Rupture du contrat de travail de l’assistante maternelle : le cas du retrait de l’enfant.

Par Arthur Tourtet, Avocat.

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Explorer : # rupture de contrat # formalités # motif légitime # indemnités

Vous souhaitez vous séparer de votre assistante maternelle et le licenciement vous fait peur ? Pas de panique.
Le fait de retirer votre enfant de votre assistante maternelle entraîne la rupture du contrat de travail qui vous liait avec cette dernière. C’est un mode de rupture du contrat spécialement prévu à l’article L423-24 du Code l’action sociale et des familles.
Ce mode de rupture, dérogatoire du droit commun du licenciement, ne s’applique que pour les assistantes maternelles embauchées à durée indéterminée par des particuliers employeurs. Toutefois, malgré ses apparences de simplicité, ce mode de rupture comporte quelques pièges pouvant conduire de nombreux parents devant le Conseil de prud’hommes.

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Faut-il respecter un formalisme particulier ?

Vous n’avez pas à organiser un entretien préalable comme dans un licenciement classique.

Vous devez juste envoyer une lettre recommandée informant votre assistante maternelle de votre décision de lui retirer votre enfant [1].

Dans cette lettre, vous n’avez pas à préciser les motifs de votre décision [2].

Ce formalisme très allégé s’applique même lorsque le motif de retrait de l’enfant trouve son origine dans un comportement fautif de l’assistante maternelle [3].

En revanche, vous ne pouvez pas vous dispenser d’envoyer cette lettre recommandée. Outre que la loi vous y oblige, informer votre assistante maternelle qu’elle ne s’occupera plus de votre enfant relève de la politesse la plus élémentaire.

De surcroît, si vous n’envoyez pas cette lettre, vous pouvez être condamné au paiement d’une indemnité pour non-respect de cette formalité [4].

Ces dommages et intérêts peuvent être élevés. Tant que le contrat n’est pas officiellement rompu, l’assistante maternelle peut se retrouver privée d’une source de revenus qu’elle ne peut combler par la garde d’un autre enfant si ses capacités d’accueil sont déjà atteintes. Elle prendrait le risque de perdre son agrément [5].

Faut-il un motif légitime ?

Ce n’est pas parce que vous n’avez pas à justifier d’un motif légitime de ne plus confier l’enfant à votre assistante maternelle que vous pouvez rompre le contrat de travail pour n’importe quelle raison.

Votre décision de retirer votre enfant ne doit pas être abusive ou avoir pour origine un motif illicite [6].

Dans le cas contraire, l’assistante maternelle peut prétendre à des dommages et intérêts en fonction du préjudice subi [7].

Vous devez toujours être en état de démontrer l’existence d’un motif légitime de rompre le contrat de travail en cas de contentieux.

Pour illustration, est parfaitement légitime le retrait de l’enfant pour les motifs suivants :
- Obtention d’une place en crèche [8] ;
- Recours aux services d’une autre assistante maternelle dont le domicile est plus proche de l’école maternelle de l’enfant [9] ;
- Fracture de l’enfant causée au domicile de l’assistante maternelle [10] ;
- Soupçons légitime d’abus sexuels [11] ;
- Désaccord sur les soins à apporter à l’enfant et perte de confiance pour dépassement de la capacité d’accueil de l’assistante maternelle, surtout si cette dernière a été rappelée à l’ordre par le Conseil départemental [12] ;
- Déménagement des parents [13] ;
- Difficultés financières [14].

En revanche, est abusif un retrait de l’enfant suite à un courrier de l’assistante maternelle réclamant le paiement de ses salaires. [15].

Il ressort également d’une décision que le fait de remettre en cause les aptitudes professionnelles de l’assistante maternelle, en des termes excessifs et avec une intention de nuire, pourrait s’analyser en une mesure vexatoire pouvant justifier l’attribution de dommages et intérêts [16].

De plus, l’assistante maternelle reste une salariée bénéficiant du régime protecteur des femmes enceintes ou du régime de lutte contre les discriminations et les harcèlements.

Les articles L1225-1 et L1225-4 du Code du travail s’appliquent pleinement même si vous êtes un particulier employeur [17].

Si votre assistante maternelle est enceinte, le retrait de votre enfant doit être justifié par une faute grave ou une impossibilité de poursuivre le contrat de travail. Ces deux motifs doivent évidemment être étrangers à l’état de grossesse ou à l’accouchement. La rupture du contrat ne peut intervenir durant les périodes qui correspondent au congé-maternité.

Un couple en a fait la mauvaise expérience en ayant été condamné à payer à leur assistante maternelle une somme de plus de 10 000 euros suite au retrait de leur enfant peu après l’annonce de la grossesse de la salariée. Les parents employeurs n’ont pas été en mesure de justifier d’une raison pouvant exclure toute discrimination [18].

