Extrait de : Droit des affaires et des sociétés

[Maroc] Le financement par compte courant d’associé.

Par Mohamed Belkhalil et Abdelilah Benaid, Etudiants.

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Explorer : # financement d'entreprise # compte courant d'associé # modes de financement # réglementation financière

Au Maroc, malgré le manquement d’une réglementation spécifique, le Compte Courant D’associé reste un moyen de financement plus efficace pour les entreprises par rapport au recours au crédit bancaire.

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« En toute entreprise, il n’y a rien de plus funeste que de mauvais associés » Eschyle.

Lors de sa création, puis au cours de son développement, l’entreprise au moment opportun, doit détenir les ressources financières nécessaires pour faire face à ses échéances, et utiliser au mieux les moyens dont elle dispose. Pour exercer son activité, l’entreprise doit d’abord engager des dépenses avant de percevoir des recettes : réalisation des investissements matériels (terrains, installations, constructions) ; achats des matières et fournitures, prévoir la rémunération de la main d’œuvre).

Ce n’est qu’ultérieurement, à l’issue de la production et de la commercialisation, que des recettes seront encaissées après la réalisation des ventes. Il y a donc un décalage dans le temps entre les paiements et les encaissements concernant aussi bien les investissements que l’exploitation. Ce décalage crée des besoins de financements que l’entreprise devra couvrir en se procurant des fonds selon différentes modalités.

L’entreprise commerciale ou civile pour se financer, recourt généralement aux méthodes traditionnelles de financement, représentées dans le financement par le capital social, qui se compose principalement des parts des associés dans l’entreprise lors de sa création ou à l’occasion de l’expansion de son activité, et qui représente la garantie générale des créanciers contractants, ou par le recours à des organismes de crédit, c’est le financement par emprunt en contre partie des intérêts durs et des garanties solides, ce mode de financement occupe la première place des modes de financement des entreprises, et qui est réglementé par La loi n°103-12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés.

En plus de ces modes traditionnelles de financement des entreprises, il y a des modes modernes qui se présentent sous deux formes : réglementés et autre non réglementés. La première image apparaît dans le financement par l’échange des valeurs de la Bourse sous forme d’obligations de capital dans le cas d’une augmentation de capital social ou sous forme d’obligations de prêt dans le cas du recours de l’entreprise à l’emprunt, et il y a aussi un financement par capital-risque qui trouve son réglementation dans la loi n ° 18.14 et l’article 8 de la loi 103.12, où le gouverneur de Bank Al-Maghrib, après consultation du Comité des établissements de crédit, peut autoriser les banques à contribuer à Entreprises existantes ou en projet à créer par une circulaire précisant les conditions de participation.

Quant à la deuxième image de financement moderne, qui se caractérise par son caractère juridiquement non organisé, ce qui est appelé par certains chercheurs le système coutumier combiné, qui est l’une des innovations du système des entreprises, à savoir le système du compte courant d’associé, qui est le produit du développement de systèmes comptables et financiers pour les entreprises, Malgré l’incertitude de son régime juridique, qui relève principalement du droit commun des obligations, le compte courant d’associé est un instrument de financement original qui séduit par sa souplesse d’utilisation et par la pluralité de fonctions qu’il est susceptible de remplir.

Donc, dans quelle mesure le compte courant d’associé est un mode de financement efficace pour l’entreprise ?

Pour répondre à cette problématique, nous travaillerons à étudier et à analyser le compte courant d’associé en divisant notre présentation en deux chapitres. Dans le premier chapitre, nous traiterons le cadre juridique du compte courant d’associé. Et dans le deuxième chapitre, nous aborderons les problématiques du compte courant d’associé sur le plan pragmatique et son traitement comptable et fiscal.

Partie 1 : Le cadre juridique du compte courant d’associé.

Dans le cadre de la première partie on va traiter dans le premier chapitre la notion du compte courant d’associé et dans le deuxième chapitre le processus de fonctionnement du compte courant d’associé.

Chapitre 1 : la notion du compte courant d’associé.

Pour comprendre la notion du compte courant d’associé, on va présenter en première lieu sa définition et ses caractéristiques et puis le distinguer des autres techniques assimilées.

1) Définition et caractéristiques du compte courant d’associé.

Définition du compte courant d’associé.

Vu l’absence d’une réglementation législative spécifique encadrant le système du compte courant d’associé, on va se référer à la doctrine pour bien conclure une compréhension dérivée de l’intellectuel des doctrinaires de cette notion, et au pouvoir judiciaire pour découvrir comment les juges qualifient et considèrent cette technique dans le procès judiciaire.

