Selon l’article L6321-1 du Code de la santé publique, la chirurgie esthétique concerne « des actes chirurgicaux tendant à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice ». Un certain nombre de patients sont confrontés à des opérations ratées dans le domaine de la chirurgie esthétique.
Quelles sont obligations du chirurgien esthétique ?
La loi et la jurisprudence estiment qu’il existe une obligation renforcée concernant aussi bien les conditions d’exercice que la technique médicale ou l’obligation d’information
Le chirurgien esthétique est débiteur d’une obligation de moyen dans l’exercice des actes chirurgicaux. Il doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires et dont il a connaissance, répondant aux règles de l’art afin de donner des soins consciencieux et diligent. Par conséquent, il n’est pas automatiquement responsable si le résultat souhaité par le patient n’est pas atteint [1]. L’existence d’une faute doit être rapportée afin d’engager la responsabilité du praticien.
Toutefois, la jurisprudence se montre sévère avec les professionnels puisque de nombreuses condamnations interviennent avant l’intervention, au moment du diagnostic par exemple, mais aussi pendant ou après, notamment en cas de défaut de suivi. Ainsi, la cour d’appel nîmoise a ainsi sanctionné un mauvais geste technique :
« Attendu qu’il résulte du rapport d’expertise du professeur E que l’intervention de blépharoplastie pratiquée sous anesthésie locale au cabinet du praticien et non dans un bloc opératoire s’est rapidement compliquée d’un ectropion bilatéral prédominant à droite ; que les conditions de réalisation de cet acte n’étaient pas satisfaisantes et que la technique utilisée n’était pas adaptée ; que la prise en charge post-opératoire a été très sommaire ; qu’à cet égard la circonstance que Mme C n’ait pas suivi toutes les séances de massages prescrites, qui étaient sans effet selon elle, n’a pas d’incidence caractérisée sur les complications survenues ; qu’il résulte du rapport d’expertise de façon claire que la responsabilité du docteur A est engagée concernant les complications survenues à la suite de la blépharoplastie qui a entraîné des séquelles post opératoires immédiates à type d’ectropion, ce qui a nécessité une intervention secondaire, dont le résultat final est satisfaisant ; » [2].
En pratique, la victime devra demander à ce qu’une expertise soit effectuée afin de déterminer si le chirurgien a commis une faute ou non.
L’article L6322-2 du Code de la santé publique énonce différentes obligations à la charge du chirurgien qui doit informer son patient sur :
les conditions de l’intervention,
les risques encourus,
les conséquences des complications éventuelles,
le devis détaillé de l’intervention.
L’article L111-2 du Code de la santé publique précise que cette obligation d’information concerne les risques « fréquents ou graves, normalement prévisibles ».
La doctrine considère que les risques graves sont ceux de nature à avoir des conséquences mortelles, invalidantes, ou esthétiques graves compte tenu de leurs répercussions psychologiques ou sociales.
Le praticien doit remettre un devis détaillé au patient et lui laisser un délai de réflexion de 15 jours minimum. Ce délai de réflexion légal vise à éviter les opérations à la légère et doit permettre au patient de consulter d’autres spécialistes.
Aucune somme ni aucun acompte ne peuvent être versés pendant cette période [3].
Cette obligation d’information s’ajoute à l’obligation d’information de droit commun à laquelle sont tenus tous les médecins [4]. Il s’agit donc d’une obligation d’information renforcée qui implique que le professionnel informe son patient sur les risques graves de l’intervention mais également sur tous les inconvénients qui peuvent en résulter (cicatrices, etc.).
De plus, cette obligation ne s’arrête pas à l’intervention puisque l’article L1111-2 du Code de la santé publique prévoit que lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitement ou action de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée.
Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rappeler l’étendue de l’obligation d’information du professionnel notamment lorsque le patient dispose de connaissances médicales. Le Conseil maintient l’obligation renforcée même en présence d’un patient ayant des connaissances médicales :
« 3. Considérant que la circonstance qu’un patient détienne des connaissances médicales ne saurait dispenser le praticien de satisfaire à son obligation de l’informer, par un entretien individuel, de manière loyale, claire et appropriée, sur son état de santé et les soins qu’il lui propose, ainsi qu’il résulte des dispositions du code de la santé publique citées au point 2 ; qu’une telle circonstance est seulement susceptible d’influer sur la nature et les modalités de cette information ; que, par suite, en jugeant que, puisque Mme D...était, en sa qualité d’assistante médicale de Mme A..., réputée connaître toutes les caractéristiques de l’acte qu’elle lui avait demandé de pratiquer, cette circonstance dispensait cette dernière de toute obligation d’information préalable, la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins a entaché sa décision d’une erreur de droit ; qu’au surplus, s’agissant d’un acte à visée esthétique, l’obligation d’information était renforcée et devait porter sur les risques et inconvénients de toute nature susceptibles d’en résulter. » [5].
Enfin, cette obligation d’information renforcée implique également que le consentement du patient à l’acte de chirurgie soit formalisé.
Recours et droits des victimes ?
Avant toute chose et en cas d’opération ratée ou de résultat insatisfaisant, la victime doit réclamer la communication de son dossier médical et peut aller solliciter l’avis technique d’autres spécialistes.
Les éléments du dossier permettront à la victime de connaître le déroulement de l’opération, de la prise en charge, des produits et techniques utilisés.
Lorsqu’il n’est pas possible de négocier un accord amiable, une procédure contentieuse peut être engagée et il est possible d’obtenir réparation du préjudice subi devant les juridictions. La victime devra toutefois démontrer que le chirurgien a commis une faute ayant entraîné un préjudice (faute, préjudice, lien de causalité).
Le professionnel risque alors une sanction civile, pénale mais également disciplinaire.
Le dommage pouvant aussi être indépendant du chirurgien lui-même, en cas de défectuosité du matériel au sein d’une clinique par exemple, la responsabilité des autres acteurs en cause pourra être engagée afin d’obtenir la réparation intégrale de votre préjudice. C’est d’ailleurs ce qui a été jugé par la Cour d’appel de Paris [6] dans une affaire où une patiente a été brûlée au visage du fait de la défectuosité d’un appareil. Les juges ont reconnu la responsabilité de la clinique et de l’entreprise d’entretien qui était intervenue, la veille de l’intervention, sur l’appareil en question. De la même manière, le chirurgien esthétique peut être amené à utiliser des produits. Si le produit en question est défectueux, la responsabilité du fabricant du produit pourra également être engagée.
Le défaut ou l’insuffisance d’information du patient peut être invoqué pour mettre en jeu la responsabilité du chirurgien. La jurisprudence contrôle strictement cette obligation et il appartient au praticien de prouver qu’il a bien satisfait à son obligation d’information et de conseil. Notons que des sanctions pénales sont prévues en cas de non-respect du devoir d’information.
L’ordre des médecins peut également être saisi en cas de manquement déontologique.
En revanche, il n’est plus possible de passer par la voie amiable d’indemnisation via la solidarité nationale. En effet, depuis la loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la sécurité sociale pour 2014, l’article L1142-3-1 du Code de la santé publique exclut du bénéfice de la solidarité nationale les victimes d’actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice soit tous les actes de médecine ou de chirurgie esthétique. Les victimes d’accidents médicaux qualifiés d’aléa thérapeutique (c’est-à-dire lorsque la responsabilité du professionnel n’est pas engagée car il n’a pas commis de faute) causés par un acte de chirurgie esthétique ne pourront plus bénéficier d’une indemnisation, quelle que soit la gravité du préjudice subi.
Le délai de prescription est de 10 ans après la consolidation du dommage et une expertise sera nécessaire afin de démontrer l’existence ou non d’une faute commise par le chirurgien.