Etat de droit, paix et développement en Afrique.

Par N’dri N’dah Florent, Juriste.

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Le concept d’Etat de droit continue depuis toujours de faire couler assez d’encre. porter une réflexion sur un tel concept, s’avère important, surtout dans les pays africains, où l’on note une profonde crise dudit concept, pourtant clamé par ces Etats, qui en mettant cette idée au cœur de leurs constitutions, ne veillent pas à son respect, alors qu’il peut susciter la paix et le développement.

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« Il est plus juste que la loi gouverne n’importe lequel des citoyens ». Cette assertion du philosophe grec Aristote traduit l’idée selon laquelle aucun individu ne doit être au-dessus des lois, et qu’il appartient à la loi de réglementer aussi bien les actions des citoyens que les actions du gouvernement et des gouvernants. Le pouvoir politique, pouvoir suprême, reste soumis aux lois (Droit). On parle alors d’Etat de droit. Cette notion poursuivie de nos jours par la majorité de tous les Etats du monde surtout les Etats dits démocratiques est intimement lié à d’autres concepts en cours comme la paix et le développement. C’est dans cette lucarne que s’inscrit le sujet objet de notre étude intitulé : « Etat de droit, paix et développement ».

L’Etat de droit est employé pour caractériser un Etat dont l’ensemble des autorités politiques et administratives, centrales et locales, agit en se conformant effectivement aux règles de droit en vigueur et dans lequel tous les individus bénéficient également de garanties procédurales et de libertés fondamentales. L’Etat de droit est un concept polysémique, polymorphe et polyvalent. Selon le dictionnaire de droit international public, « l’Etat de droit est un Etat dont l’organisation interne est régie par le droit et la justice ». Selon le professeur Jacques Chevalier, « trois versions instrumentale, formelle, substantielle dessinent d’emblée plusieurs figures possibles de l’Etat de droit, à savoir, l’Etat qui agit au moyen du droit, l’Etat qui est assujetti au droit, l’Etat dont le droit comporte certains attributs intrinsèques ».

La notion d’Etat de droit à été forgée à la fin du XIXe siècle dans la doctrine juridique allemande sous le terme de Reechtsstaat puis française avec certains auteurs comme Duguit, Hauriou puis Malberg pour répondre à l’exigence de fondation du droit public, mais aussi pour marquer le passage que connaissait les régimes libéraux dans leur passage à la démocratie. En France comme dans la majeure partie des Etats africains, la théorie de l’Etat de droit, s’est construite sur le principe de la souveraineté nationale, selon lequel l’Etat est l’émanation de la nation et sa personnification juridique.

Malgré l’absence d’une définition internationalement reconnue de l’Etat de droit, l’on peut d’ores et déjà admettre que la notion d’Etat de droit repose sur un certain nombre de principes promut dans la plupart des constitutions occidentales comme africaines.

Ces principes pour la plupart tiennent à la non-discrimination et l’égalité devant la loi ; la primauté de la constitution ; la hiérarchie des normes et la cohérence du système juridique ; la séparation des pouvoirs entre les autorités législatives exécutives, le respect des droits humains etc.

Devant le phénomène que certains constitutionnalistes appelle « la crise de l’Etat », qui frappe les Etats de l’intérieur et qui trouve sa manifestation la plus flagrante dans les Etats africains avec les nombreuses crises et coups d’Etats incessants, la recherche de la paix et le développement devient une quête impérieuse pour les Etats. Cette quête tant recherchée nous amène à nous poser la question de droit suivante : l’Etat de droit favorise-t-il la paix et le développement ? Autrement dit la paix et le développement d’un Etat doivent-ils reposer sur la soumission de celui-ci au droit ?

