Un chose est certaine : la sinistralité en copropriété offre une grande diversité.
D’abord, une diversité de désordres. Rien qu’en matière de dégât des eaux, l’abondance de causes est avérée. Du défaut d’étanchéité au caractère fuyard des canalisations, d’une simple remontée capillaire au transfert de pont thermique, les dommages sont pléthores. Outre les infiltrations, les nuisances peuvent être olfactives ou acoustiques. Tel est souvent le cas par exemple lorsque l’immeuble héberge une activité commerciale de bouche au rez-de-chaussée. J’en passe, la copropriété foisonne de sinistres dont la liste serait bien trop longue à détailler. Puis, l’originalité de la matière réside en ce qu’il existe également une diversité d’imputations. Effectivement, lorsque l’on habite une maison individuelle, en cas de désordre en provenance de l’extérieur, il y’a de grandes chances pour que l’unique responsable soit le voisin d’à côté. Tel n’est pas le cas en copropriété. Car, en la matière, la multiplicité des acteurs augmente le nombre de responsabilités. Or, si cet aspect constitue un avantage quant à la pluralité de défendeurs solvables en vue d’une meilleur indemnisation, la recherche du ou des responsables s’avère être un jeu délicat.
Pour comprendre cela, rien de mieux qu’un cas d’école pour illustration. Un propriétaire au 3ème étage d’un immeuble déplore la présence de cloquage sur son plancher haut mais également les bruits de pas permanents en provenance de l’appartement du dessus. Fort mécontent, de suite il incrimine son voisin. Il lui reproche d’abord de marcher en chaussures à toute heure et de ne prendre aucune précaution, comme la pose d’un tapi au sol. Puis, le propriétaire sinistré prétend que la douche du voisin du dessus a une étanchéité défectueuse, laquelle a généré les infiltrations sur son plafond. Après plusieurs échanges infructueux (et surtout tendus) entre les deux parties, une expertise judiciaire est engagée.
Plusieurs accédits sont organisés sur place et après un long suspens intenable, le rapport de l’Expert judicaire est enfin déposé. Et quelle n’est pas la surprise de découvrir que la responsabilité du voisin du dessus est pleinement écartée. En effet, les opérations d’expertise ont tout d’abord révélé que les infiltrations ne provenaient pas de la douche du voisin mais des colonnes EP/EU. Il s’avère en réalité que ces dernières n’ont été changées par la copropriété que jusqu’au 2ème étage, l’entreprise étant intervenue n’ayant pas recommandé de les remplacer plus haut. Ces dernières sont donc vétustes et présentent un caractère fuyard. Pareillement, les nuisances acoustiques ne sont pas dues au bruit de pieds mais à une détérioration de la chappe isolante à cette endroit. Or, cet élément doit être considéré comme une partie commune au regard du Règlement de copropriété de l’immeuble.
Fort de ce constat, l’interrogation qui doit dès lors se poser est de déterminer les personnes responsables. Et si, de manière quasi évidente, la responsabilité du Syndicat des copropriétaires doit être recherchée, elle n’est pourtant pas la seule. Loin de là !
I. La responsabilité de plein droit (sans faute) du Syndicat des copropriétaires.
C’est de loin la responsabilité la plus classique et la plus couramment engagée lorsqu’un sinistre prend racine dans une partie commune. Pour cause, elle est sans aucun doute la plus simple à mettre en œuvre. Rappelons dès lors ses contours.
L’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 dispose en ses alinéas 4 et 5 :
« Il [le Syndicat des copropriétaires] a pour objet la conservation et l’amélioration de l’immeuble ainsi que l’administration des parties communes.
Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».
Il est de jurisprudence constante que le Syndicat des copropriétaires est responsable du défaut d’entretien des parties communes envers les tiers. Ainsi, la responsabilité du Syndicat des copropriétaires a été retenue en raison du défaut d’entretien de l’étanchéité d’un toit-terrasse [1], du fait d’infiltrations d’eaux pluviales [2], ou encore pour défaut d’entretien des parties communes à l’origine d’un dégât des eaux subi dans un studio [3]. En outre, l’entretien de l’immeuble inclut non seulement les réparations courantes, mais aussi les réfections de toute nature, indispensables pour assurer tant la conservation de l’immeuble que la jouissance par chaque propriétaire de son lot [4].
