La Cour de cassation, garante du droit des emprunteurs.

Par Jean-Simon Manoukian, Avocat.

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Explorer : # taux d'intérêt # teg (taux effectif global) # droit des emprunteurs # usure

La montée en puissance de l’économie de la consommation et de son financement a conduit le législateur à mettre en place un régime de protection des consommateurs de crédits. Les loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit et n° 79-596 du 13 juillet 1979 relative à l’information et à la protection des emprunteurs dans le domaine immobilier sont aux racines des actuelles dispositions du Code de la consommation relatives au crédit. Ces deux lois ont renforcé la protection des consommateurs notamment par la mise en place de mesures de transparence en matière de publicité et d’offre de crédit qui sont toujours d’actualité.
Parmi ces mesures figure la mention de l’emblématique TEG sur lequel nous allons nous attarder.

-

Libéraliser le taux d’intérêt et interdire aux banques de pratiquer des taux usuraires.

L’interdiction du prêt à intérêt relève du droit canon et sa sanction par le pouvoir royal remonte a minima au roi Philippe le Bel : « Nous Declarons par ces préfentes letres, que nous en l’Ordonnance deffus dite, avons reprouvé & deffendu, & encore reprouvons & deffendons toutes manieres d’ufures, de quelque quantité qu’elles foient caufées, comme elles font de Dieu & des faints Peres deffendües » [1].

Le prêt à intérêt fut autorisé par l’Assemblée nationale puis codifié en 1804 sous l’article 1907 du Code civil :« L’intérêt est légal ou conventionnel.
L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui fixé par la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas.
Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit.
 »

La loi du 3 septembre 1807 sur le taux de l’intérêt de l’argent édicta que l’intérêt conventionnel ne pouvait excéder le taux de l’intérêt légal, soit 5% en matière civile et 6% en matière commerciale, sous peine de sanctions, aggravées par la loi du 19 décembre 1850, qui ne furent toutefois que rarement appliquées.

Le dépassement de l’intérêt légal était un usage qui a été consacré par la loi du 9 juin 1857 autorisant la Banque de France, "si les circonstances l’exigent, à élever au dessus de six pourcent le taux de ses escomptes et l’intérêt de ses avances".

De plus la jurisprudence autorisait les banquiers à percevoir en sus de l’intérêt de 6% divers droits d’escompte, de change ou de commission qui constituaient ouvertement autant de supplément d’intérêt au taux légal, l’article 4 d’une loi du 6 juillet 1860 autorisait le Crédit foncier à percevoir en sus de l’intérêt légal une commission pour frais d’administration et les Monts-de-Piété prélevaient sur les gages 6% d’intérêt légal, 3% de frais de régie et 0,50 % de droit d’appréciation pour un total de 9,5 %...

Longtemps discutée dans son inutilité, sa désuétude et sa contreperformance économique, la loi du 3 septembre 1807 ne fut abrogée qu’en 1966 par la loi n°66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure et aux prêts d’argent dont l’article 1er stipule : « Constitue un prêt usuraire tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment ou il est consenti, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent... »

Cette loi de 66 est une révolution dans la législation financière, elle abroge également la loi du 19 décembre 1850 relative au délit d’usure, la loi du 12 janvier 1886 relative au taux de l’intérêt de l’argent, la loi du 7 avril 1900 sur le taux de l’intérêt légal, la loi du 18 avril 1918 modifiant le taux de l’intérêt légal et suspendant provisoirement la limitation de l’intérêt conventionnel et le décret du 8 août 1935 relatif à l’usure.

Désormais l’intérêt est libre tant que le TEG du crédit ne dépasse pas le taux de l’usure.

Le TEG fut dans un premier temps l’alpha et l’oméga du crédit.

Central jusqu’alors, le strict "taux d’intérêt" est éclipsé de la législation du crédit au profit du seul intérêt pris au sens large, hors taux rapporté au capital, puisque ne subsiste alors que l’article 1907 du Code civil qui traite principalement de l’intérêt et le TEG qui couvre les intérêts, frais, commissions ou rémunérations de toute nature, y compris ceux payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l’octroi du prêt.

La loi de 66 a tiré les conséquences des multiples contournements de la loi de 1807 qui était figée sur le seul taux d’intérêt : dorénavant l’emprunteur ne contracte plus un prêt de tel taux d’intérêt assorti de frais accessoires, mais réalise une opération financière "fusionnée" dans laquelle tous les accessoires sont assimilés à l’intérêt pour constituer l’"intérêt effectif global" qui n’est pas l’intérêt stricto sensu perçu par le banquier, mais l’intérêt largo sensu décaissé par l’emprunteur en contrepartie de l’octroi du crédit.

