Bioéthique et embryons : que dit le droit français ? Par Anne-Gabrielle Piochet, Etudiante.

Bioéthique et embryons : que dit le droit français ?

Par Anne-Gabrielle Piochet, Etudiante.

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Ce que vous allez lire ici :

L'article aborde la question des droits des embryons en France. Bien que l'embryon ne soit pas reconnu comme ayant une personnalité juridique, il dispose du droit à la vie selon l'article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. La législation française encadre strictement la recherche sur l'embryon, qui est autorisée sous certaines conditions depuis 2013. Comparativement, d'autres pays ont adopté des positions plus permissives.
Description rédigée par l'IA du Village

« La qualité d’une civilisation se mesure au respect qu’elle porte aux plus faibles de ses membres » ; si les mots du médecin et professeur de génétique Jérôme Lejeune entendent englober des situations plus générales, il ne fait aucun doute que ces derniers soient également applicables à des questions plus particulières telles que bioéthiques et éthiques.
La recherche sur embryons est étroitement liée aux notions bioéthique et éthique, de par ce qu’elle représente et engendre. Devenu un véritable enjeu du monde contemporain, ce qui se cache derrière cette recherche témoigne d’une volonté toujours plus accrue et lointaine de progrès et d’innovation.
Mais comment parler d’un sujet sans en connaître les notions ? Il conviendra donc de procéder, dans un premier temps, à plusieurs définitions ; s’en suivra une visualisation chronologique de l’évolution de la législation française sur ce domaine puis, plusieurs comparaisons étrangères pour, in fine, terminer sur les questions que peut soulever ce sujet.

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Définition.

Provenant du grec « ethos » qui renvoie à la « manière de vivre », le terme éthique peut s’appréhender par la réflexion née autour de l’étude des comportements et des interactions humaines. Plus précis, le terme bioéthique se concentre davantage sur les enjeux naissants à l’issue des recherches et techniques biologiques ainsi que génétiques et aux différentes avancées médicales. La relation entre les recherches embryonnaires et les notions d’éthique et bioéthique semble donc évidente : les recherches sur l’embryon constituent des avancées scientifiques menant à des questionnements d’ordre éthique, bioéthique voire moral.

L’embryon peut être vu comme un organisme en voie de développement : au sens figuré, c’est ce qui commence d’être mais qui n’est pas achevé. Il se distingue de la cellule souche embryonnaire qui est une cellule souche pluripotente retrouvée dans un embryon et ayant la particularité de se différencier en n’importe quel tissu de l’organisme.

Si une définition du terme « embryon » existe, le droit français n’est pourtant pas clair quant à son statut : l’embryon n’est pas reconnu comme ayant une personnalité juridique toutefois, cela ne veut pas dire qu’il ne dispose pas de protection ou de droits, l’embryon étant une personne en devenir.
Avec l’article 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui énonce que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » et que « nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », l’embryon dispose du droit à la vie. Sans crainte, cet article ne remet pas en cause l’avortement.

La personnalité juridique renvoie à la capacité pour une personne physique ou morale à être sujet de droit et de disposer de droits dont elle peut jouir et exercer.
Dans le droit “moderne”, un individu acquiert la personnalité juridique au moment de sa naissance.

Il convient, en outre, de notifier l’existence d’embryons distincts : l’embryon in utero et l’embryon in vitro, distinction nécessaire puisque le moyen de procréation n’est pas le même.
L’embryon in utero n’est pas considéré comme une personne juridique cependant, la loi ne nie pas son existence.
L’embryon in vitro, quant à lui, est reconnu comme une “personne potentielle” : son statut est relativement absent car il n’a de devenir, en tant que personne, uniquement s’il est implanté dans l’utérus. Toutefois, il fait l’objet d’une protection et d’un encadrement légal grâce à la loi du 29 juillet 1994.

La protection des embryons a davantage été consacrée, notamment en 2011, lorsque la Cour de Justice de l’Union Européenne a déclaré que les embryons humains ne pouvaient être réduits à des biens.
La recherche sur l’embryon n’a pas toujours été possible en France : abordons l’évolution de la loi française.

La législation française en matière de recherche sur l’embryon.

La recherche scientifique se pratique principalement durant le premier stade de développement de la vie humaine, c’est-à-dire de la fécondation jusqu’à la huitième semaine de grossesse.
Elle s’accomplit sur des embryons surnuméraires, issus d’une procréation médicalement assistée (PMA) : elle est effectuée soit sur un embryon entier soit sur des cellules souches embryonnaires.

3 types de recherches sont possibles sur l’embryon :

  • la recherche fondamentale, tendant à comprendre le développement précoce de l’embryon et ses perturbations éventuelles ;
  • la recherche préclinique, consistant à développer de nouvelles méthodes pour une éventuelle utilisation ultérieure à visée thérapeutique tel que corriger des mutations génétiques (elle peut aussi contribuer à améliorer les techniques de PMA) ;
  • la recherche clinique, rendant possible le transfert d’embryons, ayant fait l’objet d’une recherche à l’occasion d’une PMA, dans l’utérus [1].

En 2001, la France a signé la Convention d’Oviedo qui reprend les principes énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’Homme et qui interdit notamment de pratiquer des modifications génétiques transmissibles à la descendance.

Jusqu’en 2004, la recherche sur l’embryon était interdite en France : la loi bioéthique de 2004 a permis des dérogations sur la recherche.

La loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a permis d’adapter les textes en vigueur par rapport aux évolutions et progrès de la science et de la recherche : pour autant, elle ne remet pas en cause les principes de la bioéthique puisque les articles 40 à 44 interdisent toujours la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires.
Cependant, il y a recherche si 4 conditions sont réunies :

  • La pertinence scientifique du projet de recherche doit être fondée ;
  • La recherche doit être susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ;
  • L’impossibilité de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche n’utilisant pas d’embryons humains, de cellules souches embryonnaires ou de lignées de cellules souches doit être expressément établie ;
  • La recherche et les conditions de mise en oeuvre du protocole doivent respecter les principes éthiques liés à la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires.

Depuis 2013, le principe d’interdiction avec dérogations a laissé place à un principe d’autorisation sous conditions.
Toute recherche sur embryon ou cellule embryonnaire est soumise obligatoirement à une autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine, une agence publique nationale née en 2004 grâce à la loi bioéthique. Cette dernière accepte la recherche si pertinence scientifique et but médical il y a mais également s’il n’y a pas d’autres solutions alternatives et si elle respecte les principes de la bioéthique.
La destruction de l’embryon, auparavant dérogatoire, est devenue la règle : le respect de l’embryon, anciennement la règle, est devenu l’exception.
Le projet de loi bioéthique de 2019 avait prévu de « supprimer les contraintes infondées qui pèsent sur la recherche recourant à certaines cellules » et également d’ouvrir la PMA à toutes les femmes. Toutefois, l’interdiction de produire des embryons à des fins de recherches demeurait.
L’article 14 tendait à distinguer de manière drastique l’embryon des cellules souches embryonnaires mais aussi à modifier le régime juridique qui s’applique aux recherches sur ces cellules. Ainsi, la recherche sur les cellules souches n’est plus soumise à une autorisation préalable mais à une déclaration auprès de l’Agence de la biomédecine.
Par ailleurs, ce projet de loi conserve l’interdiction de l’expérimentation visant la transformation des caractères génétiques dans le but de modifier la descendance : donc pas de bébés génétiquement modifiés. Il autorise l’utilisation de techniques d’édition du génome d’un embryon uniquement à des fins de prévention et de traitement des maladies génétiques et sous réserve que ces techniques ne soient pas transmises à la génétique. Mais cela est limité aux embryons destinés à la recherche : la modification d’embryons destinés à une gestation demeure interdite. La France interdit également la modification d’un embryon humain par des cellules provenant d’autres espèces. Elle interdit de même la création d’embryons à des fins de recherches.
En outre, le projet de loi pose un délai de 5 ans pour la conservation des embryons donnés à la recherche et un délai de 14 jours pour la culture maximale des embryons.

Le projet de loi de 2019 a été concrétisé par la loi bioéthique d’août 2021.
Dès lors, la recherche est davantage encadrée et certains interdits ont été rappelés tels que la création d’embryons à des fins de recherche ou encore le clonage.

En ce qui concerne le don d’embryons à la recherche, celui-ci est réalisable uniquement après consentement du couple.

D’un point de vue des sanctions, l’article 511-19 du Code pénal prévoit une peine de sept ans de prison et 100 000 euros d’amende pour le fait de se livrer à des recherches sur l’embryon hors validation par l’Agence de la biomédecine.

Comment cette recherche sur l’embryon est perçue juridiquement ailleurs dans le Monde ?

Si la France reste réticente et catégorique sur le sujet du clonage, des modifications génétiques ou encore de la création d’embryons à des fins de recherches, ce n’est pas une universalité puisque d’autres pays ont adopté des positions divergentes : nous pouvons citer la Chine et les États-Unis qui autorisent, par exemple, la modification génétique en intervenant sur le génome.
En 2017, les États-Unis ont mené leur premier essai de modification génétique d’un embryon humain : grâce à l’utilisation d’un "ciseau génétique", ils ont réussi à corriger des malformations cardiaques.
La Chine a, quant à elle, pu, en 2018, modifier génétiquement deux nourrissons nés par fécondation in vitro, les rendant ainsi résistants au VIH.

Aussi, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède ou encore la Russie autorisent la création d’embryons à des fins de recherches.
Plus récemment, en 2023, l’Université de Cambridge et l’Institut Weizmann ont annoncé la création d’embryons de synthèse, constitués par un assemblage de cellules souches.

Toutes ces évolutions amènent à reconsidérer et à repenser le progrès : existe-il de véritables limites ? Jusqu’où l’évolution médicale et biologique peut-elle aller ?

Les enjeux de la recherche sur l’embryon.

La recherche sur l’embryon divise. Certains énoncent qu’elle peut être bénéfique pour des parents ne pouvant pas avoir d’enfants naturellement et essayant le parcours PMA mais d’autres soulèvent des problèmes éthiques. L’embryon ne serait plus qu’un matériau de laboratoire or, dès la fécondation, il reçoit l’intégralité du patrimoine d’un être humain : la recherche sur l’embryon semblerait sacrifier un individu potentiel au profit d’un progrès hypothétique.

En outre, comme nous l’avons vu précédemment, des pays influents pratiquent ce que la France a toujours refusé de faire à savoir : le clonage, la modification génétique, la création d’embryons à des fins de recherche…
Ce refus français marque-t-il un respect éthique et bioéthique profond de l’embryon et des recherches sur ce dernier ou souligne-t-il simplement une peur des dérives que ces recherches peuvent engendrer ? Les explications peuvent être multiples.

Nota Bene : Article ayant vocation à rappeler l’état du droit actuel. Peut être incomplet ou imprécis.

Anne-Gabrielle Piochet
Étudiante en troisième année de droit

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