La jurisprudence pose en principe que la qualité de cadre dirigeant ne requiert ni l’existence d’un accord particulier entre l’employeur et le salarié, ni que ce dernier se situe au niveau hiérarchique le plus élevé de la classification conventionnelle (cf Cass. soc., 30 novembre 2011, n° 09-67.798).
Dans le cadre de contentieux, notamment en matière d’heures supplémentaires, certains employeurs sont enclins à tenter de faire reconnaître à leurs salariés la qualité de cadre dirigeant pour les priver d’une grande partie des dispositions du Code du travail et notamment celles sur les heures supplémentaires.
Cette stratégie n’est cependant pas toujours couronnée de succès. Il est des éléments, notamment certaines mentions du contrat de travail, qui rendent vaines toutes tentatives de demande de reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant. Il en est ainsi de l’obligation d’accomplir des heures supplémentaires ou comme c’est le cas dans cet arrêt de la soumission à une convention de forfait jours.
Dans cette affaire, un salarié est engagé le 12 mars 2007 en qualité de responsable de centre de profits. Au cours du mois de juillet 2012, il sollicite auprès de son employeur le paiement d’heures supplémentaires. Devant le refus de son employeur, il prend acte de la rupture de son contrat de travail, le 8 août 2012.
La cour d’appel de Dijon, par un arrêt en date du 2 juillet 2015, va faire droit aux demandes du salarié et condamner l’employeur à verser, notamment, une indemnité au titre du rappel de salaires pour heures supplémentaires.
La société va alors former un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, la société va arguer :
que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant, exclusive de la législation sur la durée du travail, les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise.
qu’en cas de litige relatif à l’existence et au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
La Cour de Cassation va rejeter le pourvoi formé par la société au motif que : « qu’ayant constaté que, par lettre du 7 décembre 2006 les parties avaient signé une promesse d’engagement précisant "votre emploi de la catégorie cadre est régi par un accord d’annualisation du temps de travail sur la base de 218 jours" et retenu que le salarié avait été soumis à une convention individuelle de forfait en jours prévue par les articles L. 3121-39 et suivants du Code du travail, la cour d’appel, qui n’avait pas à procéder à une recherche sur l’éventuelle qualité de cadre dirigeant du salarié que ses constatations rendaient inopérantes, a légalement justifié sa décision »
Le premier enseignement que l’on peut retirer de cet arrêt est que dans les contentieux portant sur la reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant, s’il est constant que cette qualité doit être appréciée par le juge en confrontant les fonctions effectivement réalisées et la définition posée par le Code du travail, le juge doit également tenir compte des mentions du contrat de travail qui seraient incompatibles avec cette qualité. Il en ainsi si le contrat de travail fait état que le salarié est soumis aux horaires de l’entreprise (cf Cass. soc.,27 mars 2013, n° 11-19.734) ou comme c’est le cas ici à une convention de forfait jours.
Le deuxième enseignement que l’on peut retirer de cet arrêt est qu’il convient d’être particulièrement vigilant lors de la rédaction des documents contractuels. C’est ainsi que pour exclure la qualité de cadre dirigeant à ce salarié, les juges se sont fondés principalement sur la promesse d’embauche qui indiquait expressément que le salarié était soumis à une convention individuelle de forfait jours.
Lié par cette promesse d’embauche, l’employeur ne pouvait des lors utilement plaider la reconnaissance de la qualité de cadre dirigeant alors même qu’il avait expressément prévu de soumettre ce salarié à une convention individuelle de forfait jours.