Selon Mathieu

« le compte courant d’associé est un prêt accordé par un associé en faveur de la société. Cela, afin de permettre à cette dernière de faire face à un décalage de trésorerie ou de pallier des difficultés financières passagères.

Autrement dit, cette avance consentie par l’associé, assure le bon fonctionnement de la structure en comblant le passif du bilan même si ses recettes se révèlent insuffisantes. Mais, elle peut également tout à fait servir de levier de création ou de développement de l’activité ».

Un autre courant doctrinal dit le compte courant d’associé est assurément l’un des outils les plus précieux parmi les divers modes de financement internes d’une entreprise. La mise à disposition de fonds par un associé permet en effet à la société de pallier l’insuffisance de ses fonds propres, de remédier à un défaut de trésorerie ou encore de garantir un financement bancaire, tout en évitant le processus coûteux et incertain de l’obtention d’un prêt bancaire ou les rigidités qu’entraîne une modification du capital de la société. Mode original de financement, le compte courant d’associé est également un outil de redistribution des rôles respectifs de chaque associé au sein de la société, en permettant de dissocier l’importance des fonds mis à la disposition de la société par ses associés de leurs poids respectifs dans les décisions collectives.

La jurisprudence définit le CCA comme étant un compte ouvert au nom de l’associé dans les documents comptables de l’entreprise qui décrit la relation financière entre l’associé et l’entreprise. Cette relation se traduit par certains modes financement de l’entreprise.

Pour nous, on le définit comme étant un moyen de financement interne par le biais d’un seul ou plusieurs associés soit en injectant une somme d’argent dans le compte de l’entreprise ou par le désistement des primes, salaires, dividendes … . L’associé peut aussi acquiert des matériaux au profit de l’entreprise ou en couvrant certaines de ses dettes, ce qui va permettre à l’entreprise d’éviter le financement externe effectué par les organismes de crédit d’où le coût de crédit est trop élevé.

Caractéristiques du compte courant d’associé.

Le compte courant d’associé présente plusieurs caractéristiques, que nous résumerons ci-dessous :
- La souplesse : le compte courant d’associé ne s’arrête pas à une certaine formalité relative à son inscription dans le registre de commerce ou sa publication dans le bulletin officiel ou même dans les journaux autorisés à publier des annonces légales. Aussi que son ouverture n’implique pas la convocation de l’assemblée générale ordinaire ou extraordinaire des associés, ainsi que la modification des statuts de la société comme c’est le cas pour l’augmentation ou la diminution du capital n’aura pas lieu dans le processus du compte courant d’associé ;
- La réciprocité des obligations : le compte courant d’associé comprend des obligations réciproques, l’associé à l’obligation de mettre à disposition une avance au profit de l’entreprise, ce qui est considéré comme étant un moyen de financement interne, aussi que l’entreprise à l’obligation de rémunérer la somme avec les intérêts à condition de réaliser trois conditions lesquelles :
- Libérer le capital social de l’entreprise en payant la totalité des actions et des parts sociaux. Il n’est pas acceptable que l’entreprise ait recours à l’emprunt - même s’il est interne - et son capital social n’a pas encore été payé dans son intégralité. Par conséquent, les entreprises en phase de création, ne peuvent pas en bénéficier de la technique du compte courant d’associé ;
- Ne pas absorber les sommes versées dans le compte courant d’associé au capital de l’entreprise, afin d’établir une sorte d’équilibre entre la dette de l’entreprise et son capital social ;
- La détention par l’associé de 5% du capital de la société ou droits de vote, ce qui est explicitement prévu par les dispositions de l’article 2 de la loi 103.12 en ce qui concerne les exceptions des fonds reçus du public ;
- Le taux d’intérêt déductible ne dépasse pas 2.23%, ce taux est déterminé chaque année par l’arrêté du ministre de l’économie et de Finances.

2) Le compte courant d’associé et les techniques assimilées.

