Pour cette rédaction de conclusions, il faut être d’autant plus rigoureux qu’il n’est possible de régulariser une éventuelle erreur que dans le délai de dépôt des conclusions d’appelant ou d’intimé (3 mois en droit commun, 2 mois pour les renvois de cassation et 1 mois pour les procédures de l’article 905).
Il faut cependant préciser que le décret du 29 décembre 2023 prévoit au 2e alinéa du nouvel article 911 que le conseiller de la mise en état pourra, à la demande d’une partie ou d’office, allonger ou réduire les délais des articles 908 à 910, et ce par simple message RPVA.
Du fait qu’il s’agit d’un délai de forclusion, il est essentiel que les règles applicables pour la rédaction des conclusions d’appel soient respectées strictement dès les premières conclusions.
1) L’en-tête des conclusions.
L’article 961 du C.P.C. renvoie pour les indications, que doivent contenir les conclusions, à l’article 960, qui exige pour la constitution d’avocat :
- si la partie est une personne physique ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
- s’il s’agit d’une personne morale sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.
La sanction encourue est l’irrecevabilité des conclusions, qui est déclarée par le conseiller de la mise en état.
De ce fait, lorsqu’il s’agit de conclusions d’appelant, l’appel peut devenir caduc au titre de l’article 908 à la suite de l’irrecevabilité des conclusions et ce faute de l’absence de respect du délai.
Pour les parties intimées, la sanction se bornera à l’irrecevabilité des conclusions sur le fondement de l’article 909.
2) Le contenu des conclusions.
Le nouvel article 954 issu du décret du 29 décembre 2023 indique maintenant que les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement et énonce s’il conclut à l’infirmation les chefs du dispositif du jugement critiqués.
3) L’énoncé des chefs de jugement critiqués.
Avec la suppression de l’appel général, l’appelant principal ou incident est invité à préciser dans ses conclusions les chefs de jugement qu’il critique.
La dévolution de l’appel ne jouera que sur les dispositions, qui auront été expressément mentionnées par les parties dans la déclaration d’appel.
Cependant, si l’un des chefs du dispositif a été oublié, l’article 915-2 issu du décret du 29 décembre 2023 énonce pour les instances, dont la déclaration d’appel est postérieure au 1er septembre dernier, que : « l’appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au 1er alinéa de l’article 906-2 et à l’article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel ».
4) La concentration des prétentions.
Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée.
L’appelant, tout comme l’intimé, doit exposer ses prétentions dans ses premières conclusions sans pouvoir élargir la dévolution du litige par de nouvelles prétentions dans des conclusions ultérieures.
L’article 910-4 énonce expressément qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office les parties doivent présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond dès les premières conclusions. Il prévoit cependant des exceptions lorsque les nouvelles prétentions sont destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses et également à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Pour un intimé forclos, il est donc possible de répliquer aux nouvelles conclusions de celui-ci à partir du moment où l’appelant a présenté des moyens nouveaux ou des prétentions nouvelles.
Il est également possible dans le cadre des prétentions formulées dans les premières conclusions de présenter dans des conclusions ultérieures des pièces et des moyens nouveaux.
Il convient de rappeler que les exceptions de procédure, les fins de non-recevoir et les moyens relevant de la défense au fond doivent être présentés dans cet ordre à peine d’irrecevabilité.
5) L’indication des pièces invoquées.
Les conclusions doivent indiquer les pièces invoquées au soutien des diverses prétentions (article 954) au fur et à mesure du développement de celles-ci. Toute pièce régulièrement communiquée, mais non invoquée expressément dans les conclusions, pourrait être considérée comme inopérante.
Cette indication se fait en annexant aux conclusions un bordereau récapitulatif, qui permet à la Cour de s’assurer du respect du principe du contradictoire.
Les pièces communiquées au soutien de conclusions irrecevables sont elles-mêmes irrecevables.
L’obligation de communiquer de nouveau les pièces en cause d’appel n’est pas expressément sanctionnée, mais elles peuvent cependant être écartées des débats.
Enfin, les pièces doivent être communiquées simultanément avec la notification des conclusions à peine d’irrecevabilité.
6) L’appel incident.
La Cour de cassation fait une distinction selon que la partie défaillante a ou non été intimée par l’appelant principal. Si elle n’a pas été intimée, un appel provoqué doit être formé par assignation à l’intérieur du délai d’intimé pour conclure. Par contre, si la partie défaillante a été régulièrement intimée par l’appelant principal, l’appelant incident dispose du délai d’un mois supplémentaire pour faire signifier ses conclusions par huissier à l’intimé défaillant.
L’intimé qui a négligé de former appel incident ou provoqué dans le délai pour conclure ne peut plus depuis la réforme de 2017 former un appel principal.
7) Les conclusions récapitulatives.
Les parties doivent « reprendre dans leurs dernières écritures les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures ».
À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés : la Cour ne statuera que sur les dernières conclusions déposées.
Par contre, si des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils doivent être présentés « de manière formellement distincte » (article 954).
8) Les conclusions d’incident.