Une telle préoccupation qui repose sur la théorie de l’Etat de droit tant chanté par les Etats et les concepts de paix et de développement présente des intérêts d’ordre pratique et théorique. Du point de vue pratique, ce sujet permettra aux citoyens de ne plus voir leur désir en une légitime démocratie, un Etat bienfaisant et pour tous susceptibles de freiner leurs réalités quotidiennes que sont : la faim, le manque d’emploi, la pauvreté, et la violence comme une réalité. Pour les gouvernants, un tel sujet, pourra leur permettre de savoir que le respect des principes d’un Etat de droit peut faciliter la paix et le développement de leurs Etats. Du point de vue théorique, cette étude accordera plus de valeur à la théorie de l’Etat de droit, qui loin d’être une simple invention doctrinale peut garantir la paix et le développement d’un Etat soucieux des valeurs démocratiques. En d’autres termes, cette étude nous permettra de voir si les principes et valeurs de tout Etat de droit peuvent assurer la paix et le développement d’un Etat. En guise de réponse anticipée à notre problématique, il sied de reconnaitre que l’Etat de droit peut être un outil au service de la paix (I) mais aussi de développement (II).

I- L’Etat de droit, un outil au service de la paix.

Comme le fait remarquer le professeur Chevalier jacques, « L’Etat de droit repose sur le fétichisme de la règle ». Cette citation, explique que l’Etat de droit, est un concept qui implique une confiance totale dans la norme juridique. Ce normativisme fait qu’aucune activité du champ social ne saurait échapper au droit. L’Etat de droit étant donc comme le pense les auteurs normativistes, la simple soumission de l’Etat au droit. Il va s’en dire que la finalité du droit est la justice et c’est en assurant la justice que l’Etat peut être un outil réel au service de la paix (A). Cette conception de la soumission de l’Etat au droit ne rend pas totalement compte du contenu actuel de la notion, qui semble reposer aujourd’hui sur la garantie du respect des droits des citoyens. Ce qui, nous conduit à considérer qu’un Etat de droit ne saurait être au service de la paix qu’en garantissant le respect des libertés fondamentales et la sécurité des citoyens (B).

A- La garantie de la paix par l’Etat de droit à travers la justice.

L’Etat de droit se caractérise par une pluralité de fonctions à savoir la fonction législative d’élaboration des règles, la fonction exécutive d’élaboration des ordres et la fonction juridictionnelle de contrôle de la conformité des ordres et des comportements des sujets de droit aux règles. Ce tripartisme de fonction dévolue à tout Etat de droit, trouve son fondement dans la théorie traditionnelle de la séparation des pouvoirs telle qu’envisagée par le philosophe français Montesquieu dans son célèbre ouvrage de l’esprit des lois. Le pouvoir judiciaire qui est celui qui consiste à rendre la justice entre les citoyens se doit d’être indépendant, pour que règne la paix. En effet, une justice aux ordres ou encore une justice jointe à la puissance exécutrice pourrait avoir la force d’un oppresseur et compromettre le droit de certains justiciables. Surtout lorsque ceux-ci sont des contre-pouvoirs ou des opposants du gouvernement en place. Le juge en tant que détenteur du pouvoir judiciaire doit être impartial, neutre et n’obéit qu’à la loi. L’Etat de droit ne saurait exister si l’on fait face à une justice aux ordres. Une telle justice est non seulement dangereuse pour les citoyens mais ne traduit pas l’idée véritable de l’Etat de droit.

La paix ainsi recherchée ne saurait se manifester puisque, un tel Etat ferait face toujours à des montées en puissance des populations et à des révoltes. Chaque Etat doit donc pour éviter un tel chaos respecter certains standards minimaux pour l’organe judiciaire tel que, le fait pour tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale d’être traduit devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi et doit être jugé dans un délai raisonnable ou mis en liberté. Le constituant Ivoirien, soucieux de la place que peut jouer la justice au sein d’un Etat de droit, a pu prévoir dans les articles 6 et 7 de la constitution du 8 novembre 2016 un certain nombre de principes tels que : le principe de la libre et accès à la justice pour tous, le principe d’un procès équitable et surtout le principe de la légalité criminelle. Selon un rapport du secrétaire général de l’ONU, « (..) il n’est possible de consolider la paix dans la période qui suit immédiatement la fin d’un conflit, et de la préserver durablement, que si la population est assurée d’obtenir réparation à travers un système légitime de règlement des différends et d’administration équitable à la justice (…) ».

