Bail commercial : un congé irrégulier n’empêche pas le preneur de bénéficier de l’indemnité d’éviction.

Par Maxime Taillanter, Avocat.

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Explorer : # indemnité d'éviction # congé irrégulier # bail commercial

Dans un arrêt récent (Cass. Civ. 3e, 28 juin 2018, n° 17-18.756) rendu en matière de Bail commercial, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle le congé mal motivé produit tout de même des effets et permet notamment au preneur de percevoir une indemnité d’éviction.

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Dans les faits, une SCI avait donné à Bail un local commercial à un preneur.

Cette SCI avait plus tard délivré à son preneur un congé avec refus de renouvellement sans offre d’une indemnité d’éviction, lequel était motivé par un « projet de reconstruction » du bien loué au travers du Bail commercial. [1]

Par la suite, ladite SCI a fait délivrer un second congé, qui annulait et remplaçait le premier avec une même motivation agrémentée de précisions supplémentaires. Ce second congé visait l’article L145-17-1 du code de commerce qui dispense le bailleur du paiement d’une indemnité d’éviction pour motif grave et légitime.

Par assignation du 21 février 2013, le preneur a saisi le Tribunal de Grande Instance de COLMAR aux fins de contester la validité du double congé, et obtenir la condamnation de son bailleur à lui payer une indemnité d’éviction, ceux à quoi s’opposait la bailleresse.

Par jugement du 25 juin 2015, la première Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Colmar a constaté que les parties ont renoncé au premier congé, et a constaté l’irrégularité du second congé.

Cette annulation était fondée sur l’absence de clarté des motifs puisque le bailleur invoquait à la fois un motif grave et légitime imputable au preneur, et la volonté de démolir pour reconstruire avec dispense de paiement de l’indemnité d’éviction en raison de la proposition de relocation, sans cependant mentionner l’article L 145-18 du Code de Commerce, de sorte que le locataire se trouvait dans l’incertitude des motifs évoqués.

Le Tribunal de Grande Instance a, par la même occasion, accordé au preneur une indemnité d’éviction, en estimant que l’irrégularité du congé n’avait pas pour effet de priver le preneur de ce droit.

La SCI bailleresse a alors interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Colmar.

En appel, le Jugement de première instance a été confirmé et le Bailleur a une nouvelle fois été condamné à verser une indemnité d’éviction au preneur.

La SCI Bailleresse a alors saisi la Cour de cassation d’un pourvoi.

La SCI tentait d’expliquer à la Cour de cassation que, puisque le congé était entaché de nullité, sa disparition nécessairement rétroactive avait laissé subsister le Bail commercial, de sorte que le preneur ne pouvait pas réclamer l’octroi d’une indemnité d’éviction.

En outre, le Bailleur indiquait que le droit à l’indemnité d’éviction ne pouvait être ouvert qu’en cas de départ des lieux du preneur avant l’issue de la procédure judiciaire.

Cette argumentation a été rejetée par la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation, qui a rappelé que le congé donné sans motifs ou avec des motifs équivoques produit néanmoins ses effets et met fin au Bail commercial, lorsque le Bailleur est toujours en droit de refuser le renouvellement du Bail moyennant le versement d’une indemnité d’éviction.

Or, en l’occurrence, le congé avec refus de renouvellement sans indemnité d’éviction avait été donné dans les délais requis et pouvait valablement rompre le Bail, nonobstant une motivation mal fondée ou imprécise.

Par ailleurs, la nullité du congé dont la SCI tentait de se prévaloir est une nullité relative dont seul le preneur pouvait se prévaloir, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Dès lors, le preneur pouvait choisir entre deux options :
- Soit renoncer à demander la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction, tout en se maintenant dans les lieux dans l’attente du versement de cette indemnité comme le lui autorise l’article L145-28 du Code de commerce ;
- Soit se prévaloir de la nullité du congé afin de permettre la poursuite du Bail, sans percevoir une indemnité d’éviction.

Ce faisant, le preneur était bien fondé à solliciter l’octroi d’une indemnité d’éviction en démontrant l’irrégularité du congé donné par la SCI bailleresse.

Il s’agit là d’une confirmation de jurisprudence.

En effet, la Cour de cassation avait déjà jugé que le congé refusant le renouvellement sans offre d’indemnité d’éviction non motivé ou mal motivé n’est pas nul.

Ce congé met fin au bail et ouvre droit au paiement d’une indemnité d’éviction au profit du locataire commercial qui souhaite s’en prévaloir. [2].

Maxime Taillanter
Avocat au Barreau de Lyon
Cabinet TAILLANTER AVOCAT
http://www.taillanter-avocat-lyon.com/avocat-bail-commercial-lyon-baux

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Notes de l'article:

[2Cass. Civ. 3e, 1er février 1995, n° 93-14.808 ; Cass. Civ. 3e, 28 octobre 2009, n° 07-18.520 ; Cass. Civ. 3e, 19 décembre 2012, Cass. Civ. 3e, n° 11-24.251 ; 19 février 2014, n° 11-28.806

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