I. Faits et procédure.
Deux salariés engagés en qualité de pilote de ligne par la société Air France ont été mis à pied pour une quinzaine de jours, par lettres du 1ᵉʳ février 2016.
Les salariés ont alors saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir l’annulation de cette sanction disciplinaire, du fait que l’avis des délégués du personnel a été sollicité seulement le 19 novembre 2015 pour des entretiens préalables fixés au 25 novembre 2015, alors même que la demande de report de ces entretiens préalables pour se faire communiquer l’ensemble des dossiers, a été rejetée.
Par un arrêt du 6 avril 2022, la Cour d’appel de Paris fait droit à la demande des salariés et prononce l’annulation des mises à pied disciplinaire du 23 février 2016 au motif que, la consultation des délégués du personnel dans un délai insuffisant équivaut à une absence de consultation qui constitue une violation d’une garantie de fond.
Par conséquent, l’employeur Air France se pourvoit en cassation sur le fondement de l’article 4.2 de l’annexe III PNT du règlement intérieur de la société Air France et des articles L1333-1 et L1333-2 du Code du travail, selon lesquels respectivement,
« En cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction »
et
« le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ».
II. Moyens.
En effet, l’employeur fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de prononcer l’annulation des mises à pied disciplinaire du 23 février 2016.
À cet égard, l’employeur soutient que si l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur est assimilée à la violation d’une garantie de fond qui entraîne l’annulation de la sanction disciplinaire, ce n’est qu’à la condition que cette irrégularité ait privé le salarié des droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé une influence sur la décision finale.
Or, selon l’employeur et contrairement à la décision de la cour d’appel, la consultation des délégués du personnel n’est pas une garantie de fond dans la mesure où en l’espèce, les salariés ont été régulièrement convoqués devant les organes prévus par le règlement intérieur de la société Air France, devant lesquels, assistés d’un défenseur, ils pouvaient utilement se défendre.
Quand bien même la société Air France n’a pas régulièrement communiqué aux salariés leurs entiers dossiers et si le conseil de discipline, après avoir entendu le salarié et son défenseur, n’a pas décidé d’une sanction moins sévère que celle proposée par l’employeur, l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire tirée d’une consultation tardive des délégués du personnel, n’a pas privé, comme le considère l’employeur, les salariés de leurs droits à la défense.
III. Solution.
La consultation tardive des délégués du personnel correspond-elle une irrégularité commise dans le déroulement d’une procédure disciplinaire assimilable à une violation d’une garantie de fond, et de nature à priver les salariés de leurs droits à la défense ?
La Cour de cassation répond par la négative sur le fondement de l’article 4.2 de l’annexe III du règlement intérieur de la société Air France qui dispose que la convocation à l’entretien préalable en vue d’une éventuelle sanction doit notamment indiquer l’objet de la réunion, la date, l’heure et le lieu de l’entretien et mentionne également que, sauf objection écrite de l’intéressé, les délégués du personnel sont informés et leur avis sollicité préalablement à l’entretien.
En effet, le principe selon lequel l’irrégularité commise dans le déroulement de la procédure disciplinaire, prévue par une disposition conventionnelle ou un règlement intérieur, est assimilée à la violation d’une garantie de fond lorsqu’elle a privé le salarié de droits de sa défense ou lorsqu’elle est susceptible d’avoir exercé en l’espèce une influence sur la décision finale de l’employeur, est interprété de manière souple par la Cour de cassation qui ne retient pas que la consultation des délégués du personnel dans un délai insuffisant équivaut à une absence de consultation constituant une violation d’une garantie de fond.
Au contraire, la Cour de cassation considère que la consultation tardive des délégués du personnel n’emporte pas systématiquement la privation pour le salarié, la possibilité d’assurer utilement sa défense et ne constitue donc pas nécessairement une violation d’une garantie de fond.
C’est pourquoi, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel.
Elle est renvoyée à la cour d’appel renvoi de Paris autrement composée.
Source.