Ce rapport explique clairement que l’Etat de droit ne peut assurer la paix s’il laisse impuni des faits et violences subies par les populations en moment de crise. Il appartient donc aux organisations de maintien de la paix de désigner les coupables ou de les rechercher après les conflits afin de les sanctionner conformément à la loi.

En plus du fait que c’est par la justice qu’un Etat de droit peut favoriser la paix. Il faut ajouter que l’application de la justice dans la recherche de la paix doit être contrôlée par des institutions fortes et indépendantes. Autrement dit, le contrôle de la hiérarchie des normes et de la généralisation des règles par un des pouvoirs distincts et indépendants du pouvoir normatif s’avère être capitale pour parler réellement d’un Etat de droit et de la paix. Ce contrôle est assuré généralement par certains organes du pouvoir judiciaire.

En droit Ivoirien, cet organe est le conseil constitutionnel. Au sens de l’article 126 de la constitution de 08 novembre, le conseil constitutionnel est impartial et indépendant et constitue l’organe régulateur du fonctionnement des pouvoirs publics dont la mission est de vérifier la conformité de la loi à la constitution. A l’instar de la Côte d’ivoire, le Sénégal a aussi un conseil constitutionnel, qui connait exclusivement des exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la cour suprême, dans le cas où la solution d’un litige est subordonnée à l’appréciation de la conformité des dispositions d’une loi ou d’une stipulation d’un accord international à la constitution.

D’autres Etats préfèrent parler de Cour constitutionnelle (Tchad, Bénin, Mali etc.).

Quoiqu’’il en soit, il convient de constater que ce contrôle des règles de droit interne s’est de nos jours internationalisé avec la mise en place de juridictions communautaires comme la CCJA, la Cour de justice de l’UEMOA, la Cour de justice de la CEDEAO, dont l’objectif est d’assuré entre les Etats membres une justice efficace.

Il existe chez la plupart des magistrats un état d’esprit, fait de crainte et de soumission mêlée qui les pousse à anticiper les désirs du chef de l’Etat et à prendre la décision qu’ils croient être celle qu’attend la présidence. Cet état des choses est déplorable et compromet l’idée de l’Etat de droit qui ne peut dans ces conditions assurer efficacement la paix. Plus de trois décennies après les indépendances, on remarque que « l’introduction en Afrique de normes juridiques et d’institutions judiciaires modernes d’inspirations européenne a occasionné une diminution sensible de l’accès à la justice pour la grande majorité des justiciables ». Les causes d’une telle situation tiennent en l’absence d’institutionnalisation du pouvoir et de la différence au niveau de la signification du procès en Europe et en Afrique. En effet, tandis que le demandeur européen se sent heureux d’appuyer sa prétention sur une réglementation préétablie et se satisfait de voir succomber son adversaire, le procès en Afrique est moins l’occasion d’un affrontement entre deux parties qu’un moment de réconciliation. Cependant l’Etat de droit peut être un outil au service de la paix s’il respecte les libertés fondamentales des citoyens et assure leur sécurité (B).

B- La garantie de la paix par le respect des libertés fondamentales et la sécurité.

« Une société connait un Etat de droit, lorsque les rapports entre ses membres sont organisés selon des règles qui définissent les droits de chacun et assurent les garanties nécessaires au respect de ces droits ». C’est sans ambages cette idée qui rend le mieux compte du contenu actuel de la notion, puisqu’elle est enrichie par une autre dimension qui est celle du respect des libertés fondamentales des citoyens.

On ne peut parler de paix si les libertés fondamentales des citoyens sont bafouées par l’Etat et ne sont pas suffisamment assurer et protéger par la règle de droit.

