Cette rémunération servie au gérant de SARL est parfois même confondue par le dirigeant lui-même avec le salaire qu’il pourrait percevoir au titre d’un contrat de travail.
En effet, en l’absence de disposition contraire dans le Code de commerce, le cumul des fonctions de gérant avec celles de salarié dans la même société est possible.
Encore faut-il que ce contrat de travail corresponde à un emploi effectif, ce qui suppose :
une distinction nette et incontestable entre les fonctions de direction générale de la société qui découlent du statut de gérant et les fonctions techniques qui sont la conséquence du contrat ;
un lien de subordination à l’égard de la société, ce qui implique notamment qu’il soit associé minoritaire (Cass. Soc. 16 mai 1990) et en aucun cas associé majoritaire (Cass. Soc. 8 octobre 1980) ;
une rémunération spécifique.
Sera essentiellement abordée la question de de la rémunération versée au gérant au titre de son mandat social.
A) Sous quelles formes la rémunération peut-elle être versée au gérant ?
Il faut d’abord rappeler que ses fonctions peuvent ne pas être rémunérées.
Si elles le sont, cette rémunération peut prendre plusieurs formes.
Il peut s’agir, tout d’abord, d’un traitement fixe, c’est-à-dire d’une rémunération d’un montant déterminé à l’avance, versée mensuellement au gérant.
Simple, cette solution présente néanmoins le désavantage d’impliquer des réajustements périodiques pour l’adapter à la situation financière de la société.
En lieu et place ou en complément de ce traitement fixe, le gérant peut se voir allouer une rémunération dite proportionnelle.
Cette rémunération peut encore s’accompagner d’avantages en nature (logement de fonction, voiture) mais également de primes et autres indemnités.
Le gérant pourra encore avoir droit au remboursement de l’intégralité des frais qu’il pourrait être amené à exposer dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.
B) Qui fixe cette rémunération du gérant ?
En l’absence de toute disposition légale sur ce point, la rémunération du gérant est déterminée soit par les statuts soit par une décision collective des associés.
Dans la pratique, il est très rare que les statuts fixent la rémunération du Gérant.
Ils se contentent généralement de prévoir le principe du droit à rémunération du Gérant et à renvoyer à la collectivité des associés, statuant, le plus souvent, dans le cadre d’une assemblée générale ordinaire, le soin de fixer le montant de cette rémunération.
Cette solution est d’ailleurs souhaitable puisque par principe la rémunération du gérant doit être adaptée aux évolutions de la situation économique de la société.
Il convient de rappeler que la détermination du gérant par l’assemblée des associés ne constitue pas une convention réglementée au sens de l’article L223-19 du Code de commerce de sorte que le gérant a le droit de prendre part au vote (Cass. Com 4 octobre 2011).
Il en résulte que si la rémunération du gérant doit être fixée, selon les statuts, par une assemblée générale ordinaire, le gérant majoritaire a toute latitude pour fixer sa rémunération.
Toutefois, le Gérant ne saurait s’affranchir dans ce cas de convoquer l’assemblée générale ordinaire pour statuer sur sa rémunération.
De plus, la décision ne doit pas être constitutive d’un abus de majorité.
Il y a abus de majorité lorsque la décision adoptée par l’associé majoritaire est contraire à l’intérêt social et a été prise dans l’unique dessein de favoriser ses intérêts au détriment de ceux de l’associé minoritaire. Ces deux critères sont cumulatifs.
L’abus de majorité, s’il est constaté, peut entraîner la nullité de la décision prise.
La jurisprudence a eu l’occasion de juger que la fixation de la rémunération d’un gérant majoritaire pouvait constituer un abus de majorité dans les hypothèses suivantes :
fixation d’un rémunération manifestement exagérée (CA Grenoble 6 mai 1954) ;
octroi aux dirigeants d’une prime correspondant à plusieurs fois le montant des bénéfices sociaux alors que ceux-ci avaient été mis en réserve pendant plusieurs exercices sans politique d’investissement corrélative (Cass. Com 1er juillet 2003).
L’intérêt d’octroyer une rémunération cohérente au gérant se justifie d’autant plus qu’une rémunération excessive peut être constitutive d’un risque de redressement fiscal voire même, sur le plan pénal, d’abus de biens sociaux.
Plus complexe est la fixation de la rémunération du gérant minoritaire ou des co-gérants puisque celle-ci dépendra des conditions d’adoption des décisions en assemblée générale. En cas d’égalité des deux co-gérants majoritaires, le risque de blocage est important.