Ainsi l’article 4 de la loi de 66 dispose-t-il que le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt, et non le taux d’intérêt.

La loi de 78 n’exige pas que les publicités et offres de crédit mentionnent le taux d’intérêt, mais impose la mention du TEG.

La loi de 79 ira même jusqu’à dissoudre le taux d’intérêt dans le TEG : tant dans la publicité que dans l’offre de crédit, le banquier doit mentionner le « taux du prêt défini conformément à l’article 3 modifié de la loi n° 66-1010 du 28 décembre 1966 relative à l’usure » ; le taux d’intérêt n’y a pas droit de cité en tant que tel mais doit s’exprimer dans le TEG.

La Cour de cassation inscrit le TEG dans le droit des contrats.

Avec l’appoint du TEG la Cour de cassation va transformer le droit du crédit qui n’appréhendait l’emprunteur qu’au travers de son devoir de remboursement. S’il doit rester constant que nul ne dispose d’un droit au crédit et que le devoir de remboursement du capital ne se trouve en rien affaibli, c’est le droit du prêteur aux intérêts contractuels qui s’en trouve désacralisé.

Le droit du prêteur aux intérêts contractuels ne découle plus de la simple signature d’un contrat de prêt à intérêt, mais du double consentement de l’emprunteur au taux d’intérêt et au TEG.

La loi de 1807 a conduit le système à masquer des intérêts "hors taux contractuel" derrière divers chargements dont les frais de dossier, toujours pratiqués à ce jour, sont la plus flagrante illustration.

Il fallait donc réimputer ces intérêts "hors taux contractuel" dans le taux contractuel, ce qui est précisément, mathématiquement, l’objet du TEG qui ne peut dès lors qu’avoir une nature contractuelle.

La Cour de cassation rétablira donc le taux d’intérêt négligé par la loi de 66 tout en conservant l’idée d’opération financière fusionnée : « en matière de prêt d’argent, l’exigence d’un écrit mentionnant le taux de l’intérêt conventionnel [et] le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêt. » [2]

A l’heure où les établissements de crédit commercialisent des produits d’assurance et placent leurs filiales de cautionnement de crédit à l’occasion de l’octroi d’un prêt, cette jurisprudence conserve toute sa pertinence.

La Cour de cassation sera plus explicite : « les dispositions d’ordre public de l’article 4 de la loi du 28 décembre 1966 ayant été édictée dans le seul intérêt de l’emprunteur, leur méconnaissance est sanctionnée par la nullité relative de la clause de stipulation des intérêts conventionnels » [3].

Cet arrêt réaffirme clairement que le TEG relève du droit des contrats.

Pour mémoire le droit des contrat précise notamment que : « un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.
La nullité [...] est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé.
Indépendamment de l’annulation du contrat, la parie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extra-contractuelle. »

De plus une jurisprudence bien établie [4] mais peu commentée fait application au TEG d’une autre règle issue du droit des contrats, codifiée depuis 2016 sous l’article 1185 du Code civil, qui conditionne l’imprescriptibilité de l’exception de nullité à l’absence d’exécution du contrat.

Depuis lors la Cour de cassation ne cessera de rappeler, lorsque l’occasion lui en est donné, que le droit des emprunteurs est fondé sur ce socle de base constitué par la combinaison de l’article 1907 du Code civil avec le TEG, indépendamment de la qualité de consommateur ou de professionnel de l’emprunteur.

La Cour de cassation distingue le TEG du droit de la consommation.

Le TEG est malheureusement très souvent réduit à son emploi d’instrument de comparaison des crédits par le droit de la consommation. Ce ne sont pourtant ni les lois de 78 et 79, ni le droit européen de la distribution du crédit aux consommateurs sur le marché intérieur qui l’ont créé.

La loi de 66 a créé un TEG plus juridique que mathématique car elle ne tranchait pas entre les deux méthodes de calcul possibles : la méthode proportionnelle ou la méthode actuarielle. Elle fût donc complétée d’un Décret n°85-644 du 4 septembre 1985 qui défini le TEG comme un taux annuel proportionnel au taux de période lui même calculé actuariellement, et pose un certain nombre de règles de calcul.

