Condition suspensive et prêt bancaire.

Par Jonathan Durand et Donato Sirignano, Avocats.

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Dans le cadre d’un achat immobilier, les bénéficiaires de la promesse de vente font généralement appel à l’emprunt bancaire pour régler le prix.
L’obtention d’un emprunt est généralement érigée en condition suspensive.

-

Autrement dit, le bénéficiaire de la promesse ne sera pas obligé d’acquérir l’immeuble ni tenu à payer une indemnité d’immobilisation à défaut de prêt bancaire obtenu sous certaines conditions.

Alors comment s’assurer que le refus de prêt ne donne pas lieu au paiement de l’indemnité d’immobilisation et fasse bien défaillir la condition suspensive ? Un dépôt de dossier auprès d’une ou plusieurs banque(s) hors délai génère-t-il la conservation par le promettant de l’indemnité d’immobilisation ? Tous les acquéreurs sont ils logés à la même enseigne ? Quels conseils donner aux parties à la vente immobilière s’agissant de la condition suspensive relative au prêt bancaire ?

Cet article aborde les questions posées plus haut en y apportant une première réponse, laquelle doit bien évidemment être confirmée par une analyse particulière adaptée à son dossier.

Condition suspensive - La réalisation ou défaillance de la condition aura notamment un impact sur (i) les effets de la vente et (ii) sur le sort de l’indemnité d’immobilisation

- Article sur les conditions suspensives [1]

- Guide pratique sur l’achat immobilier [2]
Acheteur consommateur - Pour connaitre le régime applicable à la condition suspensive d’obtention d’un prêt bancaire, il convient d’identifier précisément le ou les acquéreurs (acheteur en nom propre, professionnel de l’immobilier, SCI, etc.) : sont-ils considérés comme des consommateurs ? La réponse à cette question déterminera le régime applicable [3]

- Article L313-41 du Code de la consommation : « Lorsque l’acte mentionné à l’article L313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l’aide d’un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts qui en assument le financement. (…) Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n’est pas réalisée, toute somme versée d’avance par l’acquéreur à l’autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit »
Formalisme de la demande de prêt - Le consommateur doit absolument respecter les termes de la condition suspensive stipulée (nombre de demandes formulées auprès des établissements de crédit, montant maximum, taux d’intérêt, information du refus ou de l’acceptation, etc.)
Délais - Article L313-41 du Code de la consommation : « (…) La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l’acte ou, s’il s’agit d’un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l’enregistrement, à compter de la date de l’enregistrement (…) »
Défaillance de la condition suspensive - « Il incombe au créancier d’une obligation sous condition suspensive de prouver que le débiteur a empêché la réalisation de celle ci. Cependant, en cas de vente d’immeuble, il appartient à l’acquéreur, obligé de recourir à un financement, de démontrer qu’il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente » [4]

- Le juge va donc vérifier que la demande de prêt était bien conforme aux caractéristiques prévues par la convention

- « Il appartient au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire d’une promesse de vente sous condition suspensive d’obtention d’un prêt, qui démontre avoir présenté au moins une offre de prêt conforme aux caractéristiques stipulées à la promesse, a empêché l’accomplissement de la condition » [5]

- Par ailleurs, le bénéficiaire de la promesse peut prouver que même sans faute de sa part, le prêt n’aurait pas été accordé (Cour de cassation, Troisième chambre civile, arrêt du 15 septembre 2016, n° 14-29.438, demande de prêt déposée hors délais prévus par la promesse :« En relevant que les demandes de prêt présentées, hors délai contractuel, à deux établissements bancaires, dont l’une pour un montant inférieur à celui contractuellement fixé, avaient été refusées, malgré la garantie supplémentaire apportée par son concubin qui se portait coemprunteur, et en retenant souverainement que, même si l’acquéreur avait formulé, dans les délais impartis, des demandes de financement pour le montant prévu au contrat, celles-ci auraient également été refusées, la cour d’appel a pu en déduire que c’était sans faute de sa part que la condition suspensive avait défailli »)
Conseils - Si plusieurs prêts doivent être accordés (financement de l’immeuble et des travaux), il faut le préciser à l’acte

- Définir les termes employés (offre de prêt par exemple), préciser le formalisme de transmission de l’offre au promettant

- Prévoir un délai suffisamment long notamment en période de vacances (exemple : juillet/août) où le délai d’obtention d’un prêt y est généralement important

- Dans l’hypothèse où les parties ont conscience que le délai ne sera pas tenu, elles peuvent proroger le proroger avant l’expiration de celui-ci

- Côté vendeur, il convient d’insérer une clause obligeant l’acquéreur à informer le vendeur du refus de prêt

- Se pré-constituer la preuve de ce que la demande de prêt conforme est conforme aux conditions de la promesse (ou demander l’attestation de dépôt ou un refus comportant les caractéristiques de la demande)

- Vérifier que la clause est régulière (exemple : non conforme aux dispositions de l’article L341-41 du Code de la consommation par exemple)

Jonathan Durand
Avocat au Barreau de Paris
contact chez jonathandurandavocat.com

Donato Sirignano,
Avocat aux Barreaux de Paris et de Benevento (Italie)

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Notes de l'article:

[3Application ou non de l’article L313-41 du Code de la consommation.

[4Cour d’appel de Rennes - ch. 01, 29 mars 2022 / n° 19/07783.

[5Cour de cassation, Troisième chambre civile, arrêt du 26 mai 2010, n° 09-15.317.

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