Classement sans suite d’une plainte : les recours du plaignant.

Par Avi Bitton, Avocat et Anne-Claire Lagarde, Juriste.

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En cas de classement sans suite d’une plainte pénale, le plaignant dispose de plusieurs recours :
- recours hiérarchique auprès du Procureur général ;
- plainte avec constitution de partie civile ;
- citation directe devant le tribunal correctionnel.

-

« Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner » (article 40 du Code de procédure pénale).

Le Procureur dispose du pouvoir de poursuivre les faits dénoncés, ou de classer la plainte sans suite :

« Lorsqu’il estime que les faits qui ont été portés à sa connaissance en application des dispositions de l’article 40 constituent une infraction commise par une personne dont l’identité et le domicile sont connus et pour laquelle aucune disposition légale ne fait obstacle à la mise en mouvement de l’action publique, le procureur de la République territorialement compétent décide s’il est opportun :

1° Soit d’engager des poursuites ;

2° Soit de mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites (…) ;

3° Soit de classer sans suite la procédure dès lors que les circonstances particulières liées à la commission des faits le justifient. »

En cas de classement sans suite, le plaignant dispose alors de trois recours :

- Un recours hiérarchique devant le Procureur général ;
- Un dépôt de plainte avec constitution de partie civile ;
- Une citation directe.

A. Le recours hiérarchique devant le Procureur général.

En vertu de l’article 40-3 du Code de procédure pénale, « Toute personne ayant dénoncé des faits au procureur de la République peut former un recours auprès du procureur général contre la décision de classement sans suite prise à la suite de cette dénonciation. »

Le procureur général est un magistrat du parquet près une Cour d’appel, qui a autorité sur les procureurs de la République.

Le recours hiérarchique contre la décision de classement sans suite est introduit par un écrit adressé au parquet général compétent.

Le procureur général peut alors enjoindre aux procureurs de la République, par instructions écrite, d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions écrites que le procureur général juge opportunes.

Autrement dit, le procureur général pourra demander au procureur de la République de poursuivre l’enquête s’il l’estime opportun, ou bien, il pourra enjoindre le procureur de la République d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente.

Si le procureur général estime le recours hiérarchique infondé, il en informera le plaignant.

B. La plainte avec constitution de partie civile.

1. Principe.

En vertu de l’article 85 du Code de procédure pénale, « Toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d’instruction ».

Lorsque le procureur de la République décide de classer une plainte sans suite, il doit informer le plaignant de la possibilité de désigner un avocat en vue de se constituer partie civile par une demande adressée au Bâtonnier.

Sauf s’il s’agit d’un crime ou d’un délit prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (diffamation, injures, …), la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable que si une première plainte a déjà été déposée dans un commissariat de police ou une brigade de gendarmerie, et que :
- Le procureur de la République a informé le plaignant du classement sans suite de sa plainte, ou ;
- Il s’est écoulé un délai de 3 mois depuis le dépôt de plainte simple.

2. Procédure.

La plainte avec constitution de partie civile doit être adressée au doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire compétent. Elle prendra la forme d’un courrier reprenant l’ensemble des faits, et auquel sera joint un récépissé de la plainte précédemment déposée, ou bien l’avis de classement sans suite.

Après réception de la plainte, le juge d’instruction ordonne sa communication au procureur de la République, afin que celui-ci prenne ses réquisitions. Le procureur de la République peut alors demander un délai supplémentaire de 3 mois avant de prendre ses réquisitions afin de poursuivre des investigations.

Plusieurs possibilités s’ouvrent au procureur de la République dans le choix de ses réquisitions.

Il peut tout d’abord saisir le juge d’instruction de réquisitions de non informer (non-ouverture d’une information judiciaire) si les faits ne peuvent légalement comporter une poursuite ou si, à supposer ces faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale.

Le procureur de la République peut également prendre des réquisitions de non-lieu dans le cas où il est établi de façon manifeste, au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite du dépôt de la plainte, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis.

Enfin, le procureur de la République, celui-ci peut requérir du juge d’instruction de rendre une ordonnance de refus d’informer, tout en invitant la partie civile à engager des poursuites par voie de citation directe.

