La rupture conventionnelle, instaurée par la loi de modernisation sociale du 25 juin 2008, a connu en 2013 et en 2014 des évolutions qui ont contribué à préciser son champ d’application.
La rupture conventionnelle est une procédure qui doit permettre à la fois à l’employeur et au salarié de convenir ensemble des conditions de rupture du contrat de travail.
Régie par les articles L.1237-11 et suivants du Code du travail, c’est un mode de rupture amiable qui n’est possible que pour les contrats de travail à durée indéterminée.
La procédure prévue se déroule alors en plusieurs temps : elle débute par un entretien préalable au minimum. En cas d’accord, cela débouche sur la signature de la convention de rupture. A noter qu’un délai de rétractation de quinze jours calendaires doit être respecté. La convention de rupture est alors adressée à l’administration du travail qui a quinze jours ouvrables pour l’homologuer. A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise, on parle alors d’homologation « tacite ».
Depuis 2013, la jurisprudence n’a cessé d’apporter des précisions sur ce mode de rupture fréquemment choisi par les employeurs et les salariés.
A travers sa jurisprudence la Cour de cassation a mis en place un contrôle de la validité du consentement du salarié tout en précisant le champ d’application de la rupture conventionnelle. Le but étant de s’assurer de la validité du consentement des parties et du respect des droits du salarié quant à l’indemnité spécifique qui en découle. Rappelons que celle-ci ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement.
Ainsi, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt rendu le 30 janvier 2013 [1] que la rupture conventionnelle conclue suite à un harcèlement était nulle.
En revanche, l’existence d’un différend antérieur n’est pas en lui-même susceptible d’affecter la validité de la rupture conventionnelle. Ce principe a été posé dans un arrêt du 23 mai 2013 [2], que la chambre sociale a confirmé depuis. En effet, même si l’employeur avait adressé plusieurs avertissements au salarié, la rupture conventionnelle demeure valable [3].
Aux termes de ces arrêts, la convention de rupture peut donc être conclue dans un contexte conflictuel, à condition qu’elle ne soit pas imposée par l’une des parties à l’autre. La Cour de cassation a donc mis en place un contrôle de la validité du consentement du salarié, qui est cependant assez restreint pour permettre aux parties de conclure une convention de rupture dans un contexte conflictuel.
La Cour de cassation a également défini le champ d’application de la rupture conventionnelle, et réaffirmé son autonomie notamment par rapport à la transaction.
A ce titre, les Hauts magistrats ont précisé que la rupture conventionnelle ne doit pas, contrairement à la transaction, contenir des concessions réciproques. Elle n’a pas pour objectif de mettre fin à un litige né ou à naître, mais de rompre simplement le contrat de travail. Une clause stipulant la renonciation à toute action en justice serait dès lors réputée non écrite [4].
En outre, dans un arrêt du 26 mars 2014, la Cour de cassation a retenu que la transaction qui suit une rupture conventionnelle ne peut pas porter sur la rupture même du contrat de travail. Cette transaction ne peut que porter sur l’exécution du contrat de travail [5]. Cette nouvelle précision est venue restreindre ce mode de rupture puisque l’employeur, en signant une rupture conventionnelle puis une transaction, ne se voit pas pleinement protégé d’un contentieux prud’homal. En effet, le salarié aura toujours la possibilité de contester la validité de la rupture de son contrat de travail.
Toujours dans cette volonté d’encadrer la rupture conventionnelle, la Cour de cassation a indiqué qu’une erreur dans la date de fin du délai de rétractation ne peut entraîner la nullité de la convention de rupture que si elle a eu pour effet de vicier le consentement de l’une des parties ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit à rétractation [6]. Il en est de même lorsqu’un employeur n’a pas informé le salarié de la possibilité de se faire assister lors de l’entretien préalable ou encore lorsque la convention de rupture a été signée le lendemain de l’entretien préalable. A cet égard, elle a affirmé dans un arrêt du 3 juillet 2013 que la loi n’instaurait pas de délai entre l’entretien préalable et la signature de la convention de rupture [7]. Tous ces manquements ne sont donc pas des causes de nullité de la convention de rupture, à condition que le consentement des parties ne soit pas vicié [8].
En revanche, dans un arrêt en date du 5 novembre 2014 [9], la Cour de cassation a jugé qu’une rupture conventionnelle pouvait être annulée dans le cas où l’employeur avait délivré une information erronée sur le calcul de l’allocation chômage, toujours dans cette volonté que le consentement des parties ne soit pas vicié.
Enfin, dans un arrêt du 30 septembre 2014, la Cour de cassation a considéré qu’il était possible de conclure une convention de rupture conventionnelle au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle [10]. Elle a en effet jugé que la protection du salarié lors de la suspension du contrat de travail ne s’appliquait que pour les ruptures unilatérales du contrat de travail. Il s’agit là d’une position contraire à celle de l’administration, qui dans la circulaire DGT n°2009-04 du 17 mars 2009, retenait que la protection du salarié lors d’un arrêt de travail dû à un accident ou une maladie professionnelle ne permettait pas la conclusion de conventions de rupture.
Avec tous ces arrêts, la Cour de cassation est donc venue éclaircir et encadrer la rupture conventionnelle en souhaitant sécuriser ce mode de rupture tout en gardant un niveau de flexibilité suffisant pour qu’il reste avantageux à la fois pour l’employeur et pour le salarié.
Suite à ces précisions jurisprudentielles, ce mode de rupture suscite-t-il toujours autant d’intérêt ?
Il semblerait que ce mode de rupture soit toujours privilégié par le salarié mais un peu moins par l’employeur qui n’est pas à l’abri d’un éventuel recours prud’homal.