Les avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique. Par Herman Bonabe, Juriste.

Les avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique.

Par Herman Bonabe, Juriste.

1574 lectures 1re Parution: 3.97  /5

Explorer : # protection des réfugiés # avancées juridiques # afrique # convention de l'oua

Ces dernières années, la conjugaison des facteurs à l’origine des déplacements forcés des personnes amène à redonner à de nombreux chercheurs, du grain à moudre.

-

Si depuis lors la Convention de 1951, née dans un contexte particulier, celui des déplacements forcés de nombreux protestants fuyant la France à la suite de la révolution de l’édit de Nantes à partir de 1680 a été considérée comme l’épine dorsale, la poutre maîtresse du système de protection des réfugiés sur le plan universel, avec l’entrée en vigueur de la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique, l’on est en train de vivre une nouvelle aire dans le régime de protection de ces derniers.

La Convention de 1951 sur le statut des réfugiés taxée par nombre d’auteurs d’avoir un caractère matériellement et spatialement européocentrique ne manquera pas, au-delà de son extension géographique induite par son Protocole additionnel de 1967, d’être remise en cause par de nombreux instruments régionaux mieux adaptés aux réalités contextuels et plus innovants.

La présente contribution vise alors à élucider les contours de la Convention de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) de 1969 qui est l’un des premiers instruments à présenter cette caractéristique, dans ses différentes avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique. Se traduisant en termes de réformes du contenu normatif, ces avancées ont touché tant les conditions d’accès au statut de réfugié ; que les conditions de perte du statut de réfugié. Mieux le démontrer impose de regarder à travers le télescope du positiviste sociologique. Il s’agira alors de faire une exégèse des textes en matière de protection des réfugiés en Afrique tout en s’intéressant à leurs mises en œuvre.

Si nombre d’auteurs s’allient aujourd’hui pour penser une protection des réfugiés en Afrique présentant de nombreuses difficultés [1], il n’en demeure pas moins vrai qu’on peut reconnaitre à ce continent, l’idée d’une avancée fulgurante en la matière. À ce titre, « La 65e session du comité exécutif du Programme du Haut-Commissariat » a eu à dresser un aperçu de la situation des réfugiés selon lequel :

« La majeure partie du continent africain possède une architecture juridique, policière et administrative bien établie et prévisible en matière d’asile et de protection des réfugiés. De nombreux États ont adhéré à l’ensemble ou à certaines des conventions internationales relatives aux réfugiés et à l’apatridie, ainsi qu’aux conventions régionales sur les réfugiés et les déplacés internes » [2].

Cette affirmation corrobore la réalité de la protection des réfugiés en Afrique en ce XXIe siècle ; car même si dans certains pays les systèmes de gestion de la migration ne sont pas adaptés pour faire face à l’afflux des migrants, des évolutions positives ont été néanmoins constatées notamment au Maroc, au Soudan et en Tunisie. Il est aussi admis par ailleurs, que plusieurs gouvernements ont mis en place à ce jour des institutions chargées de s’occuper des réfugiés [3].

Le Secrétaire Général des Nations Unies lors du sommet de l’UA, a noté à ce propos que « L’Afrique fait figure de référence en matière de solidarité » envers les réfugiés, et cela, « Malgré les défis sociaux, économiques et sécuritaires propres au continent, les gouvernements et les peuples d’Afrique ont maintenu leurs frontières, leurs portes et leurs cœurs grands ouverts à des millions de personnes dans le besoin » [4].

Cependant, s’il y a eu des avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique, il faut reconnaitre que celles-ci n’ont pas été exhaustives à dissimuler les insuffisances qu’on peut percevoir dans le système d’asile du continent africain. La protection des réfugiés en Afrique de nos jours, au-delà de ses mérites fait encore état de nombreuses lacunes. C’est pour relever cet état de fait que le HCR à travers le dialogue de 2010 sur les défis de la protection a eu à relever les lacunes du système international de protection et proposé quelques réponses [5]. Le faible pourcentage d’adhésion à des Conventions sur la protection des réfugiés peut constituer par exemple un problème particulièrement inquiétant à l’égard de l’efficacité du système de protection tout entier [6].

Quoi qu’il en soit, dans le cadre des présents développements, l’accent est particulièrement mis sur les avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique.

De ce fait, que faut-il entendre concrètement par les notions d’avancées, protection et réfugiés ? D’après le Dictionnaire de français Larousse, une Avancée désigne une progression, une marche en avant, un progrès important. C’est en effet, tout ajout ou encore tout retranchement d’un élément dans un nouveau système ou un nouveau texte de loi, ou encore une nouvelle disposition et qui est vue positivement.

Quant au mot protection, il révèle plusieurs ambigüités, qu’il convient de mettre au clair.