Afin de mettre en évidence la distinction entre le compte courant d’associé et les systèmes similaires, nous travaillerons à la diviser en deux paragraphes : dans le premier, nous nous occupons de distinguer le compte courant d’associé du compte courant ordinaire, sur la base que nous abordons dans le deuxième paragraphe la distinction du compte courant d’associé de la part sociale de l’associé dans l’entreprise :
- La distinction entre le compte courant d’associé et le compte courant ordinaire : selon M. Chakri Al-Sbaai qu’il a défini le compte courant ordinaire comme étant l’accord ou le contrat conclu par deux personnes dans lequel ils échangent une relation de dette et de prêt sur la base des accords et des transactions juridiques qui ont lieu entre eux, de sorte qu’il n’y ait ni créancier ni débiteur qu’après la clôture du compte et le solde soit atteint, A la lumière de ce solde, la position des parties est décidée, de sorte que celui qui a le solde positif sera le créancier et celui qui a le solde négatif sera le débiteur. Sur la base de la définition de M.Sebaai en déduit que le compte courant ordinaire a pour objet d’effectuer des opérations entre les parties en déterminant après la clôture de compte la partie débitrice et créditrice, alors que le compte courant d’associé présente un moyen interne de financement dont l’associé est le créancier de l’entreprise ;
- La distinction entre le compte courant d’associé et la part social de l’associé : si le compte courant d’associé correspond à des avances versées par les associés à l’entreprise à titre de prêt, la participation dans l’entreprise est une condition de base et essentielle à sa constitution puisque chaque associé fournit une part du capital. La participation ayant la forme des apports qui se divisent en des apports en numéraire, en nature et en industrie. Donc, on peut conclure ce qui suit : pour le CCA, le créancier peut à tout moment retirer le montant qu’il doit à la société du compte courant d’associé, au cas où les parties n’insèrent pas une clause de blocage dans le contrat, aussi que l’associé pourra toucher une rémunération même si la société ne réalise pas de bénéfice

Par contre, l’associé ne peut pas tirer le montant des parts sociales parce que le capital de la société est soumis au principe de la stabilité du capital. Il n’est pas acceptable, en règle générale, de l’affecter en le réduisant, en l’augmentant ou en le répartissant entre les associés, sauf en cas de modification des statuts après l’approbation de l’assemblée générale extraordinaire.

Chapitre 2 : le processus de fonctionnement du compte courant d’associé.

Afin de clarifier le processus de fonctionnement du compte courant d’associé nous avons décidé de diviser ce sujet en deux parties. Dans la première, nous allons présenter le processus d’ouverture du compte courant d’associé (1), et dans la seconde sa gestion et sa fermeture (2).

1) L’ouverture du compte courant d’associé.

L’ouverture du compte courant d’associé se fait dans les livres comptables de la société, portant le nom de l’associé prêteur, et il est enregistré dans le passif de l’entreprise.

Habituellement, les comptables ou les dirigeants attribuent un registre comptable spécial portant le nom du registre des comptes courants d’associé dans lequel toutes les avances (les prêts), leur valeur, la date de leur paiement ou désistement, l’heure de leur réception effective de la société empruntée, sa nature, son objet, sa date de recouvrement et le taux d’intérêt qui en résulte.

La question alors quels sont les mécanismes d’ouverture d’un compte courant d’associé dans une entreprise ?

En réponse à la question, nous allons traiter comment ouvrir un compte courant pour les associés dans chacune de la société anonymes (SA),et la société à responsabilité limitée (SARL).
- La société anonyme (SA) : on se référant à l’ancienne loi 17-95. Il est clair pour nous qu’elle ne traitait pas explicitement des procédures de suivi, d’agrément et d’approbation des comptes courants d’associé effectué entre les associés et la société dans laquelle ils contribuent, mais plutôt uniquement les accords financiers conclus entre la société et ses administrateurs ou directeurs généraux, conformément aux dispositions de l’ Article 56 et suivants de la loi 17.95 si l’affaire concerne une société anonyme à conseil d’administration et articles 95 et suivants de la même loi si l’affaire concerne une société anonyme à directoire et conseil de surveillance. Néanmoins la loi 17-95 a été actualisé par la loi 20.05 dans l’article 56 qui permet aussi l’ouverture de CCA aux directeurs généraux délégués ou l’un de ses actionnaires détenant, directement ou indirectement, plus de cinq pour cent du capital ou des droits de vote doit être soumise à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

On aussi l’article 95 de la même loi, qui dispose que

« toute convention intervenant entre une société et l’un des membres du directoire ou de son conseil de surveillance, ou l’un de ses actionnaires détenant, directement ou indirectement, plus de cinq pour cent du capital ou des droits de vote, est soumise à l’autorisation préalable de son conseil de surveillance ».