En tout état de cause, la juridiction d’instruction régulièrement saisie d’une plainte avec constitution de partie civile n’est pas tenue des réquisitions du procureur de la République. Elle a le devoir d’instruire, quelles que soient les réquisitions du Ministère public. Cette obligation ne cesse que si, pour des causes affectant l’action publique elle-même, les faits ne peuvent comporter légalement une poursuite ou si, à supposer les faits démontrés, ils ne peuvent admettre aucune qualification pénale (Crim., 16 nov. 1999 ; 4 janv. 2005).

Par conséquent, le juge d’instruction est tenu de vérifier la réalité des faits dénoncés et leur qualification pénale éventuelle (Crim., 11 janv. 2001), et ce même si les faits visés dans la plainte sont mal qualifiés pénalement (Crim., 26 sept. 2001).

La juridiction d’instruction, saisie de réquisitions de non-lieu du procureur de la République, ne peut prononcer non-lieu à informer que s’il est établi de façon manifeste, au vu des investigations qui ont pu être réalisées à la suite de la plainte préalablement déposée devant le procureur de la République, que les faits dénoncés par la partie civile n’ont pas été commis (Crim., 6 oct. 2009).

Le juge d’instruction peut décider d’entendre le plaignant, d’office, ou sur réquisition du procureur de la République.

In fine, le juge d’instruction décidera :
- De rendre une ordonnance de refus d’informer qui sera susceptible d’appel devant la chambre de l’instruction ;
- D’ouvrir une information judiciaire.

Si le juge d’instruction décide de ne pas suivre les réquisitions du procureur de la République, il doit rédiger une ordonnance motivée.

3. La citation directe.

Lorsqu’une plainte a été classée sans suite, la citation directe permet à un plaignant de citer directement l’auteur présumé des faits devant un tribunal correctionnel ou un tribunal de police.

Dans cette hypothèse, aucun juge d’instruction ne sera saisi et l’affaire sera jugée en l’état. C’est la raison pour laquelle la citation directe est réservée aux contraventions ou aux délits.

La citation directe sera délivrée par un huissier de justice à la partie adverse.

La citation directe a pour conséquence de citer l’auteur supposé des faits devant un tribunal correctionnel afin qu’il soit jugé. La présence du plaignant à l’audience est fortement recommandée ; il sera interrogé par le juge dans le cadre de l’instruction du dossier, tout comme le prévenu s’il se présente.

Le Tribunal correctionnel rendra alors un jugement, de condamnation ou de relaxe, éventuellement assorti d’une condamnation à verser des indemnités à la victime.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 25 février à 23:24
    par KAN , Le 9 avril 2024 à 17:58

    Bonjour

    A qui doit on adresser un courrier lorsqu’ un bâtonnier ne prend pas en compte une plainte avec toutes les preuves en sa possession de la denonciation d’une tentative d’escroquerie d’un avocat à son client détenteur d’une aide juridictionnelle Totale je vous prie ?

    • par charloteaux.brigitte@neuf.fr , Le 25 février à 23:24

      Bonjour Maitre. Puis je demander une copie de la procédure pour connaître l avis de classement à victime en faisant un recours hiérarchique en matière de procédure pénale. Puis je faire une citation directe auprès des présumés auteurs ?
      Je vois remercie beaucoup pour vos agréables conseils .
      Recevez Maiitre mes plus profonds remerciements et respects
      Mme Brigitte Charloteaux

  • par CALASCIBETTA , Le 23 février à 16:42

    Maître,

    Je viens vers vous afin de savoir si un dossier de Vol avec Violences et escroquerie classé en non lieu de 1998 peut-être réouvert ?
    J’avais reconnu 2 hommes sur 4 qui m’avait braqué !
    Cordialement,

  • par TINARD Yann , Le 11 juin 2024 à 14:29

    Bonjour

    Suite au classement sans suite d’une plainte déposée pour homicide involontaire contre x, x étant en l’occurrence l’institution militaire, quel recours vous semble le plus pertinent ?
    Est-ce le recours hiérarchique ou bien le dépôt de plainte avait constitution de partie civile ?