C) Sur le droit à rémunération proprement dit du gérant
En principe, cette rémunération est liée à l’exercice du mandat de Gérant de sorte que cette rémunération cessera d’être versée à ce dernier en cas de décès ou de révocation.
Plus délicate est en revanche la question de savoir si le gérant a le droit au maintien de sa rémunération dans le cas où il serait empêché de l’exercer en raison de la maladie et qu’aucune disposition statutaire ou extra-statutaire n’encadrerait cette situation.
C’est à cette question qu’a répondu récemment la Chambre Commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt de principe, rendu sous le visa de l’article L223-18 du Code de commerce, le 21 juin 2017 (Cass. Com. 21 juin 2017 n°15-19593).
Malade, le gérant d’une SARL s’est trouvé contraint de cesser d’exercer ses fonctions temporairement.
La Cour de cassation avait donc à répondre à la question suivante :
Une SARL dont le gérant est absent pour maladie peut-elle refuser de lui verser la rémunération promise au motif qu’il n’exerce plus ses fonctions ?
La cour d’appel a considéré que la rémunération attribuée au gérant d’une SARL par l’assemblée générale des associés doit correspondre à un travail réalisé pour la société. Dans la mesure où le gérant absent ne pouvait plus exécuter effectivement ce travail, la cour d’appel de Rennes en a conclu que la rémunération initialement prévue n’avait plus à lui être versée (CA Rennes, 7 avr. 2015).
La Cour de cassation a censuré fermement cette décision : la rémunération n’est pas liée à une contrepartie effective du gérant mais à la seule décision des associés de la lui octroyer.
La Chambre commerciale rappelle, dans le cas d’un gérant absent pour maladie, que la rémunération du gérant lui est due jusqu’à décision contraire des associés, et ce peu importe que le gérant ne puisse plus exercer sa mission.
La Cour de cassation admet donc que la suppression de la rémunération du gérant soit possible et que tant que cette suppression n’a pas été prononcée, la rémunération est maintenue.
Toutefois, bien évidemment, pour que cette suppression de rémunération soit effective, encore faut-il que l’assemblée générale qui la prononce soit convoquée et se tienne de manière régulière.
Délicate est également la question de savoir si ce gérant a le droit au maintien de sa rémunération en cas de démission, à tout le moins pendant la durée du préavis qui pourrait éventuellement être stipulé dans les statuts ou un acte extra-statutaire.
Bien que non saisie directement de cette question, une réponse pourrait y apportée à travers l’analyse d’une décision récente de la Cour de cassation en date du 20 septembre 2017 (Cass. Com 20 juin 2017).
Dans cette affaire, un dirigeant cède, en vertu d’un protocole de cession, une partie de ses titres sociaux tout en conservant des fonctions de direction au sein de la société.
En parallèle, ce dirigeant conclut avec le cessionnaire une promesse croisée de vente et d’achat lui permettant de céder le solde de ses titres dans les trois mois suivants la cessation de ses fonctions de direction et, un contrat de mandat social lui imposant le respect d’un préavis de quatre mois en cas de démission.
Ce dirigeant informe la société de sa démission et, sans attendre l’expiration de son préavis de 4 mois, lève l’option de vente et agit en réalisation de la cession du solde des titres lui appartenant à l’encontre du promettant à la promesse d’achat.
Le promettant soutient que le délai d’option n’avait pas commencé à courir tant que le délai de préavis de quatre mois n’était pas arrivé à son terme et que la démission du dirigeant ne deviendrait effective qu’à compter de cette date.
Dans cet arrêt du 20 septembre 2017, la Cour de cassation ne suit pas cet argument du promettant en jugeant, tout d’abord, que la démission est un acte juridique unilatéral qui produit ses effets dès sa communication à la société.
Ce faisant, elle entérine rappeler une jurisprudence désormais constante.
La particularité ici est qu’il existait un préavis : en conséquence, faut-il considérer que la démission prend toujours effet à la date de sa notification à la société même dans ce cas, ou alors l’effet de la démission est différé à la date de fin du préavis ?
La Cour de cassation tranche cette question en jugeant que l’existence d’un préavis ne permet de déroger à la règle de prise d’effet de la démission à la date de notification à la société que si les parties ont décidé de lier la date d’effet de la démission avec la fin du préavis.
Il semble donc que dans l’hypothèse où aucune disposition statutaire ne prévoyait que la prise d’effet de la démission du gérant serait différée à la date d’expiration du préavis, la perte du droit à rémunération du dirigeant serait concomitante à la notification de sa démission à la société.
Il est donc rappelé l’importance des statuts et de prévoir les modalités de fixation de la rémunération du ou des co-gérants afin d’anticiper les différentes problématiques.