Le citoyen en tant qu’il est considéré comme membre d’un groupement politique que constitue l’Etat au sens moderne ou démocratique du terme, bénéficie à ce titre de droits dont la protection est garantie par la loi de l’Etat, dont la norme constitutionnelle est la clé de voûte. Cette idée de protection et de garantie des droits des citoyens se retrouve dans le préambule de maintes constitutions africaines. A cet effet, le constituant ivoirien affirme que : « Nous, peuple de Côte d’ivoire :[…] réaffirmons notre détermination à bâtir un Etat de droit dans lequel les droits de l’homme, les libertés publiques, la dignité de la personne humaine […] tels que définis dans les instruments juridiques internationaux auxquels la Côte d’Ivoire est partie […] sont promus, protégés et garantis ».

Dans le même registre, le constituant Béninois, accorde au frontispice de sa constitution le respect des droits fondamentaux. Il affirme aussi solennellement la détermination du peuple par la présente constitution de créer, un Etat de droit et une démocratie pluraliste, dans laquelle les droits fondamentaux de l’homme, la liberté publique, la dignité de la personne humaine etc. sont garantis. A la suite des prescriptions, faites à partir du préambule de la constitution, certains constituants donnent un fondement juridique directement dans le corpus de la constitution.

La paix est nécessairement assurée lorsque tous les citoyens sont égaux dans les droits et qu’aucune personne n’est privilégiée ou discriminée en raison de sa race, son ethnie, son clan, sa tribu, de sa couleur de peau, de son sexe, de sa région, de son statut social etc.

En outre, la paix peut régner lorsque toutes les personnes ont droit à des conditions de travail décent et à une rémunération équitable. En effet, un employé mal payé ou exploiter ne peut être en paix avec lui même et en paix avec les autres car toujours tenté à faire des revendications. Les libertés fondamentales des citoyens doivent être exercées dans le respect des lois et des règlements et ne doivent pas porter atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui, ni à l’ordre public.

La paix en tant qu’absence de conflit et de guerre, passe par la mise en œuvre d’une politique de sécurité efficace. L’Etat de droit garantit que la force publique est utilisée dans l’intérêt du public et que la sécurité individuelle est définie par la loi. Ce qui évitera des individus à se faire justice eux-mêmes, une situation qui peut conduire à des risques insécuritaires. Toujours sur le plan sécuritaire, il faut noter que certains Etats africains après avoir connus de nombreuse crise post-électorale, sont engagés dans un processus de réconciliation dans le but d’apaiser les tensions autour de l’accès aux ressources naturelles et aux terres agricoles.

La règle de droit doit défendre la liberté du citoyen, le protéger contre l’administration, respecter l’équilibre entre les intérêts et de ne pas mettre en cause la sauvegarde de l’ordre public. Sur le plan pratique, la question de la garantie des droits ne saurait se limiter au juge. La véritable préoccupation est en réalité celle des institutions et mécanisme qui protègent réellement ces droits. Dans plusieurs Etats africains des institutions ont été mises en place pour garantir le respect les libertés fondamentales. Il est fait mention des organisations non gouvernementales internationales ou non, des autorités administratives indépendantes. C’est le cas de la commission nationale des droits de l’homme, des différentes commissions en matière de libertés des presses.
L’Etat de droit au-delà de la paix qu’elle est censée garantir peut et doit assurer le développement de l’Etat (II).

II- L’Etat de droit, un instrument au service du développement.

Selon le dictionnaire des noms communs, le développement peut s’entendre comme l’ensemble des différents stades par lesquels passe un organisme, un être pour atteindre la maturité. Rattaché au domaine juridique, le développement doit s’entendre comme l’amélioration qualitative durable d’un Etat et de son fonctionnement. L’Etat de droit peut favoriser le développement économique (A) et politique (B) d’un Etat.

A- L’Etat de droit, un instrument de développement économique.

Il convient de souligner de prime abord que le développement économique possède plusieurs dimensions et nécessite plusieurs indicateurs pour le mesurer. Les plus usuels sont le PIB par habitant, l’indicateur de développement humain et l’indicateur de pauvreté humaine.