En conséquence, il doit être rappelé que la responsabilité du Syndicat des copropriétaires est engagée dès que les dommages causés à un copropriétaire ou à un tiers sont imputables à une partie commune ou à un élément d’équipement commun de l’immeuble. Que de ce fait, sur le fondement de l’article 14, la responsabilité du Syndicat des copropriétaires n’exige la preuve d’aucune faute, la simple existence et constatation des dommages sont suffisantes pour engager cette responsabilité. Il a d’ailleurs été jugé que ne constitue pas une cause exonératoire susceptible d’exempter le Syndicat ni le fait que le vice de la construction ne soit pas de son fait, ni le fait qu’il n’aurait jamais failli à ses obligations de surveillance et d’entretien, et plus généralement qu’aucune faute ne pourra lui être reprochée à quelque titre que ce soit [5].
S’agissant de l’illustration exposée en introduction, le rapport de l’Expert judiciaire a conclu que les désordres subis par le propriétaire du 3ème étage provenaient, d’une part, de la vétusté de la colonne EP/EU de l’immeuble, d’autre part, de la détérioration de la chappe isolante du bâtiment. Dans les deux cas, la cause provient de la défectuosité d’un équipement – Partie commune. A ce titre, une action en responsabilité doit être engagée à l’encontre du Syndicat des copropriétaires. Toutefois, cette action n’est pas exclusive d’autres mises en cause.
II. La responsabilité pour faute du syndic.
A l’instar de la responsabilité du Syndicat des copropriétaires, qui est pourtant la plus aisée à engager, l’implication du syndic est souvent la plus demandée par le copropriétaire lésé. Pour cause, le syndic personnifie sans doute plus facilement la cause des troubles que le Syndicat qui ne reste finalement qu’une abstraction de l’esprit. Pourtant, la mise en cause du syndic est loin d’être évidente.
Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler qu’il n’existe pas de lien contractuel entre un syndic et un copropriétaire agissant à titre individuel. Le contrat de syndic est signé par le Syndicat des copropriétaires aux termes de l’assemblée générale et les devoirs de mandataire ne s’appliquent qu’à son encontre [6]. Néanmoins, la jurisprudence a admis depuis longtemps une responsabilité du syndic à l’égard d’un copropriétaire sur le fondement du droit civil délictuel [7]. Peu importe par ailleurs que le syndic soit professionnel ou bénévole. Ainsi, au visa des article 1240 et suivants, le syndic engage sa responsabilité lorsqu’il commet un fait qui cause un dommage à autrui. Mais quel est le fait ?
Pour l’appréhender, il suffit de se référer tout d’abord à la mission principale du syndic telle que définie à l’article 18 (I) de la Loi du 10 juillet 1965 :
« d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ».
Il est ainsi de jurisprudence constante que le syndic, investi du pouvoir d’administrer et conserver l’immeuble en copropriété, est responsable à l’égard de chaque copropriétaire, sur le fondement quasi délictuel, des fautes commises dans l’exercice de sa mission [8]. Il importe peu que cette faute soit détachable ou non de ses fonctions dès lors que le copropriété victime démontre l’existence d’une faute, d’un préjudice personnel, direct et certain et d’un lien de causalité.
En matière de dommage, le syndic peut par exemple engager sa responsabilité pour négligence dans la mise en œuvre de travaux réparatoires. D’autant qu’en matière d’infiltrations, la jurisprudence a pu considérer de manière constante qu’il s’agissait de travaux de nature urgente pour lesquels le syndic est habilité à agir sans autorisation préalable de l’assemblée générale [9]. Aussi, si le syndic ne procède pas à des travaux présentant un caractère d’urgence de sa propre initiative, sa responsabilité peut être recherchée.
Ainsi, dans un arrêt rendu par la 3ème Chambre civile en date du 10 janvier 2012, la Cour de cassation a pu considérer que constituent des travaux urgent :
« la réparation de fissures dans la façade provoquant des infiltrations dans l’appartement (…) et la prolifération de salpêtre… » [10].
Dans les faits de l’introduction, autant l’existence d’infiltrations peut permettre d’envisager la mise en cause du syndic, autant la détérioration de la chappe semble plus compliquée. De plus, la simple existence d’un sinistre n’est pas suffisante et encore faut-il démontrer la faute du syndic qui en aurait eu connaissance et n’aurait pas agi.