Dans son sens commun, c’est l’action ou le fait de soustraire quelqu’un ou quelque chose à un danger, à un risque qui pourrait lui nuire ; c’est le fait de se protéger ou d’être protégé. D’après le Dictionnaire de la langue française le Robert, c’est aider une personne de manière à la mettre à l’abri d’une attaque, des mauvais traitements, du danger physique ou moral. Protéger c’est aussi défendre, secourir, défendre contre toute atteinte, garantir, sauvegarder (protéger les libertés individuelles) [7]. La protection des individus se situe au point de rencontre entre les droits individuels et les contraintes d’ordre et de sécurité publique. Plus loin encore, « la protection s’entend donc de toutes mesures concrètes qui permettent de faire bénéficier les personnes en danger des droits et des secours prévus pour elles par les conventions internationales » [8] de ce qui précède, il convient de reconnaitre encore que la protection est un statut juridique particulier reconnu à une catégorie de personnes à l’instar des personnes vulnérables auxquelles appartiennent les réfugiés.

La protection peut s’envisager soit au sens doctrinal lorsqu’elle est diplomatique ou fonctionnelle ou alors au sens institutionnel lorsqu’elle est toute activité visant à assurer le plein respect des droits de la personne [9]. Dans son sens étroit, la protection se définie par rapport au domaine auquel on veut l’appliquer.

Il peut s’agir alors ainsi de la protection des droits de l’homme ou encore de la protection civile en rapport avec le Droit international humanitaire [10].

Au demeurant, le sens qu’il faut entendre donner à la protection ici est celui conceptualisé par la Doctrine au sens large à savoir celle qui s’applique aux personnes et qui vise non seulement la sauvegarde des droits de l’homme en générale eu égard du statut juridique de la personne à protéger, mais aussi, est inclusive du statut du réfugié en droit international. Dit de cette façon, la protection concerne alors les étrangers tels que les réfugiés.

Enfin, quant au mot réfugié, la définition retenue dans ce travail est celle qui réunit à la fois les sens données par la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et son Protocole additionnel de 1967 auxquels il faut ajouter les évolutions apportées par la Convention de l’OUA 1967. Ainsi, peuvent être considérés comme réfugiés :

« Toute personne qui se trouve soit, hors de son pays, ou de sa résidence habituelle et ne veux plus y retourner en raison de la crainte d’être persécutée pour sa race, sa religion, son opinion politique, l’appartenance à un certain groupe social, ainsi que l’agression ou l’occupation extérieure subi par un État » [11].

Du point de vue des droits acquis, le réfugié s’assimile au demandeur d’asile. Il se distingue par contre de l’apatride [12], du déplacé interne [13], du migrant [14], et de l’exilé [15], etc.

De toutes ces clarifications conceptuelles, l’on retient que deux types de normes issus du système universel ont fait l’objet d’une avancée majeure dans le système africain.

En effet, l’idée qui a motivée ce réajustement était celle basée sur la nécessité d’adapter le système universel de protection des réfugiés aux réalités africaines.

Ainsi, comme l’a formulé Okello Moses,

« Peu de temps après leur indépendance, de nombreux États d’Afrique se sont vus confrontés au défi que représentait la construction d’une nation ainsi que la nécessité de protéger, d’assister et de trouver des solutions durables pour les réfugiés déplacés par les guerres de libération et la lutte contre l’apartheid en Afrique du sud » [16].

La principale préoccupation de l’époque était le nombre important d’Africains fuyant les conflits surgissant des luttes contre le colonialisme [17]. Personne ne s’attendait à ce qu’il y ait encore des réfugiées après l’indépendance ni des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays qui ne font même pas l’objet d’une mention dans la Convention de l’OUA.

L’intérêt de se pencher sur la question des avancées en matière de protection des réfugiés en Afrique peut se percevoir doublement. Du point de vue théorique, le souci est de mettre en évidence les aspects qui peuvent être considérées comme une révolution dans le système africain de protection des réfugiés par rapport à d’autres systèmes régionaux et universel. Du point de vue pratique, l’idée qui sous-tend cette analyse repose sur l’exposition des efforts multiformes réalisées par les États africains dans le but d’implémenter ces avancées pour le plus grand intérêt des réfugiés.

A travers les intérêts qui découlent, une question fondamentale se pose. L’on se demande, au regard de la mise en œuvre de la Convention de l’OUA de 1969 qui régit les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique et qui est considérée comme le complément régional de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés au plan universel, quelles avancées majeures de la Convention de l’OUA de 1969 a-t-elle fait preuve en matière de protection des réfugiés par rapport à celle de Genève de 1951 ? De cette question, il ressort que les avancées majeures en matière de protection des réfugiés en Afrique se sont traduites en termes de réformation d’un certain nombre de normes dans la Convention de l’OUA de 1969. Étudier cette réformation impose de s’appesantir sur la grille d’analyse du positiviste sociologique [18].