    Merci pour votre aide

    Bien a vous

  • Quel est le coût pour se porter partie civile ? faut il prendre obligatoirement un avocat ?
    après requete auprès du procureur général suite à une plainte classée sans suite, l’enquête a été réouverte. S’il y a de nouveau un classement sans suite par le procureur général, quel est le dernier recours ?
    merci

    • par Avi Bitton , Le 16 mars 2023 à 12:26

      Bonjour,
      Je vous confirme que notre cabinet d’avocats assiste depuis 20 ans des victimes dans leurs constitutions de partie civile.
      Je vous invite à appeler notre cabinet pour que nous puissions vous répondre à vos questions : 01 46 47 68 42.
      Bien à vous,
      Cabinet d’Avocats Avi Bitton
      www.avibitton.com

  • Il serait intéressant de préciser les délai et mode de recours, suite à un classement sans suite. Du premier, sauf erreur, les textes ne disent mot si ce n’est qu’il convient de tenir compte des prescriptions civile et pénale afin de ne pas être forclos. Aussi, le recours peut-être effectué par lettre simple ou L.RA.R. à titre de précaution, notamment de preuve, par le plaignant, son représentant légal ou un conseil au barreau qu’il choisira. Aussi faut-il penser au parquet à demander, en même temps - toujours en lettre simple ou L.R.A.R. - ou par la suite, la copie du dossier, faute de quoi il est difficile d’ester correctement à titre reconventionnel, par manque des éléments complets du dossier ; si le parquet ne le fournit pas, de facto ou le refusant, il peut être demandé par courrier simple au parquet général (procureur général) près la cour d’appel compétente.

    Une plainte auprès du doyen des juges d’instruction requiert une exposition des faits soigneuse, coûte cher compte tenu de la consignation y afférente à verser au greffe du tribunal judiciaire, est longue et incertaine à aboutir - des années en général, avec de possibles actes intermédiaires, telle qu’une expertise, à régler entre-temps.

    S’il est inadmissible et fort préjudiciable de souffrir les plaignants-délateurs et menteurs, notamment les plaignants dits "d’habitude" dans les couloirs des palais de justice, qui causent des torts considérables, il n’en demeure pas moins que des plaintes sont justifiées. Précisons tout de même que sans élément nouveau, il n’y a en réalité pratiquement jamais de décision de poursuites à rebours d’un classement sans suite ; pour ma part, c’est en mettant l’accent, auprès du procureur général, sur une injure antisémite, que j’ai obtenu des poursuites de l’auteur, qui avait reconnu les faits. Néanmoins, il se peut aussi qu’une action reconventionnelle vise un plaignant, qui aurait agi avec légèreté, conscience et volonté de nuire.

    Quant à la citation directe, qui correspond à un procès pénal correctionnel à l’encontre de la ou des parties visées dans la plainte d’origine, elle est si rare que nous ne voyons pas de brève en évoquant les résultats ; tout juste peut-on entendre que le parquet n’apprécie guère que l’on passe ainsi au-dessus de l’action publique. Il serait pertinent et judicieux, édifiant, de mentionner des délibérés en rapport. Sans oublier que cette procédure a un coût, peut donner lieu à un appel, un pourvoi en cassation ; plus simplement, si elle fait chou blanc d’emblée, le tiers cité et relaxé peut, là aussi, se retourner, immédiatement, contre son initiateur...

    Aussi, une suite civile, procès ou la peu connue médiation peut, selon l’appréciation des faits, être envisagée par le plaignant.

    Mais encore faut-il avoir conscience des tenants et aboutissants d’une procédure, qui ne sont pas anodins et sans conséquences.

    • par bergereti , Le 4 mars 2021 à 09:24

      Bonjour, les moyens que vous invoquez sont- ils les mêmes dans le cas d’ une plainte contre le administration publique ?
      Ou bien dans ce cas, les démarches sont -elles différentes ? Je vous remercie.

    • par Ness , Le 23 avril 2021 à 13:10

      Bonjour,
      Mais qu’en est-il quand on dépose une plainte au commissariat, que la plainte n’arrive chez le procureur que parce que j’ai envoyé mon récépissé de plainte et au final, je reçois un classement sans suite sauf que la nomination de ma plainte n’est plus la même et que la plainte est contre x alors que je cite les personnes mises en cause dans la plainte, de plus j’ai envoyé des lettres recommandées au procureur afin de lui expliquer mon affaire et l’alerter que le commissariat était impliqué ?

    • par Aud , Le 24 janvier 2022 à 13:21

      bonjour,

      il est complexe de répondre sans avoir tous les éléments sous les yeux. Je vous invite par conséquent à vous rapprocher de l’association d’aide aux victimes de votre département (consultations juridique gratuites et confidentielles).

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