- La société à responsabilité limitée (SARL) : En se référant à la loi n ° 5.96 réglementant la société à responsabilité limitée , notamment à son article 64, il nous apparaît clairement que Le gérant, ou les commissaires aux comptes, présentent à l’assemblée générale ou joignent aux documents communiqués aux associés en cas de consultation écrite, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l’un des gérants ou associés. L’assemblée générale statue sur ce rapport.

Et le gérant ou l’associé intéressé ne peut prendre part au vote, et ses parts ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité. Toutefois, à défaut de commissaire aux comptes, les conventions conclues par un gérant non associé sont soumises à l’approbation préalable de l’assemblée générale. Et si on a une SARLU, la loi exige seulement que si la convention est conclue, une simple mention faite dans le registre de délibération.

Bien noter que, le dernier alinéa de l’article ci-dessus prévu que

« Les conventions non approuvées produisent néanmoins leurs effets, à charge pour le gérant et, s’il y a lieu, pour l’associé contractant, de supporter individuellement ou solidairement, selon les cas, les conséquences du contrat préjudiciables à la société ».

2) La gestion et la fermeture du compte courant d’associé.

- La gestion du compte courant d’associé.

Le compte courant d’associé est géré par les dirigeants de l’entreprise, qu’ils soient associés ou non. En tant qu’agent exécutif de l’entreprise, le dirigeant est responsable de la gestion et de l’exploitation des opérations du compte courant d’associé dans le but de financer les besoins de l’entreprise, et les parties sont libres d’approuver les règles générales de fonctionnement du compte courant. En mettant en évidence ses effets sur les parties.

Ainsi, le contrat de compte courant d’associé n’est qu’un accord qui précise les contours de sa mise en œuvre et son objet, à condition que les parties acceptent d’appliquer les normes commerciales et les coutumes qu’elles ont acceptées.
Dans le même temps, le contrat de CCA peut inclure un nombre important des clauses contractuelles régissant le fonctionnement de CCA en appliquant le célèbre principe de la force obligatoire du contrat prévu dans l’article 230 de dahir des obligations et des contrats.

En général, le compte courant d’associé entraîne des obligations réciproques :
- L’engagement de l’associé créancier de payer le montant stipulé dans la convention ;
- Alors que l’entreprise est obligée de rembourser la somme avec les intérêts légaux ou contractuels, et il peut se limiter à restituer les avances uniquement si le compte est sans intérêt.

- La fermeture du compte courant d’associé.

Les comptes courants d’associé doivent être fermés à l’arrivée du terme prévu, à défaut d’une reconduction, ou suivant un accord entre la société et son dirigeant, avant le terme.

L’associé créancier du compte courant, lorsqu’il veut mettre fin à l’accord financier qui le lie à l’entreprise, ne va pas alimenter son compte courant avec des nouveaux fonds, pour arrêter toutes les opérations de crédit ou de débit afin de liquider le solde.

Les documents comptables sont le seul moyen légal acceptable pour compléter le solde et régler les litiges concernant le compte courant d’associé.

Partie 2 : les problématique du compte courant d’associé sur le plan pragmatique et son traitement comptable et fiscale.

Chapitre 1 : les problématiques du compte courant d’associé sur le plan pragmatique.

Le compte courant d’associé présente au niveau pratique plusieurs problématique, ce qu’on va traiter en détail dans ce chapitre.

1) La double qualité de titulaire d’un compte courant d’associé et son impact sur les décisions de l’entreprise.

Au niveau de la double qualité du titulaire de compte courant : d’une part, il est un associé de l’entreprise c’est-à-dire participant de son capital, et d’autre part un créancier et prêteur auprès de celle-ci, ce qui a poussé la jurisprudence française dans plusieurs de ses jugements et décisions à reconnaître le principe d’indépendance entre les qualités d’associé et de créancier, sur la base que la relation de partenariat, trouve son appui dans le contrat d’entreprise, tandis que la relation créancière trouve son appui dans les avances consenties sous forme de prêt dans le compte courant d’associé.

Cependant, le mécanisme du compte courant d’associé peut être utilisé pour renforcer la position juridique et financière de l’associé au sein de l’entreprise, surtout s’il est en charge de la gestion et détient une part significative du capital de l’entreprise, et par conséquence, il devient le principal contrôleur du financement de l’entreprise et contrôle ses projets d’expansion à caractère d’investissement sur le marché etc. Ensuite, cet acte se transforme ici en abus de la part de l’associé envers le reste des associés, ce qui va nuire à la finalité sociale pour laquelle l’entreprise a été créée.