Le premier (PIB par habitant) permet de mesurer la richesse produite par la nation et par l’individu. Le second quant à lui (indicateur de développement IDH) prend en compte le niveau de vie, l’espérance de vie à la naissance, l’alphabétisation des adultes. La troisième mesure les privations ou exclusions fondamentales que peuvent supporter une partie de la population.

Le développement économique d’un Etat se traduit par la hausse du taux d’alphabétisation, du développement du système de santé, la construction d’infrastructure etc.

Les recherches sur le développement économique, ont montré que l’Etat de droit entraine une meilleure croissance économique, une vie publique pacifiée, la reduction des inégalités et de meilleurs résultats en matière de santé et d’éducation. C’est ce qui ressort d’une étude des rapports d’ONG tels que le world justice project (WJP) et vision of humanity et transparency international et du democracy index de the economist intelligence unit. Les institutions financières internationales ainsi que les investisseurs internationaux examinent les normes démocratiques d’un pays avant d’y effectuer des investissements. Dès l’instant où le pays s’écarte de ces normes démocratiques libérales, il est directement sanctionné par une diminution des investissements et du soutien financier accordé à ces entreprises.

L’Etat de droit peut favoriser le développement économique d’une nation par la mise en place de règles juridiques susceptibles de protéger les transactions marchandes, protéger les droits de propriété intellectuelles et lutter contre la pauvreté. La plupart des Etats africains ont compris cela et se sont de ce fait réunit dans des organisations à caractère économique dans le but de pouvoir trouver des solutions à la pauvreté dont fait face leurs Etats. Les principes de l’Etat de droit tels que la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance peuvent permettre de créer l’égalité aux citoyens devant les services publics. Par exemple le droit à l’éducation, le droit à la santé aux ressources (eau, électricité, terre).

Un Etat de droit doit être capable de permettre au citoyen d’exercer librement leur commerce mais cela en conformité aux bonnes mœurs et à l’ordre public. L’Etat doit veiller à la sécurité de l’épargne, des capitaux et des investissements. Les libertés économique protègent le droit de propriété et développent la concurrence sur le marché, qui sont des prérequis pour promouvoir la croissance.

Dans nombre de pays, le principe de l’égalité des citoyens constitue une base nécessaire pour aider les pauvres à s’affranchir du cercle vicieux de la pauvreté. La pauvreté pouvant constituer une entrave au développement économique d’un Etat, il devient impérieux pour tout Etat de droit de lutter contre elle. Deux moyens selon nous peuvent permettre de lutter contre la pauvreté et peuvent être par les Etats qui se disent être des Etats de droit.

Le premier moyen repose sur la redistribution des revenus. Cette redistribution des revenus qui passe par le prélèvement des impôts et des cotisations permettra à l’Etat de couvrir les risques sociaux comme la maladie, le chômage et la vieillesse et d’agir sur les inégalités et la pauvreté au nom de la justice sociale.

Le second moyen passe par l’allocation des ressources. C’est à dire dans l’utilisation raisonnable des ressources. L’Etat de droit doit effectuer des dépenses pour financer ses fonctions régaliennes dans le maintien de l’ordre au plan interne qu’externe. L’Etat doit produire les biens et services que ne font pas le secteur privé et qui sont pourtant nécessaire pour la collectivité.

Le développement économique recherché par un Etat de droit, loin de favoriser la croissance économique peut engendrer en parallèle d’autres problèmes auxquels devront faire face les Etats démocratiques. Au titre de ces problèmes, on peut citer la pollution, la nuisance, la réduction de la biodiversité, la déforestation, la volonté de produire et de consommer toujours plus. Ce qui peut amener l’humanité dans une impasse. La résolution de ces différents problèmes à aboutit à ce qu’on appelle aujourd’hui le développement durable. Cette dernière notion se définit comme un développement qui doit répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Il comporte trois dimensions d’ordre économique (lutte contre la pauvreté, réduction des déséquilibres régionaux) sociale (protection des droits fondamentaux, promotion de la parité entre les hommes et les femmes) et écologique (protection de la biodiversité, promotion des énergies renouvelables) autant de valeurs que s’engagent à respecter la majorité des Etats du monde.

