Cryptomonnaies : fonds bloqués sur certaines plateformes, peut-on engager leur responsabilité ?

Par Jocelyn Ziegler, Avocat.

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Explorer : # blocage de fonds # conditions générales # responsabilité des plateformes # médiation

Si les plateformes de cryptomonnaies sont désormais démocratisées, ces dernières sont régulièrement au centre de nombreux litiges : erreurs dans la gestion des comptes, plateformes qui se retrouvent en faillite ou encore celles victimes de cyberattaques.
Le rapport rendu par le Médiateur de l’Autorité des marchés financiers en 2022 fait état de l’augmentation des litiges sur les marchés de crypto-actifs. Selon ce rapport, « le nombre de différends relatifs aux crypto-actifs ayant fait l’objet d’une procédure de demande de médiation auprès du médiateur de l’AMF a triplé par rapport à l’année 2021 ».

Parfois, les litiges sont liés au gel, au blocage ou à suspension de son compte de cryptomonnaies [1]. Dans une telle situation, peut-on engager la responsabilité de ces plateformes ?

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Quelles sont les raisons du blocage d’un compte crypto ?

Tout d’abord, il convient de consulter les conditions générales de la plateforme.
Celles-ci sont généralement accessibles en bas de page du site internet. Il est important de vérifier si leur date de validité coïncide avec la période concernée par le litige, afin de savoir si elles sont applicables en l’espèce.

Les plateformes de crypto définissent généralement, dans le cadre de leurs conditions générales, les conditions dans lesquelles elles procèdent au blocage des fonds.
Par exemple, pour Crypto.com, l’article 12 des conditions générales « Limitation des Services / résiliation / fermeture de compte » prévoit :

« Crypto.com peut, en tout temps et sans responsabilité envers vous, résilier, suspendre ou limiter votre utilisation des services de l’application Crypto.com (…) pour un motif quelconque, dont notamment :

a) dans l’éventualité où vous auriez enfreint une disposition de ces Modalités, d’une Annexe applicable ou d’une autre disposition applicable ;

b) dans le but de se conformer aux lois applicables ;

c) lorsque Crypto.com soupçonne qu’une transaction que vous avez effectuée pourrait être associée à une activité illégale (y compris, sans s’y limiter, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme ou des activités de fraude) ;

d) pour remédier les conséquences d’une défaillance ou de la compromission d’un système informatique sur lequel Crypto.com se fie ;

e) sur le fondement de sa politique de surveillance interne et le profil de dépenses raisonnablement anticipé pour le groupe de consommateurs auquel vous appartenez ; ou f) si Crypto.com est entièrement convaincu qu’un ordre ou une transaction a été exécuté sur le fondement d’une valeur aberrante ou erronée ».

Si certaines raisons de bloquer les comptes peuvent être valables, toutes ne sont pas juridiquement fondées. Il en est de même des modalités de blocage. De nombreux comptes crypto sont bloqués sans raison valable et sans réel fondement juridique.

Peut-on engager la responsabilité de ses plateformes ?

Pour délimiter l’étendue de la responsabilité d’une plateforme crypto, il convient de déterminer le paramètre de l’activité de la plateforme :

Mandat de gestion : l’utilisateur confie la gestion de ses actifs numérique à une plateforme. L’utilisateur donne donc à la plateforme le pouvoir d’effectuer des transactions, des échanges et d’autres opérations en son nom. La plateforme peut prendre des décisions de gestion des actifs, suivre des stratégies d’investissement spécifiques ou agir conformément aux instructions du client.

Mandat d’exécution : l’utilisateur autorisation la plateforme à exécuter des ordres de trading ou des transactions en son nom. Contrairement à un mandat de gestion, la plateforme ne prend pas de décisions de gestion pour le compte de l’utilisateur. Elle se contente d’exécuter les ordres d’achat ou de vente selon les instructions du client.

En outre, on distingue si la plateforme, qui est un prestataire de service sur actifs numériques (PSAN).

Est enregistrée auprès de l’AMF : dans ce cas, la victime peut tenter une médiation en saisissant le Médiateur de l’AMF. Il peut être saisi par tout investisseur, consommateur, personne physique ou morale ayant un différend individuel avec un intermédiaire relevant de son champ de compétence.

Attention toutefois, l’article L612-2 du Code de la consommation liste les cas dans lequel le Médiateur n’est pas habilité à intervenir (par exemple, lorsque le consommateur a introduit sa demande auprès du médiateur dans un délai supérieur à un an à compter de sa réclamation écrite auprès du professionnel).

N’est pas enregistrée auprès de l’AMF : si la plateforme crypto n’est pas enregistrée en France mais est régulée dans l’Union européenne, il est possible de saisir le réseau des Médiateurs financiers de l’Union européenne.
Une mise en demeure préalable de la plateforme crypto est indispensable à la saisine des Médiateurs, quels qu’ils soient. Elle doit exposer les éléments principaux du litige et fonder sa demande soit sur les stipulations contractuelles (conditions générales et particulières), soit sur les termes contractuels s’ils sont contraires à des dispositions d’ordre public ou à la réalité des faits.

Pour conclure, engager la responsabilité des plateformes crypto est tout à fait envisageable, notamment lorsque le blocage des fonds est abusif ou non fondé.

Jocelyn Ziegler, Avocat Associé,
Barreau de Paris
https://www.ziegler-associes.com/

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[1A titre d’exemples les plateformes crypto.com et brilliance.

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