Des solutions efficaces existent pour réagir face à la crise. Cependant, elles nécessitent que les institutions sans but lucratif (ISBL) - associations, fondations et fonds de dotation [2] - renforcent considérablement leurs capacités en matière d’hybridation des ressources et d’optimisation fiscale, étant entendu par ailleurs que l’une et l’autre de ces techniques de gestion sont parfaitement indissociables. Certes, un certain nombre d’associations ont désormais bien compris qu’elles devaient s’orienter vers de nouveaux modèles économiques [3] et de gouvernance [4] plus pérennes et toujours plus transparents, mais aussi que cette tendance récente constitue un véritable défi [5] pour toute une génération de nouveaux dirigeants bénévoles.
Réaffirmer son identité et ses objectifs.
En tant qu’organisation économique et humaine, et comme toute autre entreprise, l’association a besoin de comprendre qui elle est - son identité - pour savoir où elle va - ses objectifs. Sans cette étape préalable, point de salut, le modèle économique envisagé pouvant alors rapidement se révéler bancal, notamment en raison d’un mauvais positionnement.
Comprendre qui l’on est...
Présentes dans un très grand nombre de secteurs de l’activité humaine, les associations ont cela de commun qu’elles ne peuvent pas distribuer les bénéfices qu’elles réalisent à leurs membres [6]. L’interdiction légale est absolue et ne souffre aucune exception [7]. Cependant, ces mêmes ISBL disposent d’une pleine et entière capacité en matière économique, voire commerciale [8]. Par conséquent, l’adjonction de ces deux caractéristiques fait d’elles des opérateurs socio-économiques très différents des sociétés traditionnelles de type capitalistique, fussent-elles à impact social [9] :
d’une part, parce que ces ISBL fondent intrinsèquement leurs démarches autour du principe de propriété collective de l’entreprise et de ses résultats, lesquels devront obligatoirement être réinvestis dans le projet commun - la cause associative -, notamment en vue d’améliorer les services rendus aux personnes et/ou les conditions de travail et rémunérations de leurs salariés ;
d’autre part, parce que si ces mêmes ISBL envisagent de conserver leur statut fiscal d’organisme à but lucratif [10] tout en cher- chant à diversifier leurs ressources, elles devront nécessairement éviter de verser vers le « tout lucratif ». A ce stade, dès lors, il importe de s’interroger : de quels moyens dispose-t-on ? Que représentent-ils dans le budget associatif ? Dispose-t-on de moyens suffisants et de la connaissance nécessaire pour le faire évoluer ? Et, enfin, jusqu’où est-on prêt à aller dans les moyens à mettre en œuvre pour parvenir au but que l’on s’est fixé ?
… Pour savoir où l’on va.
Si l’association doit le plus souvent préserver la nature globalement non lucrative de son objet statutaire - de son but -, rien ne l’empêche a contrario de développer des « activités-moyens » sous forme de prestations de services ou de ventes de biens [11] pour contribuer au financement de ce même objet statutaire. Autrement dit, les associations qui en auront l’opportunité pourront aller chercher sur le marché concurrentiel lucratif la part du financement qui leur est nécessaire, soit sous forme d’activités lucratives accessoires, soit par la création d’une filiale sous forme de société commerciale - entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), etc. - ou de coopérative - société coopérative de production (SCOP), coopérative foncière, société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Aussi, la gestion des activités lucratives au sein d’une ISBL doit être parfaitement maîtrisée afin d’éviter tout risque de globalisation fiscale qui limiterait la mise en place d’une véritable politique d’hybridation des ressources [12]. En effet, toute ISBL dont le statut fiscal est globalement lucratif ne dispose plus, en théorie, de la possibilité de développer des ressources sous forme de mécénat ou de subvention [13].
Adopter une politique d’hybridation des ressources.
Le financement des ISBL repose désormais sur leur capacité à mixer différentes formes de ressources possibles, qu’elles soient monétaires ou non. Nécessitant une expertise précise et rigoureuse en fonction de la stratégie définie par chaque organisme [14], la mise en œuvre d’une politique d’hybridation des ressources est encore mal appréhendée par les associations et leurs dirigeants.
Ressources monétaires.
- Ressources monétaires publiques. Les ressources associatives sont pour partie issues de subventions dès lors qu’une part importante de leurs activités relève de l’intérêt général [15] et que l’ISBL est à l’initiative du projet [16]. Par ailleurs, en qualité de prestataire ou de délégataire de la puissance publique - Etat, collectivités territoriales -, l’association peut percevoir des ressources monétaires publiques, soit sous forme de rémunération - marchés publics -, soit sous forme de redevance - délégations de service public.
