La Cour de cassation affine la notion de coopération commerciale fictive.

Par Philippe Julien, Avocat

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Explorer : # coopération commerciale fictive # disproportion manifeste # code de commerce # distribution

La Cour de cassation refuse d’invalider des contrats de coopération commerciale au seul prétexte que les opérations incriminées (des têtes de gondole) n’avaient pas généré de chiffre d’affaires supplémentaire pour les fournisseurs concernés. La faiblesse du chiffre d’affaires ne constitue pas une preuve suffisante de la disproportion entre l’avantage obtenu par le fournisseur et le service effectivement rendu par le distributeur.

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L’article L.442-6-2°-a du Code de commerce sanctionne le fait pour un commerçant d’obtenir ou de tenter d’obtenir de son partenaire commercial "un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu."

Innovation de la Loi dite NRE du 15 mai 2001, cette disposition a permis de sanctionner depuis une dizaine d’années ce qu’on appelle la coopération commerciale fictive, c’est à dire le fait pour un distributeur (principalement) de se faire rémunérer par ses fournisseurs pour des services inexistants ou artificiels (ex : droit d’accès au référencement).

Par un arrêt rendu le 27 avril 2011 (Cass. Com., 27.04.2011, pourvoi n°10-13690, Sté Carrefour France c/ Ministre de l’Economie), la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient d’apporter une précision importante en la matière.

En l’espèce, l’opération examinée devant les tribunaux consistait en une prestation de têtes de gondole, opération la plus emblématique de la "coopération commerciale", au regard de l’ancienneté de cette pratique et de son succès.

La Cour juge que "si la faiblesse du chiffre d’affaires réalisé par le distributeur sur le ou les produits concernés par une action de coopération commerciale pendant la période de référence au regard de l’avantage qui lui a été consenti ou l’absence de progression significative des ventes pendant cette période de référence peuvent constituer des éléments d’appréciation de l’éventuelle disproportion manifeste entre ces deux éléments, elles ne peuvent à elles seules constituer la preuve de cette disproportion manifeste, les distributeurs qui concluent des accords de coopération commerciale n’étant pas tenus à une obligation de résultat. "

En d’autres termes, si l’opération commerciale incriminée est un échec et génère peu de chiffre d’affaires pour le fournisseur, le distributeur ne doit pas être inquiété pour autant car il n’est pas tenu à une obligation de résultat.

La bonne question que doit se poser le distributeur, lorsqu’il met en place ce type d’accord, est donc de savoir s’il pourra justifier que les services qu’il rend présentent pour le fournisseur une valeur potentielle au moment où est conclu le contrat de coopération commerciale, et si la rémunération proposée est proportionnée à cette valeur attendue, peu important que l’opération soit in fine un succès ou un échec.

En l’espèce, les têtes de gondole constituent autant un outil de promotion des ventes qu’un outil de communication et de publicité, qui permet à une marque de s’extraire des linéaires pour mieux retenir l’attention du consommateur. L’augmentation directe de chiffre d’affaires n’est donc pas le seul objectif recherché.

L’intervention de la Cour de cassation est la bienvenue car la notion de "disproportion" de l’article L.442-6 du Code de commerce, est à l’évidence une question de fait qui relève de la discrétion, et parfois de l’arbitraire, des juges du fond. Le cadre fixé par la décision du 27 avril rassurera les acteurs économiques de la distribution en apportant un peu de sécurité juridique dans un secteur où il y en a malheureusement peu.

Il y a en tout cas peu de chances pour que la notion de "disproportion manifeste", soit remise en cause par le biais d’une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) car la Conseil Constitutionnel vient de valider, dans un domaine très proche et concernant le même article L.442-6, la notion de "déséquilibre significatif" dans la négociation commerciale.

L’article L.442-6 du Code de commerce n’a pas fini, cela dit, d’être assailli puisqu’une nouvelle QPC a été déposée pour tenter de remettre en cause cette fois-ci le droit d’action reconnu au Ministère de l’Économie (article L.442-6-III du Code de commerce), qui permet à la DGCCRF d’engager chaque année de nombreuses actions visant à remettre en cause des accords passés entre fournisseurs et distributeurs, et notamment des contrats de coopération commerciale fictive.

Philippe JULIEN
Avocat (PDGB)
philippe.julien chez pdgb.com

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