Le droit pénal de la famille.

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # violences conjugales # harcèlement moral # agressions sexuelles # abandon de famille

Parce que c’est au cœur du huis clos familial que se manifestent généralement les comportements violents et parce que les décisions du Juge aux Affaires Familiales ne sont pas toujours respectées, le droit pénal a dû intervenir dans le droit de la famille.

Des rapports conflictuels peuvent en effet, entraîner des situations difficiles, voire insupportables, auxquelles le législateur s’est intéressé.

-

Ces différends peuvent engendrer des atteintes à l’intégrité des membres de la famille ainsi que des atteintes aux prérogatives de ses membres.

- Des atteintes à l’intégrité des membres de la famille

Qu’elles causent des souffrances physiques ou psychiques, les atteintes à l’intégrité des membres de la famille sont réprimées sévèrement par la loi française puisqu’elles sont considérées comme une circonstance aggravante de l’infraction.

• Violences physiques et psychologiques

1) Les menaces

Les menaces sont constitutives d’un délit lorsqu’elles consistent à faire connaître à quelqu’un son intention de porter atteinte à sa personne ou à ses biens, que ce soit verbalement, par écrit, par image ou tout autre moyen.

Si les menaces sont réprimées par l’article 222-17 du Code pénal, l’article 222-18-3 du Code pénal prévoit, lui, une peine plus lourde « Lorsqu’elles sont commises par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

2) Les violences volontaires

Les violences conjugales touchent tous les milieux sociaux, sans distinction.

Ces violences peuvent entraîner des drames : c’est une femme tous les deux jours et demi qui meurt sous les coups de son conjoint (étude du Ministère de l’Intérieur publiée le 8 juin 2013).

Les hommes sont également victimes des coups de leur compagne, dans une proportion moindre.

Les violences volontaires commises par « le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité  » sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000€ d’amende lorsqu’elles n’ont pas entraîné d’interruption temporaire de travail supérieure à huit jours (article 222-13 6°du Code pénal).

Lorsque ces violences ont entraîné plus de huit jours d’interruption temporaire de travail, la peine encourue est portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende (article 222-12 4° ter du Code pénal).

Mais parce que la violence infligée peut être aussi psychologique, la loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, a inséré un nouvel article dans le Code pénal en créant l’infraction de harcèlement moral conjugal.

Ainsi, l’article 222-33-2-1 du Code pénal dispose que « Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail et de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours.  »

La loi pénale est venue étendre l’arsenal judiciaire à toutes les victimes de violences conjugales sans différence de traitement entre les personnes mariées, pacsées ou concubines.

De plus, il est précisé au sein du second alinéa que le texte est applicable également aux ex conjoints, partenaires ou concubins.

Les violences ne se limitant pas toujours à la personne du conjoint mais s’exerçant parfois aussi sur les enfants, l’article 222-13 du Code pénal prévoit dans son dernier alinéa, une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000€ d’amende lorsque les violences ont été commises sur un mineur de moins de quinze ans par un ascendant ou par toute personne ayant autorité (comme le beau-parent par exemple).

Fort d’un tel constat, l’organisation d’un régime permettant l’éviction du domicile du conjoint violent est apparue comme une nécessité criante.

Ainsi, sur le plan civil, la loi du 9 juillet 2010 a créé l’ordonnance de protection (voir article intitulé « L’ordonnance de protection : un moyen efficace pour protéger la victime de violences conjugales »).

Sur le plan pénal, des mesures pourront également être prises dans le cadre d’une condamnation pénale afin d’éloigner le conjoint violent de sa victime (interdiction de rentrer en contact avec sa victime, interdiction de se rendre aux alentours du domicile de la victime etc.).

• Le viol

Le viol est définit par la loi comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise » (article 222-23 du Code pénal).

La loi n°2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs a inséré un alinéa à l’article 222-24 du Code pénal.

Le viol « commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité » est désormais punissable de vingt ans de réclusion criminelle.

Le viol entre conjoints est donc un crime qui a d’abord été reconnu par la jurisprudence avant de l’être par le législateur.

C’est en effet un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 5 septembre 1990 (pourvoi n°90-83.786) qui a reconnu le viol entre époux pour la première fois en balayant la présomption de consentement à l’acte sexuel lié au « devoir conjugal ».

Puis, le 22 novembre 1995, la Cour Européenne des Droits de l’Homme, dans son arrêt C.R. et S.W. /Royaume-Uni a également reconnu la notion de viol entre époux.

Désormais, la présomption de consentement n’existe que jusqu’à preuve du contraire et le crime de viol est aussi étendu aux couples de concubins ou liés par un pacte civil de solidarité.

Quant au viol commis sur les enfants, il est réprimé par le même article au sein du 4° qui prévoit une circonstance aggravante quand il est commis au sein de la famille : « le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle (…) lorsqu’il est commis par un ascendant ou par toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ».