Le TEG acquît donc en 1985 une stabilité mathématique en dehors de toute préoccupation européenne de lisser les disparités nationales en matière de crédit à la consommation.

L’instrument d’information et de comparaison européen que la Commission estima nécessaire de mettre en place est le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) que la Directive 87/102/CEE définie comme le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti et calculé conformément aux méthodes existantes des Etats membres.

Le TEG de la loi de 66 qui est calculé proportionnellement au taux de période, fait donc pour la France, office de TAEG depuis le 1er janvier 1990, date à laquelle tous les États membres doivent se conformer à la directive 87/102.

La Commission présenta ultérieurement une proposition de modification de la directive 87/102/CEE afin d’imposer aux États membres une formule compacte et unique de calcul du TAEG qui "rend égales les valeurs actuelles de l’ensemble des engagements futurs ou actuellement existants pris respectivement par le prêteur et l’emprunteur" (JOCE 1988 C 155/10 du 14 juin 1988), soit une méthode purement actuarielle de calcul. Une formule développée lui fût préférée et publiée en annexe à la Directive 90/88/CEE qui impose aux Etats membres de se mettre en conformité pour le 31 décembre 1992. Les lois françaises de 78 et 79 entraient ainsi en dissonnances avec le droit européen en ce qu’elles imposaient la mention d’un TEG proportionnel et non d’un TAEG actuariel.

Le chantier français de la création d’un code de la consommation à droit constant par la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 était par trop imposant et la disparité entre TEG et TAEG fut mise de côté.

La quasi totalité des dispositions des lois de 78 et 79 fût donc abrogée au profit des dispositions du code de la consommation et, par empressement (?), les articles 1er à 7 de la loi de 66 le furent aussi bien que concernant tous les crédits, et non ceux destinés aux seuls consommateurs.

La Cour de cassation répara cet accroc dans le droit du crédit pour juger au visa des articles 1907 du Code civil et L 312-2 du code de la consommation que l’obligation légale de mentionner le TEG s’applique aux prêts à finalité professionnelle. [5]

Le TAEG européen fut transposé en droit français, avec près de 10 ans de retard, par les décrets n° 2002-927 et 2002-928 du 10 juin 2002 relatif au calcul du TEG et portant en annexe, pour les crédits mobiliers à la consommation, la formule de calcul du TAEG européen, ce qui fût la source d’une certaine confusion puisque coexistaient alors un TEG proportionnel et un TEG "équivalent" selon la terminologie des actuaires.

Une loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, un décret n° 2011-135 du 1er février 2011 et une ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016 y apporteront plus de clareté en instituant un TAEG pour les crédits à la consommation et en maintenant le TEG pour les crédits aux professionnels et au secteur public.

La Directive 87/102/CEE fut abrogée par la Directive 2008/48/CE dont le considérant n° 30 conforte la nature contractuelle du TEG puisqu’il précise : « La présente directive ne règle pas les questions de droit des contrats relatives à la validité des contrats de crédit. »

Il est donc juridiquement discutable de considérer que le droit des contrats entre "en contradiction avec les récentes directives européennes à la lumière desquelles les textes nationaux doivent s’appliquer : celle n°2008/48 transposée en droit français par la loi du 1er juillet 2010 ..." (CA Paris, 28 septembre 2018)

ou encore

d’affirmer que "La mention obligatoire du Taux Effectif Global (TEG) pour les entreprises est un cas de sur-transposition, puisque la réglementation européenne ne l’exige que dans les contrats de crédit destinés aux consommateurs aux termes des directives relatives au crédit à la consommation et au crédit immobilier. Cette surtransposition..."(Réponse de M. le ministre de l’économie, JOAN 2018 n°10 page 1922)

Le taux d’intérêt, le TEG et le TAEG.

Pour une parfaite compréhension de ces troix taux et, partant, de la jurisprudence qui s’y rattache, nous passerons par la notion générique de Taux Effectif, le TEG et le TAEG se présentant alors respectivement comme un Taux Effectif calculé en méthode proportionnelle (le TEG) et un Taux Effectif calculé en méthode actuarielle (le TAEG).

Parallèlement, un taux d’intérêt peut être proportionnel ou actuariel et le choix d’un TEG par le Décret de 85 paraissait répondre à l’usage plus large du taux d’intérêt proportionnel.

Ainsi posé, le Taux Effectif d’un crédit ne répond qu’à une seule question mathématique : Si tous les frais, cotisations, coûts de rédaction d’acte ou de sûreté réelle ou personnelle... dont le paiement est imposé à l’emprunteur par le prêteur comme condition d’octroi d’un crédit, avaient la nature d’un intérêt stricto sensu, quel serait le taux de ce crédit ?

