La conduite sous l’empire d’un état alcoolique sur le temps personnel ne peut pas justifier un licenciement.

Par Jérôme Maudet, Avocat

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Saisi d’un recours contre la décision de l’inspecteur du travail d’autoriser le licenciement d’un salarié protégé à la suite d’une infraction pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, le Conseil d’Etat a considéré que cette infraction commise sur le temps personnel du salarié n’était pas, à elle seule, de nature à justifier un licenciement pour faute. (CE, 15 décembre 2010, N° 316856).

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"Considérant qu’en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d’une protection exceptionnelle dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l’inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l’inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l’entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé ;"

"Considérant qu’un agissement du salarié intervenu en dehors de l’exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s’il traduit la méconnaissance par l’intéressé d’une obligation découlant de ce contrat ; que le fait, pour un salarié recruté sur un emploi de chauffeur, de commettre, dans le cadre de sa vie privée, une infraction de nature à entraîner la suspension de son permis de conduire, ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l’intéressé de ses obligations contractuelles à l’égard de son employeur ; que, par suite, la cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit en jugeant que le ministre avait pu légalement autoriser le licenciement pour faute de M. A, salarié protégé embauché comme conducteur ripeur au sein de la société Onyx Est, à la suite de la suspension pour une durée de quatre mois de son permis de conduire intervenue en dehors de son temps de travail ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, M. A est fondé à demander pour ce motif l’annulation de l’arrêt attaqué ; "

"Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la société Onyx Est au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Onyx Est et de l’Etat la somme de 1 500 euros chacun au titre des frais de même nature exposés par M. A ;"

Pour le Conseil d’Etat, il n’est donc pas possible de licencier un salarié recruté sur un emploi de chauffeur qui a commis, dans le cadre de sa vie privée dans la mesure où il ne s’agit pas pour l’intéressé d’un manquement à ses obligations contractuelles.

Ce faisant, les juges du Palais Royal viennent directement contredire la position de la chambre sociale de la Cour de cassation laquelle a estimé que :
« le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite d’un véhicule automobile de se voir retirer son permis de conduire pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ; » (Cas. Soc, 19/03/2008, n° 06-45212).

Ainsi, selon qu’il s’agit d’un salarié protégé dont le licenciement relève, au moins partiellement du juge administratif, ou d’un salarié sans fonction représentative, l’infraction de conduite sous l’empire d’un état alcoolique n’aura pas le même impact.

Jérôme MAUDET

Avocat au Barreau de Nantes

jmaudet chez publijuris.fr

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