Les prévenus, qui se sont prétendus propriétaires des fonds, ont été poursuivis du chef de blanchiment, au visa de l’article 324-1 du Code pénal, pour avoir apporté leur concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit indirect d’un crime ou d’un délit, en l’espèce la somme de 76.000 euros en numéraire, cette somme étant issue d’une fraude fiscale.
Les prévenus ont été reconnus coupables et condamnés par le Tribunal correctionnel.
Appel a été interjeté de ce jugement correctionnel par les prévenus ainsi que par le Ministère Public.
La Cour d’appel a confirmé ledit jugement en déclarant les prévenus coupables de blanchiment par concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit de fraude fiscale et les condamnant de ce chef.
Le nécessaire établissement de l’origine frauduleuse des fonds afin de pouvoir caractériser le délit de blanchiment.
1. Le délit de fraude fiscale ne peut résulter seulement de l’établissement de la dissimulation des fonds ainsi que de l’abstention réitérée de déclaration de leur importation.
Pour dire établie l’existence du délit principal de fraude fiscale dont le produit aurait été blanchi par les prévenus, la Cour d’appel de Nîmes a estimé que l’article 324-1 du Code pénal n’impose pas que des poursuites aient été préalablement engagées ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchi.
Les juges d’appel ont jugé qu’il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses et qu’en l’espèce :
le délit de fraude fiscale résulte de la dissimulation de la somme de 76.000 euros sujette à l’impôt ;
l’intention coupable se déduit de l’abstention réitérée de déclaration de l’importation de cette somme, de l’importance de la somme dissimulée, et de la volonté de se soustraire aux obligations déclaratives légales prévues par les articles 464 et 465 du Code des douanes, et des articles L152-1 et L152-4 du Code monétaire et financier.
La Cour d’appel a fondé sa décision, notamment en s’appuyant sur les dispositions de l’article 6 de la convention de Strasbourg du 8 novembre 1990, relative au blanchiment, au dépistage et à la saisie et à la confiscation des produits du crime et de l’article 3 b) de la directive 2018/1673/UE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 visant à lutter contre le blanchiment de capitaux au moyen du droit pénal.
La Cour de Cassation a sanctionné ce raisonnement par la cassation de l’arrêt, en jugeant qu’en statuant ainsi, sans caractériser le délit de fraude fiscale ayant procuré les sommes blanchies, autrement qu’en se référant au défaut de déclaration des fonds aux autorités douanières lors de leur transfert, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.
2. La précision apportée quant à la caractérisation du délit de blanchiment ainsi que de l’élément moral de l’infraction.
Il convient, à ce stade de l’analyse de rappeler les dispositions des article 593 du Code de procédure pénale et 324-1 du Code pénal :
« Les arrêts de la chambre de l’instruction, ainsi que les arrêts et jugements en dernier ressort sont déclarés nuls s’ils ne contiennent pas des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas à la Cour de cassation d’exercer son contrôle et de reconnaître si la loi a été respectée dans le dispositif.
Il en est de même lorsqu’il a été omis ou refusé de prononcer soit sur une ou plusieurs demandes des parties, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public. » [1] ;
« Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l’origine des biens ou des revenus de l’auteur d’un crime ou d’un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect.
Constitue également un blanchiment le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.
Le blanchiment est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende ». [2] ;
Il s’évince de ces textes deux choses :
Le juge répressif ne peut déclarer un prévenu coupable d’une infraction sans en avoir caractérisé tous les éléments constitutifs.
Le blanchiment est le fait d’apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit.
Ainsi, il convient d’en déduire que la caractérisation du délit de blanchiment, si elle n’implique pas que les auteurs de l’infraction principale soient connus, ni les circonstances de la commission de celle-ci entièrement déterminées, nécessite que soit établie l’origine frauduleuse des biens blanchis, contrairement au raisonnement tenu par la Cour d’appel de Nîmes.
En résumé, cet arrêt vient apporter des précisions importantes :
En vue de caractériser le délit de blanchiment, il est nécessaire de caractériser au préalable le délit de fraude fiscale ayant procuré les sommes blanchies.
Se référer simplement au défaut de déclaration des fonds aux autorités douanières lors de leur transfert ne suffit en aucun cas !
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Félicitations !
Voici un article complet, très bien rédigé et qui constitue une nouvelle pierre à l’édifice de la doctrine pénale.
Me Eric KOY
Merci beaucoup mon cher confrère !
Bravo Confrère, excellent article, très utile.
Mon cher confrère,
Je suis honoré de l’intérêt que vous portez à mon article et suis ravi s’il peut vous être utile !