La réponse est dans l’équation d’équivalence des flux qui se décline tant sous forme actuarielle que proportionnelle. Les relations mathématiques entre le taux d’intérêt et les Taux Effectifs peuvent alors se schématiser ainsi :

Taux d’intérêt → formule proportionnelle → intérêt "proportionnel"
→ formule actuarielle → intérêt "actuariel" (qui est > à l’intérêt "proportionnel")
TEG ← formule proportionnelle ← intérêt+frais+cotisation+...
TAEG ← formule actuarielle ← intérêt+frais+cotisation+... (avec TAEG > TEG)

Lorsque le taux d’intérêt est proportionnel et que les frais et chargements sont nuls, nous avons :
intérêt+0 → formule proportionnelle → TEG = taux d’intérêt
intérêt+0 → formule actuarielle → TAEG > taux d’intérêt

Nota Bene : le calcul d’intérêt en base Exact/360 produit un intérêt supérieur qui retentit mécaniquement sur le TEG ou le TAEG (calculés sur une année civile) et peut être "remonté" vers le taux d’intérêt qui s’en trouvera augmenté (à l’insu de l’emprunteur profane).

La Cour de cassation veille à l’application des sanctions du droit de la consommation.

Les lois de 78 et 79 incorporées au code de la consommation prévoient notamment qu’à défaut de mention du Taux Effectif dans l’offre de prêt, le prêteur sera déchu de son droit aux intérêts contractuels.

Les directives européennes, qui s’adressent aux États membres, les laissent parfaitement libre du régime de sanction encouru par les prêteurs qui ne satisfont pas à l’obligation de mention du TAEG.

La Directive 2004/48/CE le précise en son considérant n° 47 : « Il convient que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées en vertu de la présente directive et veillent à ce qu’elles soient appliquées. Bien que le choix de ce régime soit laissé à la discrétion des États membres, les sanctions prévues devraient être effectives, proportionnées et dissuasives ».

La déchéance est la privation de jouissance d’un droit acquis. Elle peut être totale, partielle, temporaire ou définitive selon la gravité de l’inconduite du titulaire de ce droit. C’est une sanction civile à finalité punitive qui s’apparente aux sanctions pénales.

Choisie par le législateur des lois de 78 et 79, elle prive le prêteur de tout ou partie de son droit aux intérêts contractuels selon la gravité de son manquement, et non en rapport avec le préjudice que peut en subir l’emprunteur, car en tant que sanction civile la déchéance n’a pas la nature des dommages et intérêts.

Le régime de déchéance remplit, à la lumière de la jurisprudence de cassation, en tous points les objectifs européens.

Deux arrêts de la Première chambre font une synthèse de ce régime de sanction : « la déchéance du droit aux intérêts est une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l’application que la détermination du montant ; que, de ce fait, l’emprunteur qui sollicite la déchéance du droit aux intérêts ne fait valoir qu’une prétention à l’issue incertaine qui n’est, dès lors, pas constitutive d’un droit ; » [6]

Pour reprendre les termes de la directive 2004/48, la déchéance du droit aux intérêts :
- est une sanction effective ;
- est proportionnée à la gravité du manquement selon l’appréciation du juge au cas par cas ;
- est dissuasive en ce qu’elle peut être totale, l’emprunteur ne devant alors rembourser que le capital.

Le juge peut ainsi décider que le manquement ne donnera lieu à aucune déchéance des intérêts [7].

Paradoxalement en matière de crédit immobilier la déchéance a été drastiquement réduite par l’ordonnance 2016-351 du 25 mars 2016 à un maximum de 30 % des intérêts plafonné à 30 000 €, réduisant ainsi le caractère proportionnel et dissuasif de la sanction.

Quel que soit le préjudice qu’il peut subir du défaut de mention du TEG, l’emprunteur n’est titulaire d’aucun droit à la déchéance des intérêts, mais il bénéficie d’un droit à la nullité de la clause de stipulation d’intérêt.

Faut-il arbitrer entre droit des contrats et droit de la consommation ?

La Cour de cassation répond que non. Saisi d’une demande de réduction des intérêts contractuels sur le fondement du droit de la consommation, le juge ne doit pas appliquer le régime de nullité du droit des contrats et vice-versa [8].

