinéa 2° du même article 1161 du Code civil qui énonce « En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié ». Le courtier ne pourrait donc pas agir en même temps pour l’assuré et l’assureur, sous peine de nullité de l’acte… à moins que l’assuré ne l’ait autorisé (il doit alors donner son accord ou ratifier l’acte établit par le double mandataire). Cette règle nouvelle nécessitera donc une refonte de certains contrats conclus par le biais de courtiers en assurance maritime : il leur faudra désormais insérer une clause spécifique à leurs contrats (lorsque cela est rendu nécessaire en cas de double mandat) afin d’obtenir l’accord de l’assuré pour cette opération. Ce nouvel article devrait donc permettre une meilleure information du preneur d’assurance maritime qui saura de manière exacte si le courtier lui propose un contrat d’assurance de manière totalement libre, où s’il est lui-même lié à l’assureur qui propose la police. En somme, il connaitrait davantage son degré d’indépendance ce qui ne pourra qu’éclairer sa prise de décision dans l’optique des négociations entourant la conclusion du contrat.
Il convient de noter que les commissaires d’avaries, ces experts de l’assurance maritime, pourraient également être impactés par ce texte issu de la réforme en ce qu’ils peuvent ponctuellement être nommés simultanément par l’assureur et l’assuré. Le procédé sera alors le même que pour le courtier et il faudra que le cocontractant soit informé du double mandat et l’accepte. Cet article pose donc également question quant aux experts d’assurance de manière plus générale. La réforme ne renverse donc pas la table, mais elle ne laisse pas l’assurance maritime insensible aux variations du droit commun.
Discussion en cours :
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