La Côte d’ivoire qui se veut être un Etat de droit émergent ambitionne être à l’horizon 2040 une puissance technologique par l’accès à l’énergie nucléaire civile et aux énergies renouvelables. Elle deviendra une puissance en matière d’infrastructure par la mise en place de grands projets en matière d’infrastructures ferroviaire, routières, fluviales, portuaires et aéroportuaire. Mais aussi par la couverture du territoire en routes bitumées praticables en toute saison et en autoroutes internationales reliant la Côte d’ivoire à la sous-région.

L’Etat de droit en plus d’être un outil au service du développement économique, il peut être au service du développement politique des Etats (B).

B- L’Etat de droit, un instrument de développement politique.

Traiter de l’Etat de droit en tant qu’instrument pouvant entrainer un développement politique, consiste pour nous de voir en l’Etat de droit un moyen capable de réaliser la démocratie. Du côté des Etats occidentaux, l’Etat de droit constitue la pierre angulaire du discours politique et même de l’action politique, en ce sens que l’aide aux pays en voie de développement est désormais lié aux efforts de démocratisation.

Jusqu’a une époque récente, la tyrannie de certains dirigeants surtout sur le continent africain, suscitaient des contestations même dans certains cas, le pouvoir réussissait à récupérer les mécontents en leur attribuant un poste dans la haute fonction publique ou dans le secteur parapublic. Certains intellectuels africains opposés à l’autoritarisme de L’Etat militèrent pour l’instauration de l’Etat de droit. Parmi les fervents élites, l’on pouvait évoquer le professeur Maurice KANTO pour qui il était nécessaire que « l’on puisse passer de l’Etat postcolonial de nature néo patrimoniale, c’est à dire autoritaire voire absolutiste, clientéliste à l’Etat de droit moderne, républicain et démocratique ».

La notion d’Etat de droit semble aujourd’hui s’accommoder avec le système de la démocratie dont la plupart des constituants africains en font un élément fondamental de leur Etat. L’Etat de droit fait partie du discours programmatique et officiel des dirigeants africains. La raison est que l’aide budgétaire de l’occident, souvent vitale pour la survie du régime est étroitement liée au progrès de l’Etat de droit.

Pour favoriser le développement de la politique, surtout dans nos pays africains, il est important que certaines valeurs comme la bonne gouvernance, la transparence du gouvernement soient observées et que des comportements comme la corruption et le tripatouillage des constitutions soient bannis. Cette dernière constitue l’une des entraves à la mise en œuvre effective de l’Etat de droit au sein de nos Etats. En effet, il est prévu dans les constitutions des Etats africains la limitation des mandats. Force est malheureusement de constater que la plupart des dirigeants au pouvoir refusent une fois au pouvoir de passer leur tour. A quelques exceptions près, la durée du mandat présidentielle ne peut excéder 5 ans, suivant une tendance générale. Au surplus le nombre de mandat est limité à deux ans dans plusieurs constitution. Le constat en Afrique est tel que plusieurs chefs d’Etats africains se sont volontairement retirer du pouvoir. Il en est ainsi du président John Kufor en décembre 2008, du président Nigérian Olesegun Obasandjo en 2007, le malien Alphar Omar Konare en 2000. Ces transitions démocratiques du pouvoir politique ont permis de ranger aux oubliettes de l’histoire, des régimes autrefois autoritaires et solides pour laisser place à un système multi partisan.

Si l’attitude de ces chefs d’Etat devrait inspirer ceux actuellement au pouvoir, la réalité bien souvent nous apprend autre chose, puisque certains chefs d’Etat pour conforter leur soif et leur avidité du pouvoir, n’hésitent pas à fustiger les opposants politiques et les contre-pouvoirs (la société civile). Or, il est tout à fait évident que l’une des vertus cardinales de la démocratie réside dans l’admission et le respect de l’opposition. Le jeu de la liberté et de la souveraineté conféré aux peuples dans une démocratie doit conduire à la diversité des opinions à propos de la gestion des pouvoirs publiques. L’opposition offre aux citoyens une alternative à la politique définie et appliquée par le régime politique en place. Certains constituants ont bien compris cela au point de reconnaitre à l’opposition, un statut formel. Ce qui a pour avantage d’assurer la représentation et l’expression de l’opposition dans les instances.