Il s’agira alors de démontrer quels sont les aspects qui ont fait l’objet de réformes dans le système africain de protection des réfugiés. Plus concrètement, l’on va identifier ces évolutions dans les différentes normes de protection des réfugiés à partir des énoncés prescriptifs issus des textes de droit positif tels qu’ils sont publiés dans les recueils officiels.

La reformation dont il est question a alors touché d’une part aux normes définissant l’accès au statut du réfugié (I) et d’autre part aux normes établissant la perte du statut de réfugié (II).

Pour lire l’article dans son intégralité, cliquez sur le lien ci après :

Herman Bonabe, Juriste
Doctorant/Moniteur-Université de Maroua-Cameroun
bonabeherman chez gmail.com

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

1 vote

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Adama Dieng, « Droits de l’Homme, souveraineté de l’État et protection des réfugiés en Afrique », Refugee Survey Quaterty, Vol. 20, n°1, 2001, p. 1.

[2UNHCR, « Aperçu de la situation des réfugiés en Afrique », Document de travail pour le segment de haut niveau de la 65e session du Comité exécutif du Programme du Haut-Commissaire sur le thème « Renforcer la coopération internationale, la solidarité, les capacités locales et l’action humanitaire pour les réfugiés en Afrique », Genève, 23 septembre 2014, p. 5.

[3Ibid.

[4Propos du Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres lors du sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est déroulé à Addis-Abeba en février 2019. 20 Jun 2019 / Tsion Tadesse Abebe , Abebe (A.) et Sharpe (M.), « Un demi-siècle plus tard, la politique africaine envers les réfugiés toujours à la pointe », Consulté en ligne le 05/03/2022, 09H58 https://issafrica.org/fr/iss-today/un-demi-siecle-plus-tard-la-politique-africaine-envers-les-refugies-toujours-a-la-pointe

[5UNHCR, « Dialogue du Haut-Commissaire de 2010 sur les défis de protection, lacunes et réponses de protection ».

[6Ibid.

[7Varraud (P.) (dir.), Le Robert pour tous, Paris, Edition du club France Loisirs, ISBN, 29883, 1994, p.910.

[8MSF, Dictionnaire pratique du droit humanitaire, op.cit.

[9Salmon (J.), (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant AUF, 1949, pp. 899-905.

[10MSF, Dictionnaire pratique du droit humanitaire.

[11V. Convention de 1959 sur le statut des réfugiés art. 1(A. 2), et Convention de l’OUA de 1969 régissant les
aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique art. I. 1 et 2.

[12V. art. 1er de la Convention de New York du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides.

[13Article 1(K) de la Convention de Kampala de 2009 sur les déplacés internes.

[14Obregon Gieseken (H.), « La protection des migrants selon le droit international humanitaire », in Revue internationale de la Croix-Rouge sélection française Débat humanitaire : droit, politiques, action, Migration et déplacements, vol. 99 Sélection française 2017/1, p. 97.

[15Lhuilier (D.), Pestre (É.) (dir.), « Migrants, réfugiés, exilés : résistances et créativités », Nouvelle revue de psychosociologie, vol. 1, n° 25, 2018. pp.

[16Okello (M.J.O.), « La convention de 1969 de l’OUA et le défi permanent qu’elle constitue pour l’Union Africaine », consulté en ligne le 16/08/2022, 12H00, https://www.fmreview.org/fr/foi/okello

[17V. Affirmations de Mwalimu Julius Nyere, pendant qu’il était Président de la Tanzanie : « Nous avons vu des réfugiés s’enfuir des pays coloniaux et notre idée était de bien traiter ces personnes ».

[18Pour les tenants du positivisme sociologique le droit ne peut être étudié en dehors de son environnement de production. Il convient ici de confronter le droit aux faits.

Nous allons essayer de comprendre l’encadrement normatif de la migration en rapport avec la pratique des États en la matière. Pour Jean Carbonier qui est considéré comme le père du positivisme sociologique, la sociologie juridique doit se différencier de la sociologie du droit qui est l’étude de ce que constitue le droit lui même alors que la sociologie juridique englobe tous les phénomènes plus ou moins teintés de droit. Faire de la sociologie du droit revient à étudier le droit comme un phénomène social alors que faire de la sociologie juridique c’est étudier le droit en le confrontant aux phénomènes sociaux pour mieux l’évaluer. Et comme le pense le Professeur Kamto la sociologie juridique permet de prendre des distances par rapport au droit existant pour le critiquer s’il le faut et proposer des solutions adéquates. Le positivisme sociologique s’oppose au positivisme normativiste de Kelsen qui est définit par Xavier Magnon comme une théorie qui identifie le droit dans les normes à partir des énoncés prescriptifs issus des textes de droit positif tels qu’ils sont publiés dans les recueils officiels.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs