Dimanche 22 mars 2020, les députés, en commission mixte paritaire, ont définitivement adopté le projet de loi ordinaire sur les mesures d’urgence liées à la crise du Coronavirus-Covid19.
Cette loi a été publiée au Journal Officiel ce mardi 24 mars 2020 et comporte quatre titres relatifs respectivement à
la création du régime « d’état d’urgence sanitaire » ;
aux mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie ;
au report du second tour des élections municipales ;
au contrôle parlementaire.
C’est dans ce deuxième titre (et plus précisément à l’article 11, I – 1° b de ladite loi), que figurent les dispositions modifiant en profondeur le droit du travail, de façon a priori temporaire bien que des craintes se soient élevées sur le caractère définitif de ces mesures.
Ainsi, en matière de droit du travail et de la sécurité sociale, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure, avec un effet rétroactif au 12 mars 2020, permettant de :
I . « Limiter les ruptures des contrats de travail et d’atténuer les effets de la baisse d’activité, en facilitant et en renforçant le recours à l’activité partielle pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille , notamment en adaptant de manière temporaire le régime social applicable aux indemnités versées dans ce cadre, en l’étendant à de nouvelles catégories de bénéficiaires, en réduisant, pour les salariés, le reste à charge pour l’employeur et, pour les indépendants, la perte de revenus, en adaptant ses modalités de mise en œuvre, en favorisant une meilleure articulation avec la formation professionnelle et une meilleure prise en compte des salariés à temps partiel. »
Il est rappelé qu’en temps normal, un régime d’activité partielle existait déjà et permettait de verser aux salariés une indemnité horaire égale à 70% de leur salaire brut horaire sans que leur rémunération mensuelle puisse être inférieure au SMIC net.
Sa mise en place était conditionnée par l’existence d’une situation économique exceptionnelle qui conduisait l’entreprise à suspendre les contrats de travail des salariés de manière totale ou partielle. Dans les entreprises sans représentant du personnel, l’employeur devait informer les salariés. Dans les entreprises disposant d’instances représentatives du personnel (IRP), une consultation préalable de ces derniers devait avoir lieu.
La loi nouvelle permet un assouplissement quant aux règles de :
consultation des IRP qui peut avoir lieu a posteriori,
délai de demande d’autorisation préfectorale,
acceptation implicite de l’administration (2 jours en temps d’urgence contre 15 jours en temps normal).
II. « d’adapter les conditions et modalités d’attribution complément de salaire versé par l’employeur en cas d’arrêt maladie ; »
En période normale, le salarié, à l’exclusion du travailleur à domicile, salarié saisonnier, intermittent ou temporaire, qui justifiait d’au moins un an d’ancienneté et qui bénéficiait du versement par l’employeur des indemnités journalières pouvait bénéficier également d’un versement d’un complément de salaires.
Ce complément de salaire, qui permettait de percevoir 90% ou 66,66% de la rémunération brute, était versé en règle générale et sauf dérogation conventionnelle, au-delà du 7ème jour de carence. La durée de versement (de 60 à 180 jours) variait selon l’ancienneté du salarié et était calculée sur une période de 12 mois.
III. « de permettre à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités de prise de ces congés définis par les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail et par les conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise ; »
Il s’agit d’une des dispositions qui fait le plus débat ; en temps normal, le code du travail prévoit que, sauf accord contraire, l’employeur fixe la période des congés payés et l’ordre des départs en tenant compte de la situation individuelle de chaque salarié.
Les dates de départ fixées ne pouvaient être modifiées par l’employeur dans le délai d’un mois avant la date prévue du départ. Ce n’est plus le cas avec la loi nouvelle.
IV. « de permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction du temps de travail, des jours de repos prévus par les conventions de forfait et des jours de repos affectés sur le compte épargne temps du salarié, en dérogeant aux délais de prévenance et aux modalités d’utilisation définis au livre Ier de la troisième partie du code du travail, par les conventions et accords collectifs ainsi que par le statut général de la fonction publique ; »
Cette disposition est le pendant de la disposition précédente relative au congés payés. Elle concerne les repos spéciaux que sont les jours de RTT, les jours de repos propres aux salariés en conventions de forfait et les jours de repos affectés sur le compte épargne temps.
Le législateur a ainsi voulu donner toute latitude aux employeurs pour imposer ces jours de repos et adapter les dates de départ des salariés au calendrier de la crise sanitaire.
V. « de permettre aux entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale de déroger aux règles d’ordre public et aux stipulations conventionnelles relatives à la durée du travail, au repos hebdomadaire et au repos dominical ; »
La réglementation actuelle permet des dérogations limitées aux durées maximales quotidienne (10h) et hebdomadaire (48h sur une semaine et 44h/ semaine sur une période de 12 semaines consécutives).
Cependant, il est d’ores et déjà possible, sur la durée quotidienne, d’aller jusqu’à 12h sur autorisation de l’inspection du travail, en cas d’urgence ou sous réserve d’un accord collectif en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise [1].
Sur la durée hebdomadaire, des circonstances exceptionnelles pouvaient déjà permettre une augmentation jusqu’à 60 heures au maximum, sous réserve de l’accord de l’inspecteur du travail.
A ce jour, le flou demeure sur la définition des entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation ou à la continuité de la vie économique et sociale.
VI. « de modifier, à titre exceptionnel, les dates limites et les modalités de versement des sommes versées au titre de l’intéressement en application de l’article L 3314‑9 du Code du travail et au titre de la participation en application de l’article L 3324‑12 du même code ; »
D’habitude, le versement des sommes évoquées doivent intervenir au plus tard le dernier jour du 5ème mois suivant la clôture de l’exercice. Au-delà, les sommes dues produisent des intérêts de retard.
VII. « de modifier la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat mentionnée à l’article 7 de la loi n° 2019‑1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; »
Cette prime, dite “prime Macron”, était exonérée dans la limite de 1000 euros de l’impôt sur le revenu, des cotisations et contributions sociales, à la condition notamment d’être versée avant le 30 juin 2020.
La loi de financement de la sécurité sociale pour l’année 2020 avait également ajouté une condition supplémentaire tenant à la nécessité de mise en place d’un accord d’intéressement à la date du versement de cette prime.
VIII. « d’adapter l’organisation de l’élection mentionnée à l’article L2122‑10‑1 du code du travail, en modifiant si nécessaire la définition du corps électoral, et, en conséquence, de proroger, à titre exceptionnel, la durée des mandats des conseillers prud’hommes et des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles ; »
Hors circonstance exceptionnelle, les élections professionnelles ont lieu tous les quatre ans, et permettent de déterminer l’audience des syndicats.
Les syndicats, en fonction leur audience, présentent des candidats au Garde des Sceaux et au ministre du travail, qui procéderont alors à la nomination des conseillers prud’homaux [2].
IX. « d’aménager les modalités de l’exercice par les services de santé au travail de leurs missions définies au titre II du livre VI de la quatrième partie du code du travail, notamment du suivi de l’état de santé des travailleurs, et de définir les règles selon lesquelles le suivi de l’état de santé est assuré pour les travailleurs qui n’ont pu, en raison de l’épidémie, bénéficier du suivi prévu par le même code ; »
Avant la loi d’urgence, à la suite de son embauche et dans les 3 mois de sa prise de fonction effective, le salarié bénéficiait d’une visite d’information et de prévention, qui remplace l’ex visite médicale d’embauche.
Cette visite était renouvelée dans un délai maximum de 5 ans (article R. 4624-16 du code du travail). Si le salarié était un travailleur handicapé, travailleur de nuit ou titulaire d’une pension d’invalidité, cette visite était renouvelée dans les 3 ans.
X. « de modifier les modalités d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, notamment du comité social et économique, pour leur permettre d’émettre les avis requis dans les délais impartis, et de suspendre les processus électoraux des comités sociaux et économiques en cours ; »
En temps normal, le CSE est informé et consulté sur les questions qui intéressent l’organisation de l’entreprise, sa marche générale, et qui touchent notamment aux conditions d’emploi et de travail. Il est également consulté sur les questions qui intéressent la santé et la sécurité des travailleurs dans l’entreprise.
Sauf accord en la matière, le CSE doit rendre son avis en principe dans le délai d’un mois de la date de la consultation (avec des prorogations à deux ou trois mois, respectivement en cas d’intervention d’un expert ou en cas d’intervention d’une ou plusieurs expertises lorsque la consultation se déroule à la fois au niveau du CSE central et d’un ou plusieurs CSE d’établissement).