La société civile peut jouer le rôle de sentinelle de la démocratie. Elle a pour objectif de contribuer à la promotion de tous les tissus de la société et au renforcement de la démocratie. Le constituant ivoirien semble bien traduire cette idée lorsqu’il dispose à l’article 26 de la constitution que : « la société civile est une des composantes de l’expression de la démocratie. Elle contribue au développement économique, social et culturel de la nation ».

L’encadrement juridique du pouvoir dans le but de parvenir à un Etat de droit plus réel, suppose le rejet de la violence comme mode de gouvernement et le bannissement des coups d’Etat comme mode de dévolution du pouvoir.

L’esprit démocratique fait appel à un sens accru de la responsabilité politique. Ce faisant, les organes ne sont constitués que par une élection et ne saurait relever d’un privilège individuel. Les conceptions ancestrales du pouvoir ne saurait être admises même si cela est visible encore aujourd’hui dans certains Etats. Citons le cas du Cameroun, où depuis près de 40 ans, règne le président Paul Biya ; la Guinée équatorial où règne depuis 1979, soit 44 ans le président Obiang Theodoro.

Une telle attitude de certains dirigeants qui n’a rien de démocratique est ce qui conduit certaines juntes à rendre le pouvoir aux civils après avoir perpétré un coup d’Etat militaire. En témoigne, le cas du colonel Wanké au Niger en 1997, du général Toumani Touré au Mali en 1991, du général Aboubakar au Nigéria en 1999. Dans d’autres cas l’attitude conservatrice du pouvoir par les dirigeants africains conduit les individus de l’armée de se renverser par des coups d’Etats et cela au mépris du respect des populations. Tel a été le cas du Burkina Faso avec le renversement du lieutenant-colonel Damiba Paul-Henri arrivé au pouvoir par un putsch fin janvier par le capitaine Traoré.

De telle situation peuvent être évitée si l’on s’en tient à ce que dit les textes de lois et en particulier la constitution considérée comme la « suprême Law », c’est à dire la loi des lois. Certains Etats africains en ont montré l’exemple. Pour preuve, nous pouvons évoquer le cas du Niger avec la succession au pouvoir de Ali Saibou par Mahamane Ousmane en 1993 : le cas du Ghana en 2009, John Atta Mills, candidat de l’opposition politique, a remporté le scrutin démocratiquement face au candidat du parti au pouvoir, Nana Akufo Addo ; Au Cap vert, Aristide Perreira a été battu par Mascarens en 1989, mettant fin à seize années de monopole politique du GAIGC qui avait arraché l’indépendance en 1975 au colonisateur portugais par la lutte armée. Devant tout cela, l’on doit reconnaitre tout de même qu’exclure un pays d’un régime dictatorial et autoritaire ne signifie pas bannir l’autoritarisme pour de bon dans ce pays

Au regard de ce qui précède, il convient de retenir que le concept d’Etat de droit, aujourd’hui devenu le leitmotiv de tous les Etats démocratiques trouvent un écho favorable dans les Etats au sein desquels le processus d’institutionnalisation du pouvoir est pratiquement achevé. Apparu dans les Etats européens à une époque où les gouvernants n’étaient plus des propriétaires du pouvoir mais tout simplement les titulaires d’une fonction, la notion d’Etat de droit en tant qu’instrument intellectuel à toute sa raison d’être revendiquée par les Etats en voie de développement et surtout pour les Etats africains, qui se doivent en se proclamant Etat de droit de respecter les valeurs de paix et de développement que peut engendrer l’Etat de droit.

N’dri N’dah Florent, juriste en droit des affaires et droit économique, Abidjan, Côte d’ivoire
ndrindahflorent chez gmail.com

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