Le 29 novembre 2023 Monsieur Eric Dupont Moretti, actuellement ministre de la Justice, auparavant ténor du barreau parisien, a comparu devant la cour de justice française sur le chef d’accusation de prise illégale d’intérêt. Cette affaire, s’il n’avait eu gain de cause, lui aurait coûté son poste et sa réputation.
Infraction assimilée à la corruption au même titre que le trafic d’influence, l’abus de fonction et l’enrichissement illicite, la prise illégale d’intérêt se commet à l’occasion des affaires. Il s’agit d’une infraction relevant du droit pénal des affaires. A l’origine dans le Code pénal français de 1810, elle était connue sous le nom de « délit d’ingérence » jusqu’en 1992, date de réécriture du Code pénal.
Aux termes de l’article 613 du Code pénal togolais, constitue la prise illégale d’intérêt le fait pour une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou pour une personne investie d’un mandat électif public de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération, dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou en partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement.
Cette infraction vise autant l’agent public en fonction que l’agent public qui a cessé ses fonctions.
L’article 432-12 du Code pénal français correspond ad litteram à la disposition togolaise à la différence qu’il précise que, parlant de l’autorité en cause, cette prise illégale d’intérêt est de « nature à compromettre son impartialité, son indépendance ou son objectivité ». Avec cette disposition française, on comprend l’objectif visé par la qualification de prise illégale d’intérêts.
Le Code pénal du Bénin et de la Côte d’Ivoire ne prévoient pas de disposition concernant la prise illégale d’intérêt dans le Code pénal. Au Bénin la loi n°2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions assimilées, punit la prise illégale d’intérêts lorsqu’elle a consisté pour l’agent public en une omission consciente de déclaration de « toutes activités extérieures, tout emploi, tous placements, tous avoirs et tous dons ou avantages substantiels susceptibles d’entrainer un conflit d’intérêt avec ses fonctions » ou lorsqu’elle a consisté en une perception ou réception directe ou indirecte d’un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération. En Côte d’Ivoire sur la même longueur d’onde que celle béninoise, l’ordonnance n°2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées définit la notion de prise illégale d’intérêt en mettant en exergue le fait qu’elle peut se commettre à l’occasion de « adjudication, soumissions ou entreprises » (Article 53).
L’infraction est punie au Togo, au Bénin et en Côte d’Ivoire. Au Togo, le contrevenant encourt une peine d’emprisonnement d’un an à trois ans et une amende de cinq millions à vingt millions. Au Bénin, il encourt une peine d’emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende comprise entre cinq millions et cinquante millions de francs. En Côte d’Ivoire, il encourt un an à cinq ans d’emprisonnement et une amende comprise entre 1 million à cinq millions.
Des organisations internationales comme Transparency international ou Anticorp sont connues comme associations luttant contre ce type d’infraction.