Face à cette situation, les associés concernés n’ont d’autre choix que de recourir à la justice afin de mettre fin à ces abus, surtout lorsque l’associé utilise le solde créditeur de son compte courant comme un atout pour faire pression sur le reste des associés pour réaliser ses intérêts personnels. Dans ce sens, une jurisprudence française confirme que cet acte est contraire au principe de l’affectio societatis, qui est considéré comme l’un des piliers du contrat d’entreprise, qui repose sur la volonté de coopération et d’orienter la volonté des partenaires vers un travail conjoint sur un pied d’égalité.

2) Le remboursement du compte courant d’associé.

En l’absence de disposition contraire, l’associé préteur auprès l’entreprise peut demander en principe à tout moment, le remboursement entier du compte courant d’associé. Et ce qui est confirmé par la jurisprudence française dans nombreux arrêts.

Donc, le remboursement constitue la règle même lorsque la société débitrice traverse une conjoncture financière difficile, la seule limite susceptible d’être posée à la demande de remboursement est l’abus de droit, selon un arrêt de la cour de cassation française .

En cas de cession des parts sociales, le cédant perd la qualité d’associé, mais demeure titulaire de son compte courant dont il peut exiger le remboursement à tout moment, selon les limites statutaires ou conventionnelles. Lorsqu’il demande le remboursement de ce prêt, l’associé n’a donc pas à être animé d’un affectio societatis particulier. Autrement dit, les sommes créditées en compte courant ne constituent pas en principe un « accessoire nécessaire » attaché aux droits sociaux cédés.

La jurisprudence française va dans le même sens, que l’acte de cession des parts sociales n’emporte pas la cession du compte courant ouvert au nom du cédant , sous la limite des dispositions statutaires et conventionnelles (à titre d’exemple un blocage des fonds pendant une durée déterminée, et des modalités particulières de remboursement).

3) La nature des intérêts du compte courant d’associé.

Les intérêts du compte courant d’associé sont soumisses à la volonté des parties et les statuts de l’entreprise à condition de ne pas dépasser le taux légal prévu par le ministère de l’économie et d finance dans un arrêté publié annuellement.

Et Les intérêts des sommes portées en compte courant sont dus de plein droit, par celle des parties au débit de laquelle elles figurent, à partir du jour des avances constatées .

4) La position de titulaire du compte courant d’associé dans les difficultés des entreprises.

Si l’entreprise est en difficulté, l’associe-préteur est un créancier de la société détenant un compte courant d’associé est considéré comme un créancier chirographaire, qui prend une place derrière les créanciers privilégiés et les créancier gagistes. En conséquence, il n’a pas le droit au remboursement dans le cas où ces dettes absorbent les actifs de la société. 

Chapitre 2 : le traitement comptable et fiscal du compte courant d’associé.

La relation entre la fiscalité et la comptabilité au niveau de CCA n’est pas simple que l’on puisse imaginer. Il s’agit d’une relation beaucoup plus complexe en raison des objectifs parfois contradictoires.

1) Le traitement comptable du compte courant d’associé.

Sur le plan comptable, pour que les opérations du compte courant d’associé soient des charges déductibles ils doivent réalisés trois conditions :
- Le capital social doit être entièrement libéré,
- Le capital social doit être supérieur ou égal de montant total de compte courant,
- Le taux légal doit être supérieur ou égal le taux de rémunération.

Pour bien comprendre ces conditions sur l’aspect comptable, nous allons donner l’exemple par le tableau suivant supposant que tous les capitaux sont entièrement libérés :

ccas Capital Compte courant d’associé Taux légal Taux conventionnel
Intérêt comptable
C1 5 000 000.00 1 000 000.00 2.23 % 1.5 % 15 000.00
22 1 000 000.00 5 000 000.00 2.23 % 1.5 % 75 000.00
33 5 000 000.00 1 000 000.00 2.23 % 3 % 30 000.00
C4 1 000 000.00 5 000 000.00 2.23 % 3 % 150 000.00

N.B : Pour calculer l’intérêt comptable, on multiple le montant du compte courant des associés par le taux conventionnel.

Selon les données du tableau ci-dessus on remarque que :
Dans le cas (1), Les conditions sont toutes respectés car le montant du capital est supérieur du montant de CCA (5 000 000.00 > 1 000 000.00), et le taux légal est supérieur du taux conventionnel (2.23% > 1.5%). Donc on peut considérer le montant de cette opération comme charge déductible.