Le CSE se réunit régulièrement selon des modalités fixés par accord collectif, à raison d’au moins 6 fois par an. A défaut, la périodicité est de :
une fois par mois dans les entreprises d’au moins 300 salariés ;
une fois tous les deux mois pour les entreprises ayant entre 50 salariés et 300 salariés.
XI. « d’aménager les dispositions de la sixième partie du code du travail , notamment afin de permettre aux employeurs, aux organismes de formation et aux opérateurs de satisfaire aux obligations légales en matière de qualité et d’enregistrement des certifications et habilitations ainsi que d’adapter les conditions de rémunérations et de versement des cotisations sociales des stagiaires de la formation professionnelle ; »
XII. « d’adapter, à titre exceptionnel, les modalités de détermination des durées d’attribution des revenus de remplacement mentionnés à l’article L5421‑2 du code du travail ; »
Les 12 thèmes ci-dessus feront l’objet, comme indiqué en introduction, d’ordonnances afin de préciser le contour de ces dispositions légales.
Ces textes sont plus qu’attendus compte tenu des nombreuses inquiétudes, légitimes, suscitées par cette loi d’urgence.
Discussions en cours :
Bonjour Maître
Je suis en congé sabbatique depuis le 1er janvier 2020 et ce jusqu’au 1er juillet.
Directrice d’une association, mon congé a été validé par mon Bureau et CA ainsi que l’embauche d’une remplaçante sur la période du confinement.
Je souhaitais savoir si il existait une mesure concernant les congés sabbatiques.
Confinée, je ne profite de mon projet personnel, m’occupe de mes enfants pendant que mon mari télétravaille et je ne touche aucun euro... confinée sans aide financière, je ressens comme une certaine injustice.
Merci de votre retour,
Stéphanie
Bonjour
Concernant le maintien de salaire, en temps normal on peut en beneficier si on n en a pas beneficié les 12 derniers mois glissants.
Est ce que cette condition est supprimée ?
En effet j ai bénéficié d un maintien de salaire il y a 3 mois, puis je encore en bénéficier pour mon arrêt qui a débuté le 16 mars ?
Merci de votre réponse.
Bonjour,
Je suis actuellement salariée d’une agence immobilière. Je n’ai obtenu les un an d’ancienneté qu’en ce début avril. Je suis en arrêt pour garde d’enfant de moins de 16 ans depuis le tout 16 mars.
Après avoir visiter pas mal de site internet, et notamment des sites du gouvernement je retrouve la même information, la sécurité m’indemnise à hauteur de 50 pourcent, et mon employeur à hauteur de 40-50 pourcent. En effet un décret permet à priori aujourd’hui de ne pas tenir compte de l’ancienneté.
Hors aujourd’hui, la comptable de ma responsable lui indique qu’elle n’a pas le maintient de salaire à faire puisque je n’ai pas les 1 an d’ancienneté, et d’autre part, ne le feras pas non plus pour le mois d’avril (je rappel que début avril j’ai un an d’ancienneté) car toute cette histoire à débuter avant avril. De ce fait, je ne bénéficie d’aucune indemnité de la part de mon employeur et bénéficie uniquement des 50 % de la sécurité sociale.
La comptable est-elle dans son bon droit, et si non comment lui faire entendre raison, comment procéder ?
Merci d’avance pour votre aide.
Bonjour j’ai été en arrêt de travail pour garde d’enfant du 15 mars aux 1 avril mais j’ai reçu que la partie de mon salaire de la sécurité sociale et non la partie de mon employeur qui me dit que j’ai moins d’un d’ancienneté et que l’ordonnance n’est pas rétroactive es ce vrai ? Car j’ai lu qu’elle était rétroactive. Cordialement
Bonjour ,
je suis actuellement bloqué à l’étranger et mon employeur veut m imposer des congés sans solde . Je viens déjà de puiser 10jours de congés payés suite à mon blocage.
merci pour vos réponses
Bonjour,
Je vous laisse consulter mon deuxième article paru à ce sujet :
https://www.village-justice.com/articles/droit-travail-loi-mars-2020-urgence-pour-faire-face-epidemie-covid-precisions,34379.html#pagination_comments-list
Bien à vous,