• Les agressions sexuelles

A la différence du viol, l’agression sexuelle n’exige pas d’acte de pénétration mais est constituée par des attouchements de nature sexuelle.

L’article 222-22 du Code pénal qui prévoit l’infraction d’agression sexuelle, précise dans son second alinéa que les agressions sexuelles ont vocation à être constituées « quelle que soit la nature des relations existant entre l’agresseur et sa victime, y compris s’ils sont unis par les liens du mariage  ».

Tout comme pour le viol, « la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel ne vaut que jusqu’à preuve du contraire  » (article 222-22 alinéa 2 du Code pénal) et tout comme le viol, l’article 222-28 du Code pénal prévoit une peine plus lourde lorsque l’agression sexuelle a été « commise par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».

- Des atteintes aux prérogatives des membres de la famille

Les relations conflictuelles entre conjoints incitent parfois ces derniers à bafouer les droits de l’autre ou à ne pas respecter leurs devoirs.

Ces actes et ces comportements peuvent alors être constitutifs d’infractions lorsqu’ils sont commis alors qu’une décision du Juge aux Affaires Familiales a été prise.

• La non-représentation d’enfant

L’article 227-5 du Code pénal dispose que « le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende ».

Pour être constitué, le délit de non-représentation d’enfant doit présenter trois éléments :

1) L’obligation de représenter l’enfant doit découler d’une décision judiciaire exécutoire

2) Le parent doit avoir refusé intentionnellement de représenter l’enfant à l’autre personne

3) Le parent qui a refusé de représenter l’enfant ne doit pas avoir de justification

Cette hypothèse est notamment celle découlant d’un droit de visite et d’hébergement à l’issue duquel le parent ne veut pas remettre l’enfant.

En plus du dépôt de plainte, il convient dès lors de saisir le Juge aux Affaires Familiales par le biais d’un référé.

• Abandon de famille

Le délit d’abandon de famille est constitué dès lors qu’une personne n’exécute pas pendant plus de deux mois son obligation de verser une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature qui sont dues en raison de l’une des obligations familiales prévues par le Code civil et issues d’une décision judiciaire ou d’une convention judiciairement homologuée.

L’article 227-3 du Code pénal réprime le délit d’abandon de famille par une peine de deux ans d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.

Le débiteur d’une pension alimentaire ne versant pas cette dernière pourra donc se voir condamner par un Tribunal correctionnel.

• Soustraction d’enfant

Le délit de soustraction d’enfant est constitué par le fait, pour un parent, de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l’autorité parentale ou auxquels il a été confié ou chez qui il a sa résidence habituelle.

Ce délit est réprimé par l’article 227-7 du Code pénal d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.

Juliette Daudé
Avocate à la Cour
Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 21 août 2020 à 14:55
    par DIMITRI VIKELAS , Le 15 janvier 2019 à 16:55

    Madame,

    Concernant votre commentaire sur l’article 227-5 du code pénal, je tiens à vous informer qu’il n’est pas nécessaire d’avoir au préalable une décision de justice.

    NON-REPRESENTATIONS
    L’absence de nécessité d’une décision du Juge aux Affaires Familiales pour déposer plainte
    Les chargés de dossiers de la cellule de suivi du CFPE-Enfants Disparus ont constaté que les parents
    victimes d’atteinte à leur autorité parentale sont confrontés à la l’impossibilité de pouvoir porter plainte
    auprès des autorités. En effet, on leur oppose généralement l’absence de décision du Juge aux Affaires
    Familiales alors même que le délit de non représentation ou de soustraction de mineur, incriminé aux
    articles 227-5 et suivants du Code pénal, n’exigent aucunement une décision de justice.
    Ce refus, régulièrement opposé par les autorités, est donc parfaitement dépourvu de fondement légal.

    Les textes législatifs

    Ainsi, depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1er mars 1994, il n’est aucunement exigé
    par l’article 227-5 que le parent soit en possession d’un jugement, comme l’a d’ailleurs confirmé la
    Cour de Cassation1
    .
    Le fondement des incriminations, énoncées aux articles 227-5 et suivant du Code pénal, n’est pas
    l’atteinte à une décision de justice mais bien l’atteinte à l’exercice de l’autorité parentale. La place de
    ces articles dans le Code pénal confirme d’ailleurs cela puisqu’ils se trouvent à la Section 3 « des
    atteintes à l’exercice de l’autorité parentale », lui-même dans le Livre II « Des crimes et délits contre les
    personnes ».
    Il s’agit d’assurer le respect des droits du parent victime et de sanctionner un comportement qui
    porte gravement atteinte à l’intérêt de l’enfant.