Le droit des contrats et le droit de la consommation ne sont pas en concurrence car ils ne répondent pas aux mêmes finalités.

Le droit de la consommation crée des obligations spécifiques dans le champ des professionnels et non dans celui des consommateurs, il est avant tout un régime juridique complémentaire au droit commun qui s’applique aux professionnels lorsqu’ils contractent avec un consommateur, sans s’y substituer.

La formation même du contrat de consommation relève, comme tout contrat, du droit des contrats indépendamment du rapport de consommation qu’il noue concomitamment, ce qu’illustre particulièrement bien :
- l’application du TEG aux crédits consentis aux professionnels ;
- le champ d’application de la Directive 2004/48/CE qui ne concerne pas les questions de droit des contrats relatives à la validité des contrats de crédit.

La Cour de cassation, garante du droit des emprunteurs.

Le droit du crédit ne devrait pas être réduit aux droits des établissements financiers et traiter aussi de leurs devoirs sous l’angle du droit des emprunteurs qu’ils soient professionnels ou consommateurs.

La Cour de cassation s’y emploie et son rôle de garante du droit des emprunteurs est d’ores et déjà reconnu par le Conseil constitutionnel.

Dans une décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013, le Conseil constitutionnel relève : « qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour de cassation que l’exigence d’un écrit mentionnant le taux effectif global est une condition de la validité de la stipulation d’intérêts et qu’en l’absence de stipulation conventionnelle d’intérêts, il convient de faire application du taux légal à compter du prêt » pour censurer le §2 de l’article 92 de la loi de finances pour 2014 qui avait pour objet de valider les clauses de stipulations d’intérêts de tous les prêts passés par des personnes morales qui les contestaient au moyen du défaut de mention du TEG.

Ledit paragraphe est invalidé sur le visa de l’article 16 de la déclaration de 1789 : "Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution."

Pour conclure.

La nature contractuelle du TEG se trouve renforcée par des assurances et des cautionnements qui sont posés comme condition d’octroi du crédit et commercialisés par un prêteur qui se trouve parfois être au capital de l’assureur (CNP) et très souvent être la société mère de la société de caution. La circonstance que l’emprunteur use ou non de son droit de délégation d’assurance ne paraît pas affaiblir ce renfort.

Il est paradoxal que la pratique et le plafonnement du régime de déchéance propre aux consommateurs les conduisent vers une protection moindre que celle des professionnels.

Il est inquiétant que le Parlement ait, par le vote de l’article 55 de la loi du 10 août 2018, confié au Gouvernement, qui a déjà plafonné la déchéance, le soin de :
- supprimer la mention obligatoire du taux effectif global dans les contrats de crédit aux entreprises à l’exception des contrats de crédit à taux fixe ;
- clarifier et harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d’erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées par les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs.

Le droit impose avec constance aux établissements financiers le respect du droit des emprunteurs, notamment au travers du régime du TEG, tandis qu’un mouvement de fond conjoncturel paraît tenter de dissuader les emprunteurs de faire valoir leurs droits en justice en lieu et place de contraindre les établissements financiers à se comporter en professionnels soucieux de proposer des crédits exempts de vices.

C’est peu dire que la jurisprudence de la Cour de cassation est très attendue, autant des prêteurs que des emprunteurs.

Jean-Simon Manoukian, avocat au barreau de Nantes,
http://teg-taeg-jsmanoukian.com

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Notes de l'article:

[1Philippe IV, dit le Bel, à Poissy, le 8 décembre 1312 in "Ordonnances des Roys de France Par M. De Lauriere ancien Avocat au Parlement, Imprimerie Royale, M.DCCXXIII".

[2Civ 1ère 24 juin 1981, n°80-12773 et 80-12903.

[3Civ 1ère 21 janvier 1992, n° 90-18121 publié.

[4Com 6 juin 2001 n° 98-18928 publié, Civ 1ère 11 juin 2009 n° 08-11755 publié, Com 13 mai 2014 n° 12-28013 12-28654 publié, Civ 1ère 1er juin 2016 n° 15-16380

[5Civ 1ère 22 janvier 2002 n° 99-13456 publié.

[6Civ 1ère, 20 juin 2000 n° 97-22394 et 13 novembre 2002 n° 00-11415

[7Civ 1ère 30 septembre 2015 n° 14-19266.

[8Civ 1ère 24 avril 2013, n° 12-14377 publié : « la déchéance du droit aux intérêts, qui ne sanctionne pas une condition de formation du contrat, n’est pas une nullité. »

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