- Ressources monétaires privées. L’autre caractéristique des modèles économiques associatifs réside dans la capacité de ces ISBL à mixer différentes formes de ressources monétaires privées, telles que cotisations, libéralités/mécénat, revenus du patrimoine, prestations lucratives d’origine privée, produits des manifestations exceptionnelles ou encore apports.
Ressources non monétaires.
Les ISBL peuvent également disposer de ressources non monétaires, c’est-à-dire de la capacité à mobiliser des bénévoles, qu’ils soient membres ou non. Désormais valorisable dans le nouveau plan comptable associatif [17], la participation des 22 millions de bénévoles [18] - soit quasiment un Français sur deux - représente plus de 3 millions d’heures de participation, ce qui équivaut à une fourchette comprise entre 1,32 million et 1,46 million d’équivalents temps plein (ETP) [19]. Cette capacité de mobilisation constitue pour ces nouveaux modes d’entreprendre un véritable avantage compétitif par rapport aux secteurs concurrentiels traditionnels et permet aux ISBL d’étendre leur capacité d’intervention dans des secteurs pour lesquels la demande n’est pas toujours solvable.
Si l’optimisation de la gestion de l’ISBL dépend de sa capacité à augmenter ses produits - ses ressources -, elle passe tout aussi assurément par une maîtrise de ses charges, notamment fiscales.
Optimiser son régime fiscal.
Pour maîtriser sa charge fiscale, l’association dont la volonté consiste à préserver son statut d’ISBL devra soit augmenter son chiffre d’affaires à partir d’activités économiques d’utilité sociale, soit respecter un certain nombre de contraintes fiscales pour bénéficier de la franchise commerciale et/ou d’exonérations spécifiques.
Utilité sociale / innovation sociale.
En application de la doctrine fiscale [20],
« le fait qu’un organisme à but non lucratif intervienne dans un domaine d’activité où coexistent des entreprises du secteur lucratif ne conduit pas ipso facto à le soumettre aux impôts commerciaux ».
En effet, lorsqu’une association exerce une activité de vente de prestations de services ou de biens, celle-ci demeure non imposable [21] sans limite de chiffre d’affaires dès lors que l’offre proposée respecte les critères fiscaux d’utilité sociale - produit et/ou public [22]. Cette notion en voie de consolidation sur le plan juridique [23] présente des caractéristiques proches de celles retenues pour l’innovation sociale [24] dès lors que toutes deux se fondent sur la satisfaction de
« besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles du marché ou dans le cadre des politiques publiques ».
Franchise commerciale.
Toute ISBL non assujettie aux impôts commerciaux peut développer des activités commerciales accessoires dans la limite de 72 000 euros de chiffre d’affaires par année civile. Le bénéfice de cette franchise commerciale [25] est automatique dès lors que la gestion de l’ISBL est désintéressée [26] et que ses activités non lucratives sont significativement prépondérantes au sein de son projet global. Pour autant, cette dernière, qui bénéficie de la franchise commerciale, reste soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) sur ses revenus du patrimoine [27] : l’IS aux taux réduits sur les revenus patrimoniaux - fonciers, agricoles et mobiliers [28] - et l’IS au taux de droit commun au titre des résultats de ses activités financières lucratives et de ses participations dans des filiales commerciales [29].
Exonérations spécifiques.
Des dispositions particulières du code général des impôts (CGI) exonèrent de l’IS les bénéfices provenant de certaines opérations à caractère lucratif [30] lorsque ces opérations sont réalisées, dans des conditions déterminées, par des organismes sans but lucratif [31]. Sont ainsi exonérés les organismes sans but lucratif mentionnés à l’article 261, 7, 1o, a) et b) du CGI pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) [32] - « services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres », « opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique » - ainsi qu’à l’article 261, 7, 1o, c) du CGI - « manifestations de bienfaisance ou de soutien » [33].
En conclusion, les associations, et plus généralement les ISBL, doivent dans un premier temps profiter de la crise sanitaire du Covid-19 pour réinterroger leur identité, leurs objectifs ainsi que les moyens qu’elles souhaitent mettre en œuvre pour y parvenir. Dans un second temps, elles doivent, pour se relancer, faire valoir leurs spécificités en qualité d’acteurs de l’ESS - leur utilité sociale - et profiter des opportunités qui s’offrent à elles pour optimiser leur situation fiscale.