Heures supplémentaires : l’amplitude horaire est un élément de preuve pertinent.

Par Emilien Halard.

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Les heures des premiers et derniers mails envoyés par un salarié au cours d’une journée constituent des « éléments suffisamment précis » à l’appui d’une demande en paiement d’heures supplémentaires.

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La charge de la preuve des heures supplémentaires incombe tant au salarié qu’à l’employeur, selon un mécanisme prévu à l’article L3171-4 du Code du travail :

« En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable
 ».

La jurisprudence est venue préciser ce mécanisme et examine les éléments de preuve en deux temps :

  • Tout d’abord, elle exige que le salarié fournisse des éléments suffisamment précis à l’appui de sa demande
  • Puis, si le salarié a fourni ces éléments suffisamment précis, elle apprécie les éléments produits par l’employeur.

Si le salarié ne parvient pas à fournir ces « éléments suffisamment précis », le juge rejettera sa demande sans même que l’employeur ait à fournir ses propres éléments.

En revanche, si le salarié fournit ces éléments suffisamment précis, les éléments produits par l’employeur seront appréciés de façon sévère par les juges.

En effet, l’employeur est soumis à une obligation de contrôler le temps de travail de ses salariés (que ce soit par un système de pointage ou un système déclaratif).

Si l’employeur respecte cette obligation, il lui est facile de prouver l’absence d’heures supplémentaires. S’il ne la respecte pas, il est en faute et se trouve mal placé pour contester l’existence des heures supplémentaires alléguées par le salarié.

Mais quels sont les éléments « suffisamment précis » qui permettent au salarié de passer le premier filtre opéré par les juges ?

Les juges tranchent cette question au cas par cas.

Les salariés produisent souvent un calcul basé sur le premier et le dernier mail qu’ils envoient au cours de leur journée de travail.

Dans l’absolu, ces éléments ne permettent pas d’établir la durée du travail mais seulement l’amplitude de la journée de travail : on peut travailler tôt le matin, vaquer à ses occupations personnelles en journée, et travailler à nouveau le soir.

Cependant, la jurisprudence considère que la preuve de cette amplitude suffit à caractériser les « éléments suffisamment précis » nécessaires à la demande du salarié.

C’est ce que rappelle notamment la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 4 octobre dernier [1].

Dans cette affaire, un ingénieur commercial demande la nullité de sa convention de forfait-jours et le paiement en conséquence de 58 000 euros d’heures supplémentaires.

A l’appui de sa demande, il produit un tableau excel indiquant un nombre d’heures supplémentaires calculé à partir de l’heure du premier et du dernier mail qu’il a envoyés chaque jour. Une heure est enlevée au titre de la pause déjeuner. Le salarié produit aussi les mails correspondants.

L’employeur critique la pertinence de ces éléments et fait remarquer :

  • que l’amplitude horaire ne correspond pas nécessairement à du temps de travail
  • qu’aucun élément ne vient corroborer la durée de la pause déjeuner
  • que les mails auxquels répondait le salarié n’appelaient pas de réponse urgente et que ces heures de travail n’ont donc pas été effectuées à la demande de l’employeur
  • que même en se fondant sur les heures d’envoi des mails, le nombre d’heures indiqué dans le tableau récapitulatif est inexact.

Cependant, l’employeur ne fournit aucun élément de contrôle de la durée du travail.

La cour d’appel reconnaît la nullité du forfait-jours mais rejette la demande de paiement d’heures supplémentaires.

Elle estime en effet que les éléments apportés par le salarié ne sont pas suffisamment précis.

Au contraire, la Cour de cassation estime que la preuve de l’amplitude horaire fournie par le salarié est suffisante et qu’en l’absence d’éléments contraires fournis par l’employeur, il aurait dû être fait droit à la demande du salarié.

La Cour de cassation confirme ainsi l’importance qu’elle reconnaît à l’amplitude horaire calculée à partir des mails envoyés par les salariés.

Dans un arrêt précédent [2] publié au bulletin, elle avait même reconnu comme suffisamment précis un calcul d’amplitude fondé sur l’heure non pas des mails envoyés mais des mails reçus par le salarié (complétés, il est vrai par un unique mail envoyé par le salarié).

Emilien Halard
Responsable affaires sociales
Ancien avocat

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc, 4 octobre 2023, 22-16.586.

[2Cass. Soc. 16 février 2022, 20-16.171.

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