III. Les responsabilités subsidiaires des tiers.
La diversité du droit de la copropriété est faite de telle manière qu’elle mélange son propre droit à celui de l’immobilier et de la construction. Or, lorsqu’un dommage survient du fait d’un ouvrage défectueux, présentant une malfaçon, le Syndicat des copropriétaires est tout à fait à même d’exercer une action récursoire à l’encontre du tiers qu’il estime en partie ou pour tout responsable du dommage. De ce fait, il va pouvoir solliciter judiciairement que la tierce partie soit mise en cause au procès et requérir que les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre soit mises à la charge de l’intervenant forcé. Mais quels pourraient être les motifs ?
Il peut s’agir simplement de l’engagement de la responsabilité décennale de l’entreprise qui a réalisé l’ouvrage litigieux. Rappelons qu’en vertu de l’article 1792 du Code civil « tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ». De telle sorte que l’architecte, le maçon, l’électricien, le plombier… mais également le vendeur de l’immeuble à construire (VEFA par exemple) sont responsables des malfaçons qui apparaîtraient dans les dix années de la réception de l’ouvrage sur lequel ils sont intervenus. Rappelons que si cette responsabilité ne nécessité pas la démonstration d’une faute, le recours à une expertise judicaire préalable est quasiment obligatoire pour déterminer la nature du vice et son incidence.
Il peut s’agir aussi de la mise en cause du professionnel pour défaut de conseil. Ce devoir qui incombe autant à l’entrepreneur qui réalise les travaux qu’au maître d’œuvre qui en suit la conception et/ou l’exécution (architecte par exemple), est une extension de l’obligation d’information [11] qui pèse sur le professionnel à l’égard du Syndicat des copropriétaires profane. A ce titre, si l’on reprend les faits de l’introduction, il est possible de considérer la responsabilité de l’entreprise et de l’architecte qui n’ont pas conseillé de rénover la colonne EP/EU au-delà du 2ème étage, laissant dès lors perdurer les infiltrations chez le propriétaire du 3ème. En tout état de cause, si la responsabilité décennale est de plein droit, le défaut de conseil nécessite la démonstration d’une faute à la charge du demandeur à l’action.
IV. La garantie assurantielle.
Il ne s’agit plus ici à proprement parlé d’une mise en cause de la responsabilité mais plutôt d’une action en garantie. Plus précisément, il s’agit d’attraire judiciairement l’assureur pour obtenir le bénéfice de son assurance. En soit, cette démarche contentieuse constitue un ultime recours face au refus des divers assureurs de prendre en charge l’indemnisation des dommages. Cela arrive malheureusement assez régulièrement.
Il peut s’agir d’une action dirigée à l’encontre de l’assureur Dommage-Ouvrage (DO), lorsque le dommage relève de la décennale. Pour rappel, cette assurance est obligatoire pour les travaux de gros-œuvres et de structure et est codifié à l’article L242-1 du Code des assurances. L’assureur DO est tenu de à un délai de réponse et d’instruction du dossier, auquel il ne peut se soustraire sans engager sa responsabilité. Les conclusions de son rapport peuvent évidemment être contestées judiciairement par le Syndicat des copropriétaires, notamment et surtout à la suite d’une expertise judiciaire.
Il peut également s’agir de l’assurance de l’immeuble.
Rappelons que l’article l’alinéa 1 de l’article L113-1 du Code des assurances dispose :
« les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».
De ce fait, il n’est pas rare que devant les Tribunaux soit débattues des conditions générales et particulières des assurances multirisques immeubles, de la date de survenance du désordres et que le Syndicat des copropriétaires tente d’obtenir la garantie des condamnations prononcées à son encontre.
Enfin, s’agissant de l’éventuelle responsabilité du syndic, ce dernier peut appeler en garantie son assurance responsabilité civile professionnelle. De la même manière, seront en jeu l’application des stipulations du contrat de garantie.
En conclusion, il est intéressant de constater le panel de responsabilités que peux engager un désordre en provenance des parties communes. Ceci étant dit, chaque acteur est grevé d’un régime spécifique et la mise en cause nécessite une connaissance accrue de la particularité de leur responsabilité. Une action infondée aurait un effet néfaste et pourrait conduire à un débouté de l’action judiciaire et au paiement des frais engagés par la partie accusée à tort.