La clause de destination du bail commercial : la négociation d’une clause de destination est un enjeu stratégique !

Par Arnaud Boix, Avocat.

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Explorer : # clause de destination # bail commercial # négociation contractuelle # déspécialisation

La clause de destination du bail commercial est à penser, à négocier et à rédiger avec le plus grand soin par le bailleur et le preneur compte tenu de sa rigueur d’application et des risques liés dans son application ?

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I. Une grande rigueur dans son application

Le statut des baux commerciaux lorsqu’il est applicable au contrat de louage est gouverné par des dispositions d’ordre public (c’est-à-dire impératives) découlant directement de ce statut (droit au renouvellement, durée du bail, révision triennale, catégories de charges, impôts et taxes…), mais encore par d’autres textes aux dispositions également impératives (art L 112-1 du Code Monétaire et Financier sur le choix de l’indice d’indexation, les articles L 1112-1 et 1104 du Code civ sur le devoir d’information, de bonne foi, la transformation de débits de boissons art L 3331-6 du Code de la santé publique).

La clause de destination du bail qui encadre les activités autorisée s’inscrit dans le domaine de la liberté contractuelle permettant aux parties à un bail commercial d’aménager ou d’écarter les règles supplétives du statut des baux commerciaux ou de celles du Code civil régissant certains aspects du bail commercial non régis par les règles du statut des baux commerciaux.

Mais quelle est la portée de cette clause en termes de droits et obligations pour vous en votre qualité de preneur ?

La règle de principe est la suivante : l’art 1721 du Code civil, qui s’applique à l’ensemble des contrats de louage, impose au preneur d’user de la chose louée suivant la destination donnée par le bail.

Une jurisprudence constante énonce que le preneur ne peut exercer dans les lieux loués que l’activité prévue au bail (Cass. ass. plén. 3 mai 1956 : JCP G 1956.II.9345).

C’est-à-dire que le preneur est tenu de respecter la destination des lieux loués telle qu’elle est prévue à la clause de destination du bail.

Il lui est en conséquence interdit d’exercer une autre activité que celles désignées à la clause de destination du bail sans l’accord préalable du bailleur et à condition que les règles d’urbanisme public ou privé applicables à l’immeuble ou au local dans lequel est exercée l’activité par le preneur autorisent l’exercice de la nouvelle activité envisagée.

Il est important de souligner que la destination du bail en termes d’activités est déterminée exclusivement en fonction des stipulations contractuelles d’où l’extrême importance liée à la rédaction de cette clause puisque toute discordance entre l’usage réelle des locaux et la destination du bail est appréciée en fonction de la rédaction de la clause du bail arrêtant sa destination (ou son « affectation contractuelle ») en termes d’activités.

Un changement d’activités s’apprécie en fonction de la destination que les parties ont entendu donner à la location lors de la conclusion du bail et non par rapport à l’usage qu’en fait le locataire.
Cette clause est d’autant plus importante que la clause de destination du bail stipulée aux termes du bail concerné l’emporte même sur la définition de l’activité retenue par la réglementation professionnelle applicable à l’activité du preneur.

La destination des locaux portée dans le bail doit être ni imprécise, ni silencieuse et la détermination ou l’affectation contractuelle des locaux ne doit pas appeler la moindre d’interprétation ou recherche de la commune intention des parties.

Rappelez-vous qu’un changement d’activités s’apprécie en fonction de la destination que les parties ont entendu donner à la location lors de la conclusion du bail et non par rapport à l’usage qu’en fait le locataire.

II. Les conséquences de son application

La clause de destination du bail stipule les activités concédées par le bailleur en sa qualité de preneur.

En cas de clause de destination du bail multiple (plusieurs activités) cela ne signifie pas que vous ayez l’obligation d’exercer toutes les activités visées dans cette clause à la destination multiple (Sauf autre clause du bail spécifique).

Étant multiple, le preneur a d’autant plus la faculté en conséquence de les exercer toutes simultanément ou seulement celles de son choix.

La clause de destination du bail constitue donc une autorisation conventionnelle concédée par le bailleur au preneur d’exercer les activités qui y sont visées, mais seulement les activités qui y sont visées (cf Art 1721 du Code Civil rappelée ci avant) : c’est la limite légale à la faculté qui est contractuellement concédée par le bailleur au preneur.

Cette faculté est d’ailleurs reprise bien souvent dans les termes du bail ce qui rappelle que la clause de destination du bail qui lie les parties constitue bien conformément à la volonté des deux parties au bail une autorisation d’exercer les activités qui y sont limitativement visées mais non une obligation de devoir les exercer toutes.

Toute modification d’activité envisagée par le preneur nécessite l’accord préalable du bailleur dans le cadre de la procédure de déspécialisation qui est d’ordre public.

En réduisant une activité de type « CHR » à la destination des seuls clients de l’hôtel, il n’y a par exemple pas de modification de la destination des lieux puisque les activités principales faisant l’affectation contractuelle du bail aux termes de la clause de destination demeurent toujours exercées par nature en tant que telle.

A l’inverse, la modification de la destination des lieux s’entendant d’un changement par nature d’exercice de l’activité principale stipulée dans la clause de destination du bail, elle nécessite, selon son importance, soit l’ouverture d’une procédure de déspécialisation partielle (adjonction d’activités accessoires ou connexes aux activités principales visées dans la clause de destination du bail c’est-à-dire qui ont un rapport étroit avec elle ou nécessaires à un meilleur exercice de l’activité principale), disposition d’ordre public, soit une déspécialisation plénière, en cas de transformation totale du fonds de commerce exploité.
Lorsqu’une activité non autorisée au bail a été exercée, le preneur ne peut pas régulariser l’extension irrégulière en introduisant une demande de déspécialisation (Cass. civ. 9-1-1985 : Loyers 1985 n° 222).

La jurisprudence est constante en rappelant que l’accord du bailleur est nécessaire à toute modification de la destination des locaux loués à bail commercial et que cet accord ne peut être équivoque, il ne peut se déduire d’une attitude purement passive ou d’une simple tolérance de l’usage fait de la chose louée par le locataire (Cass. ass. plén. 3 mars 1956 : GP 1956.1.394).
Ce changement doit être formalisé entre les parties. Il peut avoir des conséquences sur la révision ou le niveau du loyer du bail renouvelé, sans parler de la valorisation du fonds de commerce et de l’indemnité d’éviction !
L’exercice d’une activité irrégulière par le preneur donne lieu à différentes sanctions. Elle peut ainsi donner lieu à un déplafonnement du loyer en cas d’acceptation par le bailleur du renouvellement du bail.
Elle peut entrainer la résiliation judiciaire du bail dont l’appréciation est laissée aux pouvoirs souverains des juges !

La clause de résiliation de plein droit lorsqu’elle est stipulée au bail peut également s’appliquer si la clause sanctionne une telle infraction sous réserve de la suspension de la résiliation accordée par le juge.
La destination irrégulière peut également entrainer le refus de renouvellement du bail par le bailleur et ce sans indemnité d’éviction en fin de bail qui peut se voir allouer des dommages-intérêts s’il a subi un préjudice, conformément au droit commun.
La négociation d’une clause de destination est un enjeu stratégique !

Arnaud Boix, Avocat
Cabinet Eloquence
Avocats Associés
www.eloquence-avocats.com

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