    La jurisprudence
    Dès 1996, la Cour de Cassation a affirmé que le parent n’a pas besoin de préciser la nature du « droit »
    sur lequel il se fonde pour déposer plainte. En effet, elle indique que « les termes même de l’article 227-
    5 du Code pénal ne précisent pas la nature du droit en vertu duquel l’enfant doit être représenté »

    2.La cour d’appel de Paris précise elle aussi « qu’il n’y a pas lieu de distinguer selon que la victime tient
    ses droits sur la personne de l’enfant, d’une décision de justice, d’une convention judiciairement
    homologuée ou de la loi, dès lors il n’est pas nécessaire que l’infraction soit commise en violation
    d’une décision de justice »

    1 Crim. 26 mai 2004 n° 03-84.778
    2 Crim. 13 mars 1996, Bull. crim. N°114, Rev. Sc. Crim. 1997 p. 103 obs. Mayaud.
    3 CA Paris, 20ème chambre, 2 mai 2000, arrêt Peladeau/Walter n°98/01292.

    Bien cordialement,
    Dimitri VIKELAS

    • par Anonyme , Le 17 septembre 2019 à 18:55

      Maître,

      Pouvez-vous vous exprimer sur le point contradictoire relevé dans le commentaire à votre article et relatif à la nécessité de l’existence d’une décision de justice préalable ?
      Ceci enrichirait notablement la précision et la bonne compréhension de l’artcile de loi concerné.

      Par avance merci.

    • par Dominique , Le 21 août 2020 à 14:55

      Bonjour maître,
      Je vis la situation que vous décrivez.
      Mon ex qui a reconnu l enfant la veille de son mefait (il l a pris sans mon autorisation et ne veut plus me le rendre,mon fils a 14 ans...).
      J ai porté plainte.
      Le gendarme m informe que la plainte a été classé,que le délit n est pas constitut et d attendre une décision du JAF pour la garde de l enfant selon le parquet.
      Anéantie,je n sais pas quoi faire surtout que selon ce que vous dites,c est irrégulier
      Je n ai plus revu mon fils depuis.
      Je n ai même pas son nouveau numéro de téléphone ,j n sais même pas avec exactitude où habite son père.
      Que dois je donc faire.
      Je vous remercie par avance.
      Bien cordialement

  • Bonjour. Mariée depuis 1998, Mon mari à quitter le domicile conjugal en mars 2013 pour s’installer en Espagne avec sa nouvelle compagne, me laissant sans ressources et nos 5 enfants agés de 5 à 17 ans. Mon ainé atteint d’un cancer devait subir ses soins, opérations, chimio mais il fallait l’autorisation des deux parents, mon ex n’a jamais voulu faire le déplacement pour signé les papiers, c’est lors de l’audience de non conciliation à laquelle il ne c’est pas déplacé que le JAF m’a accorder l’autorité exclusive afin de pouvoir faire exercé les soins de notre fils sans avoir besoin de sa signature. Depuis son départ en Mars 2013 et l’audience d’avril 2013 il n’a jamais versé la moindre pension ( je porte plainte tout les deux mois à la gendarmerie … )et m’a laissé toute les dettes, factures impayés et autres,les créanciers me poursuive, même le trésors public ! étant en Espagne (chez ses parents dont j’ai l’adresse) car n’ayant pas laissé d’adresse officiel (car ses parents le couvre) le parquet d’Agen à fini par classé l’affaire car il ne le retrouvais pas ! … Au jour d’aujourd’hui je ne suis toujours pas divorcé, ne touche aucune pension, je suis poursuivi par des huissiers, assume seule nos 5 enfants dont un gravement malade, je ne touche que le RSA car je suis dans l’incapacité niveau temps que j’accorde à mes enfants à pouvoir retrouver un emploi … Il n’est jamais venu les voirs … Mon avocate ne se bouge pas et attend … Et moi je n’en peux plus … Help …. Je sais ou il se cache, je sais que sa famille le couvre mais rien ne bouge …. Que dois je faire ???

    • par Juliette Daudé , Le 12 mars 2014 à 16:01

      Chère Madame,

      D’après les éléments que vous me donnez, il convient dans un premier temps et si vous ne l’avez pas déjà fait, de vous rendre auprès de votre CAF qui pourra vous conseiller sur les démarches à entamer et vous aider à obtenir le paiement de la pension alimentaire (si votre mari a été condamné au paiement d’une pension alimentaire pour vos 5 enfants par l’ordonnance de non conciliation).

      D’autre part, si les plaintes simples que vous avez déposées pour abandon de famille ont été classées sans suite, vous avez la possibilité de déposer une plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des Juges d’Instruction. L’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire mais n’ayant comme seuls revenus le RSA, vous pouvez demander à obtenir l’aide juridictionnelle.

      Le recouvrement d’une pension alimentaire dont le débiteur est à l’étranger est effectuée par le Service des affaires civiles et de l’entraide judiciaire du ministère en charge des Affaires étrangères.

      Toutefois, le lieu de résidence du débiteur doit être préalablement connu avant de procéder au recouvrement. C’est ce pourquoi il semble primordial de trouver l’adresse de votre mari en Espagne.

      Vous souhaitant bonne réception de la présente,

      Je vous prie d’agréer, Chère Madame, l’expression de mes salutations distinguées.

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