Caisses d'allocations familiales (CAF) : qui contrôle les contrôleurs ? Par David Bapceres, Clément Terrasson et Kris Moutoussamy, Avocats.

Caisses d’allocations familiales (CAF) : qui contrôle les contrôleurs ?

Par David Bapceres, Clément Terrasson et Kris Moutoussamy, Avocats.

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Explorer : # contrôle des caf # fraude sociale # droits des allocataires # procédures sociales

Depuis plusieurs années, les CAF ont engagé une vaste opération de communication contre la fraude sociale. Les articles de presse pullulent, les missions d’enquête s’enchaînent. L’Assemblée nationale, le Sénat, Cour des Comptes ont chacun rendu leur rapport dans la même semaine… La cible ? Les fraudeurs aux prestations !

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Le Directeur général de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), M. Vincent Mazauric, précédemment en poste au Ministère du Budget, ce qui n’est pas anodin, a annoncé vouloir créer des “brigades” de contrôleurs, sur le modèle des brigades de vérifications fiscales :

« Je veux créer aux quatre coins de la France des équipes d’une trentaine de contrôleurs hyperspécialisés et mobiles pour lutter contre la fraude organisée sur plusieurs départements, et contre les marchands de sommeil. On va créer deux équipes en 2021, on évaluera les résultats et si ça marche, on en créera d’autres ».

Si le contrôle est légitime, si le paiement à bon droit des allocataires doit être vérifié, encore faut-il qu’il s’accompagne, pour les usagers, de réelles garanties procédurales. Ce qui est loin d’être le cas. La proclamation d’un prétendu droit à l’erreur ne trompera personne. La recommandation du Défenseur des droits visant à « renforcer la formation des agents en charge du contrôle en insistant sur le cadre procédural contradictoire, les règles déontologiques afférentes à la fonction de contrôleur, leurs droits et devoirs et ceux des usagers » [1] reste plus que jamais d’actualité.

Dans son audition par l’Assemblée nationale le 23 juin 2020, M. Mazauric reconnaissait lui-même : « nous ne pratiquons pas assez largement le contradictoire », regrettant que

« l’indispensable dialogue avec l’allocataire » soit « renvoyé en aval de la procédure ».

Plus substantiellement, de la même façon qu’existe un Livre des procédures fiscales, encadrant de manière très stricte les contrôles fiscaux, nous demandons que soit enfin créé un Livre des procédures sociales. Car, à ce jour, si les agents des CAF sont tenus de respecter la Charte du contrôle sur place, celle-là n’a aucune valeur juridique. Alors que les Chartes prévues en faveur des contribuables et des cotisants ont acquis une valeur réglementaire, la Charte des allocataires reste sans portée juridique. De manière constante, les magistrats jugent que, en cas de contentieux, les allocataires ne peuvent pas s’en prévaloir, y compris lorsqu’elle est manifestement bafouée par les contrôleurs des CAF.

Alors que les contrôles des CAF sont de plus en plus intrusifs et attentatoires à la vie privée, les allocataires exigent que leurs garanties soient renforcées. Sur ce sujet, le Directeur général de la CNAF se montre très discret, tout comme sur celui de l’accessibilité du droit des prestations sociales.

Dans son audition par l’Assemblée nationale du 23 juin 2020, M. Mazauric précisait pourtant que le data mining (méthode qui permet l’analyse et l’exploitation d’une grande quantité de données, utilisée par les CAF pour repérer plus facilement les fraudes) devait également à

« améliorer l’accès au droit s’agissant des prestations sociales ».

Alors que le Directeur général se montre friand de statistiques relatives à la fraude (nombre d’allocataires concernés, d’indus générés, d’euros récupérés…), cette dernière affirmation reste, malheureusement, appuyée d’aucun chiffre ni d’aucun exemple.

Il y a pourtant fort à dire sur l’accès au droit des prestations sociales, tant sur le phénomène de non-recours [2] que sur les entraves instaurées par les CAF elles-mêmes pour pénaliser les usagers.

L’exemple le plus frappant ? Certaines caisses, lorsqu’elles demandent le remboursement d’un trop-perçu à un allocataire, joignent systématiquement à leur courrier un modèle de « remise de dette » à compléter [3]. Elles omettent toutefois de préciser que, en signant ce document, l’allocataire :
- reconnaît et accepte sa dette dans son principe et dans son montant ;
- renonce à contester la forme et le fond de la décision de trop-perçu…

Ce qui permet ainsi à des CAF de rendre légales des décisions potentiellement illégales…

Dans de telles conditions, on voit mal comment l’accès au droit des prestations sociales peut être réellement amélioré.

David BAPCERES
Kris MOUTOUSSAMY
Clément TERRASSON
Avocats en Droit des prestations sociales
DBKM AVOCATS

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Notes de l'article:

[2Sur cette question, voir notamment l’ouvrage « Le non-recours aux prestations sociales », Philippe Warin, PUG, 2017 et, plus généralement, le site de l’Observatoire des non-recours aux droits et services.

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