Dans le cas (2), le taux légal est supérieur du taux conventionnel (2.23% > 1.5%), mais le montant du capital est inférieur du montant de compte courant des associés (1 000 000.00 < 5000 000.00), donc la deuxième condition n’est pas réalisée.

Dans le cas (3), le montant du capital est supérieur du montant de CCA (5 000 000.00 > 1 000 000.00), mais le taux légal est inférieur du taux conventionnel (2.23% > 1.5%), donc la troisième condition n’est pas réalisée.

Dans le cas (4), le montant de capital est inférieur du montant de compte courant des associés (1 000 000.00 < 5 000 000.00), et le taux légal est inférieur du taux conventionnel, donc la deuxième et la troisième condition ne sont pas réalisées.

Malgré les cas (2), (3) et (4), ne respectent pas toutes les conditions, ils sont valables au niveau comptable, mais on ne peut pas les considérer comme étant des charges déductibles ce qui nécessite l’intervention de la fiscalité pour régulariser les opérations conformément à la loi et l’art 1 de l’arrêté du ministre de l’économie et de Finances n°1003.20 .

2) Le traitement fiscal du compte courant d’associé.

Le traitement comptable du CCA est toujours limité par le pouvoir fiscal, s’il y a des opérations illégales, conformément à la loi l’administration fiscale s’intervient pour régulariser ces opérations. Et sachant que la fiscalité affecte les résultats de la comptabilité, on va bien démontrer cette influence dans le tableau suivant on utilisant l’exemple précédent.

Cas Capital CCA Taux légal Taux conventionnel Intérêt comptable Intérêt fiscal Somme à réintégrer
1 5 000 000.00 1 000 000.00 2.23 % 1.5 % 15 000.00 15 000.00 0
2 1 000 000.00 5 000 000.00 2.23 % 1.5 % 75 000.00 15 000.00 60 000.00
3 5 000 000.00 1 000 000.00 2.23 % 3 % 30 000.00 22 300.00 7 700.00
4 1 000 000.00 5 000 000.00 2.23 % 3 % 30 000.00 22 300.00 127 700.00

N.B : Pour calculer l’intérêt fiscal, on se réfère bien à la loi, c’est-à-dire on prend en considération dans le calcul les trois conditions précitées précédemment , pour déterminer la somme à réintégrée dans le calcul des impôts.

La Somme à réintégrer = l’intérêt comptable - l’intérêt fiscal.

Par conséquent dans la phase de la détermination de la somme à réintégrée, on calcule l’intérêt fiscal se basant sur le montant inférieur entre le montant de capital et le montant de CCA, et sur le taux inférieur entre le taux légal et le taux conventionnel.

Intérêt fiscal = le montant inférieur entre K et CCA × le Tx inférieur entre le Tx légal et conventionnel

Le cas (1) : pour calculer l’intérêt fiscal on prend le montant inférieur qui est 1 000 000.00 on le multipliant par le taux inférieur qui est 1.5%, ce qui va nous donner 15 000.00 et donc la somme à réintégré est 0 parce que l’intérêt comptable égal l’intérêt fiscal, donc rien à signaler.

Le cas (2) : pour calculer l’intérêt fiscal, on multiple 1 000 000.00 par 1.5% ce qui nous donne 15 000.00, donc une somme à réintégrée de 60 000.00 (75 000.00 - 15 000.00).

Le cas (3) : pour calculer l’intérêt fiscal, on multiple 1 000 000.00 par 2.23% ce qui nous donne 22 300.00, donc une somme à réintégrée de 7 700.00 (30 000.00 - 22 300.00).

Le cas (4) : pour calculer l’intérêt fiscal, on multiple 1 000 000.00 par 2.23% ce qui nous donne 22 300.00, donc une somme à réintégrée de 127 700.00 (150 000.00 - 22 300.00).

Conclusion :

En définitive, et malgré le manquement d’une réglementation spécifique, le compte courant d’associé reste un moyen indisponible de financement pour l’entreprise, d’où l’efficacité, la souplesse et la simplicité de son fonctionnement au sein de l’entreprise.

Il est vrai que le compte courant d’associé connait des handicaps au niveau pratique, mais il a pu les dépasser envers un succès occupant une place importante parmi les outils de financement.

Finalement on souhaite que le législateur marocain légifère une réglementation spécifique encadrant le compte courant d’associé, pour que les entreprises puissent bénéficier de ses avantages.

BELKHALIL Mohamed et BENAID Abdelilah, Etudiants.

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