Le Juge des enfants, gardien des droits du mineur.

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # protection des mineurs # justice pénale des mineurs # assistance éducative # enfance en danger

Le Juge des Enfants a été créé par l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
Ses compétences ont été initialement prévues en matière pénale afin de traiter spécifiquement de la délinquance juvénile.
Puis l’ordonnance du 23 décembre 1958 relative à la protection de l’enfance et de l’adolescence en danger a étendu ses prérogatives afin que le Juge des enfants soit en mesure de protéger les mineurs en danger par des mesures civiles.
Le Juge des enfants est alors devenu un juge spécialisé de l’enfance.

-

Le Juge des enfants exerce au sein d’un Tribunal de grande instance.
Même s’il s’agit d’un magistrat particulièrement sensibilisé aux problématiques des mineurs, formé pour les écouter et prendre en compte des impératifs éducatifs et sociaux dans le cadre de ses décisions, il n’en reste pas moins un juge et non un psychiatre ou un éducateur.

Le mode de saisine de ce magistrat, ainsi que sa double casquette (pénale et civile) font de lui un juge original dans le système judiciaire français.

1) Quelles sont ses compétences ?

Le Juge des enfants intervient :

• soit quand la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont en danger

• soit quand les conditions de son éducation sont compromises

Il intervient également lorsque des infractions semblent avoir été commises par un mineur, sauf :

• si les infractions sont de petites contraventions, comme par exemple le tapage nocturne ou des violences légères (compétence du tribunal de police ou du juge de proximité)

• ou si les infractions correspondent à des crimes ou à des délits complexes avec des complices ou co-auteurs majeurs (compétence du Juge d’instruction des mineurs)

2) Qui peut saisir le Juge des Enfants dans ces cas-là ?

Les dispositions se situent à l’article 375 du Code civil.

• le Procureur de la République lorsque le mineur est suspecté d’avoir commis une infraction ou est en danger

• l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) lorsque le mineur est en danger physique ou moral, c’est-à-dire privé de soins ou de l’éducation nécessaire pour garantir sa santé sa sécurité et sa moralité

• le père et/ou la mère, ou le tuteur

• la personne ou le service social à qui l’enfant est confié

• le mineur lui-même

• le Juge des enfants par lui-même quand le mineur n’est pas capable de dire s’il est en danger ou pas.

A noter que dans les cas où un mineur est victime d’agressions sexuelles, en particulier de viol, ou victime de tortures ou d’actes de barbarie, le Procureur de la République saisit sans délai le Juge des enfants pour l’informer de l’existence d’une procédure pénale concernant le mineur victime. Il lui communiquera alors toutes les pièces utiles (comme par exemple une expertise médicale).

3) Quel est le rôle du Juge des Enfants ?

Le Juge des enfants doit à la fois punir le mineur qui a enfreint la loi et protéger celui qui est en danger.

Le Juge des enfants dans ses fonctions pénales :

Lorsqu’un mineur est suspecté d’une infraction, le Juge des enfants peut le mettre en examen et instruire l’affaire.

Attention ! Avant 2011, le Juge des enfants avait une double casquette : celle de Juge d’instruction car il pouvait instruire une enquête sur un mineur et celle de Président du Tribunal pour enfant pour juger le mineur.

Mais, le rôle du Juge des enfants a été largement revisité depuis une décision du Conseil constitutionnel en date du 8 juillet 2011 selon laquelle cette double fonction était contraire au principe d’impartialité qui régit la profession de magistrat du siège.

La loi du 26 décembre 2011 visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants a donc modifié cela mais n’est entrée en vigueur qu’au 1er janvier 2013, compte tenu des affaires en cours et des conséquences excessives qu’elle pouvait avoir en matière de justice pénale des mineurs.

Ainsi, depuis le 1er janvier 2013, le Juge des enfants qui a instruit le dossier et renvoyé le mineur pour qu’il soit jugé ne peut plus présider ensuite le Tribunal pour enfants devant lequel le mineur sera traduit (article L.251-3 du Code de l’organisation judiciaire).

Le Juge des enfants maîtrise donc la procédure d’enquête, de mise en examen et d’instruction.

Pour étayer son travail, il procède à toute investigation utile sur les faits et la personnalité du mineur.
Dans ce but, il travaille en collaboration avec les services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.

Pendant l’instruction, le Juge des Enfants peut :

• soit placer l’enfant sous le régime de la liberté surveillée, ordonner un placement provisoire dans un centre éducatif ou une mesure de réparation pénale à l’encontre de la victime.

• soit placer le mineur sous contrôle judiciaire ou en détention provisoire s’il a plus de 13 ans et s’il encourt une peine criminelle (c’est-à-dire plus de 10 d’emprisonnement) ou s’il s’est volontairement soustrait aux obligations de contrôle judiciaire.

A la fin de l’instruction, s’il estime que les charges sont suffisamment lourdes à l’encontre des mineurs, le Juge des enfants oriente la procédure vers le Tribunal pour enfants, afin que l’affaire soit jugée.

Lors de la première comparution du mineur, le Juge des enfants qui préside le Tribunal (et qui ne peut pas être celui qui a instruit le dossier) doit s’assurer que le mineur bénéficie de l’assistance d’un avocat.

Le Juge des enfants dans sa fonction de protection  :

Quand la santé, la sécurité ou la moralité d’un enfant sont en danger ou quand les conditions de son éducation sont compromises, le Juge des Enfants intervient afin d’ordonner des mesures d’assistance éducative.