L’assistante maternelle peut-elle prétendre à un préavis et à des indemnités ?

Selon l’article L423-25 du Code de l’action sociale et des familles, l’assistante maternelle qui justifie auprès du même employeur d’une ancienneté d’au moins trois mois a droit, en cas de rupture du contrat de travail par son employeur, à un préavis de quinze jours avant le retrait de l’enfant qui lui était confié

La durée du préavis est portée à un mois lorsque l’enfant est accueilli depuis un an.

Le préavis court à compter de la présentation de la lettre recommandée informant l’assistante maternelle du retrait de l’enfant.

Ce n’est qu’à compter de l’expiration du préavis que l’enfant n’a plus à être accueilli par son assistante maternelle, le retrait de l’enfant étant de nature à rompre le contrat de travail.

La partie qui ne respecte pas le préavis devra verser à l’autre une indemnité égale à la rémunération qui aurait été versée si le préavis avait été exécuté.

Les parents doivent ensuite s’acquitter du paiement de l’indemnité conventionnelle de rupture si la salariée totalise au moins un an d’ancienneté. Cette indemnité sera égale à 1/120 du total des salaires nets perçus pendant la durée du contrat.

Si des congés payés sont dus et n’ont pas été pris, l’assistante maternelle est encore en droit de percevoir une indemnité compensatrice de congés payés.

Le préavis n’est pas dû, ainsi que l’indemnité de rupture, en cas de faute grave de l’assistante maternelle.

La faute grave est un manquement aux obligations de l’assistante maternelle empêchant la poursuite du contrat même pendant le préavis. L’intérêt de l’enfant veut qu’il ne doit pas passer une minute de plus auprès de l’assistante maternelle défaillante.

L’assistante maternelle a une obligation de surveillance constante de l’enfant qui lui est confié [19].

Le manque de surveillance est constitutif d’une faute grave. De plus, l’assistante doit assurer elle-même la garde des enfants qui lui sont confiés et ne peut les laisser sous la responsabilité d’une tierce personne ni choisie par les parents ni titulaire d’un agrément [20].

Ne pas prévenir les parents que l’enfant est malade et ne pas appeler un médecin est encore une faute grave [21].

Toutefois, si les parents continuent de confier l’enfant à l’assistante maternelle malgré une faute grave (en l’espèce, l’enfant s’était gravement brûlé et l’assistante n’avait prévenu personne), ils ne peuvent plus se prévaloir de celle-ci [22].

Quels documents dois-je donner à mon assistante maternelle ?

Dès l’expiration du contrat de travail, vous devrez transmettre à votre assistante maternelle son dernier bulletin de paie, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle Emploi. Même si ces documents sont quérables, il est toujours conseillé de les envoyer par lettre recommandée.

Ne prenez pas du retard pour établir les documents de fin de contrat, en particulier concernant l’attestation Pôle Emploi. Tout retard serait susceptible d’entraîner un préjudice qui pourrait justifier une demande de dommages et intérêts à votre encontre.

Arthur Tourtet
Avocat au Barreau du Val d\’Oise

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Notes de l'article:

[1CA Dijon, 05 oct. 2017, n°15/00732.

[2Cass soc. 2 juill. 2002 n°0040394 et CA Poitiers, 06 mars 2019, n°17/03291.

[3CA Aix-en-Provence, 15 juin 2017, n°15/11867.

[4Cass. soc., 10 avril 2013, n°11-28.777.

[5CA Orléans, 25 mai 2021, n°18/02872.

[6CA Poitiers, 17 juin 2021, n°19/03549.

[7CA Poitiers, 3 janv. 2018, n°16/01251.

[8CA Paris 16 nov. 2016, n°13/11894.

[9CA Besançon, 13 janv. 2012, n°11/00471.

[10CA Agen, 02, mai 2017, n°16/00279.

[11CA Metz, 07 juill. 2015, n°14/00782.

[12CA Poitiers, 03 sept. 2014, n°13/03002.

[13CA Paris,17 mars 2021, n°18/13529.

[14CA Dijon, 30 janv. 2020, n°17/01037.

[15CA Paris 23 oct. 2014, n°14/02704.

[16CA Riom, 15 mars 2016, n°14/00608.

[17CA Amiens, 15 sept. 2020, n° 18/01349.

[18CA Toulouse, 05 fév. 2021, n° 18/02164.

[19Cass. 1re civ., 25 févr. 2010, n° 09-12.609.

[20CA Rennes, 01 déc. 2014, n° 13/01960 et CA Rouen, 27 juin 2017, n°15/03783.

[21CA Lyon, 07 oct. 2011, n° 11/01071.

[22CA Poitiers, 29 nov. 2017, n° 16/00855.

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