Une obligation légale de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce.
En vue d’apprécier cette décision, rappelons que le dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce est une obligation légale pour la plupart des sociétés exerçant une activité commerciale, obligation à laquelle n’échappent pas les Sociétés par action simplifiée.
L’article L232-23 du Code de commerce oblige les sociétés commerciales à organiser chaque année une assemblée générale réunissant tous les associés, dans le but de procéder à l’approbation des comptes et à l’affectation du résultat de l’exercice.
Dans le cas d’une SASU, qui est une société à associé unique, le président n’a pas besoin de se prononcer sur l’approbation des comptes annuels et l’affectation du résultat de la SASU, puisque c’est lui qui s’est occupé de la gestion de la société.
Il n’a donc pas à donner son accord sur sa propre action. Le simple dépôt des comptes auprès du greffe vaut approbation des comptes de la SASU.
L’entreprise qui ne procède pas au dépôt de ses comptes reçoit généralement une relance dans les mois qui suivent la date à laquelle elle aurait dû réaliser le dépôt.
Le président du tribunal de commerce peut également adresser une injonction de déposer les comptes aux dirigeants sociaux.
Le défaut de dépôt des comptes est punissable d’une amende de 1 500 euros pouvant être portée à 3 000 euros en cas de récidive.
Lorsque la société ne dépose pas ses comptes, tout intéressé ou le ministère public peut demander au président du tribunal de commerce d’enjoindre sous astreinte aux dirigeants sociaux de procéder au dépôt de ces documents, ce qui fut le cas en l’espèce, ou de désigner un mandataire chargé d’effectuer ce dépôt.
Une atteinte disproportionnée au droit à la protection des données à caractère personnel ?
Le président, et unique associé de la SAS, faisait grief aux ordonnances précitées de l’avoir soumis à l’obligation de déposer ses comptes au greffe du tribunal de commerce, ayant ainsi pour conséquence la divulgation aux tiers, sans y avoir consenti, des informations d’ordre patrimonial de nature, selon lui, à causer une atteinte disproportionnée au droit à la protection de ses données à caractère personnel.
Il fondait ses prétentions au visa des articles 9 du Code civil, 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 16 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation des données du 27 avril 2016.
La Cour de cassation a rendu un arrêt des plus limpides.
L’atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel est proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises.
La haute Juridiction a jugé que s’il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme [1] que les données portant sur le patrimoine d’une personne physique relèvent de sa vie privée, les comptes annuels d’une société par actions simplifiée unipersonnelle ne constituent qu’un des éléments nécessaires à la détermination de la valeur des actions que possède son associé unique, dont le patrimoine, distinct de celui de la société, n’est qu’indirectement et partiellement révélé.
Elle estime, ainsi, que l’atteinte portée au droit à la protection des données à caractère personnel de cet associé pour la publication de ces comptes est proportionnée au but légitime de détection et de prévention des difficultés des entreprises, poursuivi par les dispositions de l’article L611-2, II, du Code de commerce [2].