Le Juge va alors travailler en étroite collaboration avec les services sociaux et éducatifs départementaux.

Quels sont alors ses pouvoirs ?

Pour résumer, le Juge des enfants peut prendre des mesures qui sont énumérées aux articles 375-1 et 375-2 du Code civil :

• d’aide à la gestion du budget familial,

• d’assistance éducative (suivi du mineur par des éducateurs, un psychologue, une assistante sociale)

• de placement (dans un foyer de l’Aide sociale à l’Enfance ou dans une famille d’accueil).

Ainsi, pour étayer son travail, il ordonne des investigations approfondies sur la personnalité et l’environnement familial et social de l’enfant et éventuellement des examens médicaux et psychologiques.

Il peut placer provisoirement le mineur en danger dans un établissement spécialisé, dans une famille d’accueil, ou le maintenir dans le milieu familial avec éventuellement une aide éducative à domicile, ou encore chez un autre membre de la famille que les parents.

Cependant, il faut souligner que l’article 375-2 du Code civil modifié par la loi du 5 mars 2007 précise qu’à chaque fois que cela est possible, le mineur doit rester, vivre et évoluer dans son milieu actuel.

Dans ce cas, le Juge désigne soit une personne qualifiée, soit un service spécialisé, soit un service d’observation ou de rééducation en milieu ouvert qui sera chargé d’apporter aide et conseil à la famille pour surmonter les difficultés matérielles et morales qu’elle rencontre.

Il faut savoir que cette personne choisie ou ce service désigné doivent périodiquement faire un rapport au Juge.

Le Juge fixera alors régulièrement des audiences afin de faire le point avec le mineur, sa famille et les services sociaux.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 5 mars 2017 à 02:13
    par chenot , Le 2 septembre 2016 à 15:28

    tres bien resumé désolé je ne peut plus rien faire pour elle j ai tout fait pour qu elle s en sorte

    • par DM , Le 5 mars 2017 à 02:13

      Mais comment faire comprendre et admettre à son propre enfant encore dans l’adolescence qu’elle prend le chemin qui va la mener petit à petit vers celui dont nous ne souhaitons pas qu’il la mène surtout si elle est confortée par des amies ou petit ami qui la soutienne dans ses propres actions ? Nous reprochons souvent la mauvaise moralité des parents en les accusant de ne pas bien éduquer leurs enfants mais les enfants n’ont-ils pas aussi leur propre rôle dans cette soit disant mauvaise éducation ?? quel être humain ne se révolterai pas devant un enfant qui ne respecte plus ses propres parents et qui fait ce qu’il veut sans se soucier de son propre devenir et de n’obéir qu’à sa propre loi ?
      comment apporter à un enfant la tendresse que soit même on a pas connue ? il y a bien d’autres actes à prouver à un enfant pour lui prouver qu’on l’aime sans sans cesse devoir lui dire "Je t’aime"
      pourquoi avons nous créer tous ces besoins inutiles (téléphone portable, tablettes, jeux vidéo, etc...) pour que nos enfants entrent dans ce monde virtuel et sans intérêt et qui leur permet d’agir de plus en plus vite et sans aucune réflexion et de remise en question ; ce n’est pas toujours la faute des parents d’être jugé comme des mauvais parents qui bien souvent font tout ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont à leur disposition pour essayer de donner à leur enfant une bonne éducation d’ailleurs il n’y a pas d’écoles de parents, tout interfère dans l’éducation d’un enfant : ses fréquentations, les personnes qu’il rencontre, le milieu scolaire dans lequel il évolue, le milieu parental , et tout ce qui gravite autour de lui son environnement quotidien, etc..
      Il arrive un moment ou on lache prise car nous ne trouvons plus de solutions pour lui faire entendre raison...
      Et que l’on m’explique comment un éducateur mandaté par un juge pour enfant et qui n’intervient qu’une seule fois par mois auprès de l’enfant et de sa famille et que vous n’arrivez pas à joindre au téléphone et qui vous rappelle 3 ou 4 jours après puisse réellement changer les choses ? je n’y crois pas du tout...
      Bref laissons faire le temps car tant que l’on ne vit pas les choses on ne peut les comprendre....

  • par Jordan Basset , Le 26 février 2017 à 04:16

    Difficile d’éduqués ses enfants quand cela on était enlevé avec un droits de visite d’une fois par mois a leurs mère a cause des conneries de leurs père puis de reproché qu’elle n’a pas bien éduqué un de ses enfants devenu délinquant en foyer un juge qui reproche ça y’a que de la haine à avoir.

  • par GOUNON Armand, juge des enfants au tribunal de première instance à Abomey ( Rép de Bénin, Afrique occidentale francophone) , Le 21 avril 2014 à 06:04

    L’auteure de l’article est restée un peu laconique, elle n’est pas allée dans les détails. L ’article s’adresse plus à ceux qui ne sont des juristes mais qui aimeraient comprendre le rôle de la justice pour mineur. J’aurais souhaité que l’article soit plus soutenu. La décision du conseil constitutionnel mérite par exemple une analyse approfondie. Pourquoi le juge constitutionnel a-t-il jugé bon de remettre en cause un principe consacré depuis des décennies. Quelle est la position de la Cour européenne des droits de l’homme ? Quelle analyse peut-on faire de cette décision à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant ?

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