Le commissionnaire est défini comme « tout prestataire de services qui organise librement et fait exécuter, sous sa responsabilité, et en son nom propre, le déplacement des marchandises d’un lieu à un autre selon les modes et moyens de son choix pour le compte d’un donneur d’ordre » (article 2-2).
Pour sa part, le donneur d’ordre est défini comme « la partie (le commettant) qui contracte avec le commissionnaire de transport » (article 2-3).
Le champ d’application du contrat type
Le contrat type présente un caractère « supplétif ». Il n’a donc vocation à s’appliquer qu’en l’absence de convention écrite entre le donneur d’ordre et le commissionnaire de transport.
A défaut d’un tel accord, le contrat type s’appliquera de façon obligatoire. Il régit les rapports entre le donneur d’ordre et le commissionnaire de transport ou entre le commissionnaire de premier rang et les commissionnaires intermédiaires.
Il trouve application quel que soit le mode de transport utilisé (terrestre, maritime, aérien), en matière de transport national ou de transport international.
Obligations des parties
Les obligations respectives du donneur d’ordre et du commissionnaire de transport se trouvent précisées et listées de façon exhaustive :
A. Obligations du donneur d’ordre
Article 3-1 : donner toutes informations relatives à la nature de la marchandise (poids, nombre de colis, dangerosité …) et au déroulement de l’opération de transport (adresses expéditeur/destinataire, heure et date de prise en charge et de livraison …).
Article 4 : procéder au conditionnement, à l’emballage et à l’étiquetage de la marchandise.
Article 5-4.1 : fournir au commissionnaire de transport, par écrit, toute précision complémentaire, si ce dernier estime que « les informations et/ou instructions du donneur d’ordre apparaissent ambigües, impropres, incomplètes et/ou sont de nature à compromettre la bonne fin de la mission »
Article 8-3 : supporter les couts supplémentaires engagés par le commissionnaire pour la conservation des marchandises en cas d’empêchement à la livraison, de refus du destinataire ou d’impossibilité d’exécution du transport, hors les cas de sa faute et/ou celle de ses substitués.
B. Obligations du commissaire de transport
Le commissionnaire de transport (article 5-1) est « présumé responsable de la bonne fin du transport et est tenu d’une obligation générale de résultat ».
Ainsi est-il notamment tenu :
• Avant la prise en charge de la marchandise :
De « procéder à la vérification des documents fournis par le donneur d’ordre qui ont un lien direct avec l’organisation du transport » (article 3-2).
De « vérifier les informations et les pièces nécessaires à l’établissement du document de transport et à l’acheminement de la marchandise »… « dont la rédaction lui incombe » (article 5-3).
De refuser d’exécuter les instructions du donneur d’ordre, contraires aux réglementations en vigueur « et/ou induisant un risque quelconque » (article 5-4.2).
D’informer le donneur d’ordre « des avantages et inconvénients des modes pouvant être utilisés » (article 5-5.1).
De suggérer « la souscription d’une assurance marchandises, d’une déclaration de valeur et/ou d’un intérêt spécial à la livraison » (article 5-5.2), précision étant faite que le « devoir de conseil du commissionnaire de transport s’exerce dans son domaine de compétence et s’apprécie en fonction du degré de professionnalisme du donneur d’ordre. Ce devoir de conseil s’exerce dans la mesure où le commissionnaire de transport dispose en temps utile des éléments nécessaires à l’organisation du transport » (article 5-5.3)
• Lors de la prise en charge de la marchandise :
De vérifier que « le substitué auquel il s’adresse est habilité à exécuter les opérations qui lui sont confiées et dispose des aptitudes requises », tant réglementaires que techniques (article 5-2.1).
De répercuter « aux commissionnaires intermédiaires ou à ses substitués » les instructions du donneur d’ordre (article 5-2.3)
• Lors de l’opération d’acheminement :
D’assurer le suivi du document de transport et des documents annexes (article 5-2.4), jusqu’à la livraison.
D’aviser le donneur d’ordre « de toutes difficultés rencontrées dans l’exécution du contrat » (article 5-6.2).
• Lors de la livraison :
D’informer le donneur d’ordre « qui en a fait la demande de la bonne fin du transport » (article5-6.1).
A défaut d’instructions, de prendre toutes mesures pour la conservation de la marchandise en cas d’empêchement à la livraison, de refus ou de défaillance du destinataire (article 8-3).
Il s’agit donc d’une responsabilité élargie dont doit répondre le commissionnaire de transport, ressortant tant de son propre fait que du fait de tout intermédiaire dont il requiert les services.
Seules la force majeure, le vice propre de la marchandise ou la faute du donneur d’ordre seraient de nature à l’exonérer totalement ou partiellement.
Le Décret organise et clarifie ainsi les principes de responsabilité dégagés par la jurisprudence.
Toutefois, un certain nombre d’innovations majeures méritent d’être relevées :
• Article 13-2.1 : dans le cadre de la mise en cause de sa responsabilité personnelle, le commissionnaire de Transport peut désormais se prévaloir d’un système de limites d’indemnisation, savoir : 20,00 € par Kg de poids brut de marchandise manquante ou avariée sans pouvoir excéder une somme de 5 000,00 € la tonne de marchandise transportée.
• Article 13-2.1 : dans le cadre de la mise en cause de la responsabilité de son substitué, dont il doit répondre, le commissionnaire de Transport pourra opposer ses propres limites, si celles de son substitué, dont il pourrait se prévaloir ne sont pas connues ni applicables de plein droit.