Ces conclusions doivent être spécialement adressées au conseiller de la mise en état ou au président de la formation s’il n’y a pas eu de désignation de celui-ci. Le conseiller de la mise en état n’a pas à statuer sur des conclusions adressées par erreur à la Cour d’appel.
Les parties doivent conclure au fond dans le délai, qui leur est imparti, même quand elles ont saisi le conseiller de la mise en état d’un incident visant à mettre un terme au litige, sauf s’il s’agit de conclusions d’incident aux fins de radiation de l’article 524. En effet, seules les conclusions au fond sont interruptives des délais imposés à peine de caducité ou d’irrecevabilité.
Cependant, pour être recevables, les conclusions d’incident doivent être notifiées par RPVA ne serait-ce que de quelques minutes avant les conclusions sur le fond.
L’article 914-5 fixe la compétence du conseiller de la mise en état jusqu’à l’ouverture des débats.
Depuis le décret du 29 décembre 2023, les attributions de celui-ci, comme celles du Président de chambre pour les procédures à bref délai, ne comportent plus aux termes de l’article 913-5 les fins de non-recevoir en cause d’appel, et notamment l’examen du non-respect de l’obligation de concentration des prétentions en appel et l’interdiction des prétentions nouvelles en appel, mais simplement la recevabilité de l’appel, des conclusions en application des articles 909 et 910 ainsi que des actes de procédure en application de l’article 930-1.
9) La jonction d’instances.
Lorsque plusieurs appels principaux ont été formés, le Conseiller de la mise en état instruit de manière parallèle chaque instance et ne fait une jonction qu’une fois que tous les délais d’intimés sont expirés.
La jonction d’instance ne crée pas de procédure unique, qui obligerait les parties à récapituler en un jeu unique d’écritures des conclusions déposées dans chaque procédure avant leur jonction.
Le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées dans chaque procédure par la partie, qui n’a pas conclu après jonction.
3) Le dispositif des conclusions.
Aux termes de l’article 954, les prétentions des parties doivent être récapitulées sous forme de dispositif et la Cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
C’est notamment le cas des fins de non-recevoir. La finalité est de faciliter le travail des juges d’appel et de sécuriser la question du défaut de réponse à conclusions.
La caducité de la déclaration d’appel est encourue dès lors que les conclusions bien que notifiées dans le délai de l’article 908 ne visaient pas dans leur dispositif l’infirmation partielle ou totale du jugement [1].
La Cour de cassation considère que la Cour d’appel saisie par un dispositif de premières conclusions, qui ne sollicite pas l’infirmation ou l’annulation du jugement, ne peut que le confirmer [2].
Une fois le délai pour conclure dépassé, l’omission dans le dispositif n’est plus régularisable.
Cependant, la Cour de cassation estime que la sanction ne doit s’appliquer qu’aux procédures, dont les déclarations d’appel sont postérieures au 17 septembre 2020.
Lorsqu’il a été omis de mentionner dans la déclaration d’appel les chefs du dispositif du jugement critiqués, la Cour de cassation estime que l’effet dévolutif n’opère pas et que la Cour d’appel n’est saisie de la critique d’aucun chef du dispositif.
Mais, depuis le décret du 29 décembre 2023 aux termes de l’article 915-2 il est possible de modifier l’étendue de la saisine de la Cour en ajoutant dans le 1ᵉʳ jeu de conclusions notifié des chefs non mentionnés dans la déclaration d’appel.
Lorsque l’infirmation est demandée, ce décret exige que les chefs du dispositif du jugement critiqués soient listés dans le dispositif des conclusions de l’appelant (art. 954 al. 2). Sinon, il ne sera pas statué par la Cour sur ces chefs du dispositif aux termes de l’article 954 al. 3.
Discussion en cours :
Merci de cette synthèse du formalisme de la procédure d’appel qu’il est d’autant plus important de rappeler que ses effets peuvent être drastiques.
La cour d’appel ne PEUT que confirmer le chef du jugement qui ne fait pas l’objet d’une demande d’infirmation spécifique dans le dispositif des conclusions des parties (Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 4 février 2021, 19-23.615, Publié au bulletin).
Lorsqu’un chef de jugement ne fait l’objet d’aucune critique des parties, la cour d’appel DOIT-elle pour autant confirmer ce chef de jugement ? Plus précisément, lorsqu’un chef de jugement n’est mentionné ni dans la déclaration d’appel ni dans les conclusions d’appelant et que les conclusions d’intimé et d’appelant à titre incident demandent explicitement (dans leur discussion et dans leur dispositif) la confirmation de ce chef de jugement, la Cour d’appel a-t-elle l’OBLIGATION Pour de confirmer ce chef de jugement ?
Dans un tel cas, qu’advient-il si la Cour d’appel ne se prononce pas sur ce chef de jugement :
Cela pourrait-il constituer matière à cassation (afin de renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel pour qu’elle confirme ce chef de jugement) ?
Ou bien ce chef de jugement de première instance demeure-t-il simplement en vigueur (exécutoire) puisqu’il n’a fait l’objet d’aucun recours (même si d’autres chefs de ce jugement ont été réformés en appel) ?
Merci par avance de votre éclairage.