Elles ne trouvent pas application en cas de déclaration de valeur, ni en cas d’intérêt spécial à la livraison ; à cet égard, le commissionnaire de transport devra veiller à répercuter ces instructions spécifiques à ses substitués afin de préserver son propre un recours.
• Article 15-1 : la résiliation du contrat de commission conclu à durée indéterminée est désormais soumise au respect d’un délai de préavis (article 15-1) :
un mois pour les contrats d’une durée inférieure à six mois
deux mois pour les contrats d’une durée allant de six mois à un an
trois mois pour les contrats d’une durée supérieure à un an
Les pouvoirs du Juge se voient donc limités quant à l’appréciation du « délai d’usage » qui englobait, notamment, outre la durée des relations contractuelles, le montant du chiffre d’affaire réalisé.
• Article 12 : le paiement du prix des prestations se voit réorganisé.
La facture du prix des prestations est payable au plus tard 30 jours après sa date d’émission. A défaut, l’indemnité forfaitaire de 40,00 € (article D.441-5 du Code de Commerce) et des intérêts de retard (équivalent à cinq fois le taux d’intérêt légal) seront dus de plein droit.
Il est à noter également que la compensation unilatérale entre le montant de dommages allégués et le prix de la prestation qui était de pratique courante, se trouve formellement interdite (article 12-2).
• Enfin, le décret édicte une clause attributive de juridiction au profit du Tribunal de Commerce de Paris (article 16).
L’apport essentiel du décret, outre qu’il formalise les solutions élaborées par la jurisprudence, est d’organiser au profit du commissionnaire de transport, un régime de limites d’indemnisation propre (article 13-2.1), en cas de faute prouvée.
Hormis les cas de déclaration de valeur et de déclaration d’intérêt spécial à la livraison (article 13-4), ces limites d’indemnisation ne trouvent pas application en cas de faute intentionnelle et inexcusable du commissionnaire de transport, définie, par le nouvel article L133-8 du Code de Commerce comme « la faute délibérée qui implique la conséquence de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ».
Si la preuve de la faute intentionnelle et inexcusable du commissionnaire de transport devrait s’avérer difficile à apporter, sauf cas exceptionnel, par celui qui s’en prévaudra (le donneur d’ordre et/ou son assureur subrogé), il apparaît que le champ de la responsabilité personnelle pour faute « simple » du commissionnaire de transport se trouve considérablement élargi.
Le décret met, en effet, à sa charge un certain nombre d’obligations tout aussi larges qu’imprécises et qu’il appartiendra à la jurisprudence de clarifier :
• Le commissionnaire de transport est désormais juge de la fiabilité et de la pertinence des informations et des instructions qui lui sont données par le donneur d’ordre.
En effet, s’il estime qu’elles apparaissent « ambigües, impropres, incomplètes et/ou sont de nature à compromettre la bonne fin de la mission », il doit demander « toutes précisions complémentaires par écrit » (article 5-4.1).
Comment, à priori, déterminer une information « incomplète » qui serait une « de nature à compromettre la bonne fin de la mission » ?
Qu’en sera-t-il, par exemple, en cas de sinistre résultant de la défaillance de l’’arrimage (qu’il a ou a fait réaliser) d’un matériel conditionné en caisse pleine, présentée par son donneur d’ordre ?
Ne pourrait-on, à postériori, lui reprocher de n’avoir pas demandé, en plus, de préciser la répartition des charges à l’intérieur de la caisse, même si le centre de gravité est clairement indiqué par un pictogramme ?
Qu’en sera-t-il dès lors de la cause d’exonération du fait de la faute du donneur d’ordre, dont il était en droit de bénéficier ?
• Le commissionnaire de transport doit « renseigner son donneur d’ordre des avantages et inconvénients des modes pouvant être utilisés », ce devoir de conseil s’exerçant « dans son domaine de compétence » et s’appréciant « en fonction du degré de professionnalisme du donneur d’ordre…et dans la mesure où il dispose en temps utile des éléments nécessaires à l’organisation du transport ».
Comment définir le domaine de compétence du commissionnaire de transport, librement choisi par un donneur d’ordre, autrement que par la définition qui en est donnée (article 2-2) qui est d’organiser le déplacement de toute marchandise (quels qu’en soit la nature, le volume, le poids et la valeur) du lieu de prise en charge au lieu de livraison, sous sa responsabilité, en son nom propre et par les modes et moyens de son choix ?
Comment définir le « degré de professionnalisme » du donneur d’ordre ?
Le commissionnaire de transport sera-t-il moins responsable lorsque ce dernier est une société disposant d’un service juridique important et structuré ?
Sera-t-il tenu plus responsable s’il contracte avec des PME, voire des particuliers ?
La faute « simple » sera-t-elle retenue dans un cas et la « faute inexcusable » dans l’autre ?
• La clause attributive de juridiction au profit du Tribunal de Commerce de Paris (article 16) posera, quant à elle, de très sérieux débats de compétence territoriale notamment en matière de transport maritime et en matière de transport routier international soumis à la Convention de Genève du 19 mai 1956, dite CMR.
Il appartient désormais aux commissionnaires de transport d’adapter leurs Conditions Générales, mais leur marge de manœuvre apparaît faible.
L’on comprend dès lors l’amertume des commissionnaires de transport qui espéraient plus une clarification de la réglementation de leur profession qu’un élargissement des cas de mise en jeu de leur responsabilité personnelle, fût-elle limitée.