Connaître ses droits en amont ne fait pas tout, mais permet d’anticiper une période de changements majeurs et très chargée !
Quels sont alors les droits des avocates qui attendent un enfant et souhaitent faire usage de leur droit à congé maternité ? Quelle est la durée de celui-ci ? Comment sont-elles indemnisées ? Quand elles sont collaboratrices, quels sont leurs droits et devoirs vis-à-vis du cabinet ? Autant de questions entendues de la part de Consœurs qui ont un projet d’enfant ou sont enceintes.
Les développements ci-dessous visent à synthétiser les droits des avocates quant à leur maternité et ont vocation à éclairer les avocates enceintes ou se renseignant sur un futur congé maternité en rassemblant les informations pertinentes.
1. La durée du congé maternité des avocates.
1.1. Cas général.
L’avocate exerçant sous le régime libéral est soumise au régime social des travailleurs indépendants et professions libérales dont le détail est décrit dans le Code de la sécurité sociale. Elle est en plus soumise à la réglementation spécifique aux avocats, résultant du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), auquel s’ajoute les dispositions particulières du règlement du Barreau local, le cas échéant.
Les dispositions spécifiques aux avocates s’appliquent dès inscription au Barreau. En revanche, celles issues du Code de la sécurité sociale ne s’appliquent qu’aux avocates justifiant de 10 mois d’affiliation au titre d’une activité non salariée à la date présumée de l’accouchement. En cas d’affiliation d’une durée inférieure à 6 mois, l’avocate concernée peut être indemnisée au titre de son régime précédent. Il convient dans ce cas de se rapprocher de sa caisse d’assurance maladie.
Pour bénéficier de l’indemnisation de son congé maternité, l’avocate libérale doit arrêter son activité pendant au moins 8 semaines au titre du congé maternité, dont 6 semaines en postnatal. En deçà de cette durée, elle n’a droit à aucune indemnisation.
La durée maximum du congé maternité d’une avocate est de 16 semaines, réparties en 6 semaines avant la date présumée d’accouchement (DPA) - congé « prénatal » - et 10 semaines après - congé « postnatal ». 3 semaines du congé prénatal peuvent être reportées durant le congé postnatal, sur présentation d’un certificat médical (le congé prénatal est alors de 3 semaines et le postnatal de 13 semaines).
16 semaines, c’est également la durée du congé maternité des avocates collaboratrices libérales, en application de l’article 14.5.1. du RIN : « Congé maternité lié à l’accouchement de la collaboratrice libérale / La collaboratrice libérale enceinte est en droit de suspendre l’exécution de sa collaboration pendant au moins seize semaines à l’occasion de son accouchement, réparties selon son choix avant et après son accouchement, avec un minimum de trois semaines avant la date prévue de l’accouchement et un minimum de dix semaines après l’accouchement, et sans confusion possible avec le congé pathologique (…) ». Il s’agit ici d’une durée minimum et le contrat de collaboration peut prévoir davantage.
Ces durées sont majorées selon les situations :
Situation | Durée du congé prénatal [1] | Durée du congé postnatal [2] | Durée totale du congé maternité [3] |
---|---|---|---|
Accueil d’1 enfant portant à 1 ou 2 le nombre d’enfants à charge au sein du foyer | 6 semaines | 10 semaines | 16 semaines |
Accueil d’1 enfant portant à 3 ou plus le nombre d’enfants au sein du foyer | 8 semaines | 18 semaines | 26 semaines |
Accueil de jumeaux | 12 semaines | 22 semaines | 34 semaines |
Accueil de triplés ou plus | 24 semaines | 22 semaines | 46 semaines |
1.2. Cas particuliers.
La réglementation prévoit en outre 30 jours maximum de congé pour état de grossesse pathologique (dit « congé pathologique »).
Si l’état de santé de l’avocate le justifie, son médecin peut lui prescrire un congé pathologique de 15 ou 30 jours avant la date légale de son congé maternité. Si ce congé pathologique n’a pas été prescrit (ou si seulement 15 jours ont été prescrits) avant le congé prénatal et que son état de santé le justifie, l’avocate se verra prescrire un congé pathologique après son congé postnatal. La durée de ce congé ne peut en tout état de cause excéder 15 jours.
Si l’état de santé de l’avocate justifie un arrêt de travail avant la date de début du congé pathologique en prénatal ou après l’expiration de celui-ci en postnatal, l’arrêt prescrit sera un arrêt de travail « simple », lié à la grossesse.
Par ailleurs, en cas de naissance prématurée, deux hypothèses peuvent se présenter : en cas de naissance prématurée avant le début du congé prénatal, le congé de maternité débute à la date de l’accouchement, pour la durée initialement prévue (16 semaines dans le cas « classique »). En cas de naissance prématurée de plus de 6 semaines avant la date présumée de l’accouchement et qui nécessite l’hospitalisation de l’enfant, la durée du congé maternité est allongée du nombre de jours entre la date réelle de l’accouchement et la date présumée d’accouchement.
Situation | Congé pathologique en période prénatale | Congé pathologique en période postnatale | |
Situation 1 | 15 jours | 0 jour | |
Situation 2 | 30 jours* | 0 jour | |
Situation 3 | 15 jours | 15 jours | |
Situation 4 | O jour | 15 jours |
* Prescrits en une fois ou en deux fois 15 jours
1.3. Exemple.
Je suis avocate et j’attends mon premier enfant ; ma date prévue d’accouchement est le 30 janvier. Mon congé prénatal commence légalement le 19 décembre (6 semaines avant ma DPA).
Plusieurs possibilités :
Je ne reporte pas le début du congé et mon état ne justifie pas de congé pathologique. Mon congé postnatal commence le 19 décembre et se termine le 8 avril ;
Mon état de santé justifie un congé pathologique prénatal, de 15 jours ou 30 jours. Mon congé prénatal commence le 19 décembre et je suis en congé pathologique à partir du 4 décembre (15 jours) ou du 19 novembre (30 jours). Mon congé maternité se termine le 8 avril ;
Mon état de santé justifie un congé pathologique prénatal et postnatal, de deux fois 15 jours. Mon congé prénatal commence le 19 décembre et je suis en congé pathologique à partir du 4 décembre (15 jours). Mon congé maternité se termine le 8 avril. Il est suivi d’un congé pathologique de 15 jours, qui se termine le 23 avril ;
Mon état de santé justifie un congé pathologique postnatal, de 15 jours maximum. Mon congé prénatal commence le 19 décembre et se termine le 8 avril. Il est suivi d’un congé pathologique de 15 jours, qui se termine le 23 avril ;
Si mon état le permet et sur avis médical, je reporte le début de mon congé prénatal de 3 semaines. Mon congé maternité débute donc le 9 janvier. Il prendra fin le 30 avril. S’il est suivi d’un congé pathologique postnatal, ce dernier prendra fin le 15 mai (15 jours).
2. L’indemnisation du congé maternité des avocates.
Le congé maternité des avocates est pris en charge par le régime général de l’assurance maladie. Peut s’ajouter à cette prise en charge une indemnisation versée par des organismes privés, en application d’une prévoyance collective souscrite par le barreau d’appartenance, ou d’une prévoyance individuelle souscrite à titre personnel.
2.1. L’indemnisation du congé maternité des avocates par l’assurance maladie.
L’assurance maladie indemnise le congé maternité des avocates, incluant le congé pathologique ; l’arrêt de travail « simple » des avocates durant la grossesse n’est pas indemnisé par l’assurance maladie.
Comme indiqué ci-dessous, l’indemnisation est de droit si l’avocate concernée prend au moins 8 semaines de congé maternité. L’indemnisation ne peut excéder 16 semaines de congé, soit 112 jours (auxquels s’ajoutent éventuellement un congé complémentaire en raison de l’état de santé de la mère et/ou de l’enfant).
Pour bénéficier de cette indemnisation, il faut adresser à la CPAM dont dépend l’avocate concernée les feuilles du carnet de maternité pour les « femmes chefs d’entreprise », au fur et à mesure de l’avancée de la grossesse. Chaque attestation est à remplir par le médecin/sage-femme et l’avocate concernée.
L’indemnisation du congé maternité des avocates par l’assurance maladie comprend des indemnités journalières et une allocation forfaitaire.
Indemnités journalières :
63,52 euros bruts / jour calendaire (montant brut actualisé au 1er janvier 2024) pendant le congé maternité et le congé pathologique le cas échéant ;
si le revenu annuel de l’avocate au titre des 3 années d’activité précédant la date du premier versement de l’allocation est inférieur à 4 208,80 euros (au 1er janvier 2024), le montant des IJ est de 6,352 euros bruts par jour (montant brut actualisé au 1er janvier 2024).
Allocation forfaitaire de repos maternel :
deux versements de 1 932 euros (7 mois révolus de grossesse et à la naissance de l’enfant), soit un total de 3 864 euros (montant brut actualisé au 1er janvier 2024) ;
si le revenu annuel de l’avocate au titre des 3 années d’activité précédant la date du premier versement de l’allocation est inférieur à 4 208,80 euros (au 1er janvier 2024), le montant brut de l’allocation est de 386,40 euros.
Si l’avocate concernée est collaboratrice libérale, les indemnités journalières perçues doivent être reversées à son cabinet, une fois effectivement perçues, qui est par ailleurs tenu de maintenir sa rétrocession. L’allocation forfaitaire est au bénéfice de la collaboratrice, qui ne la reverse pas au cabinet.
A noter que les versements de l’assurance maladie peuvent connaître des retards substantiels en fonction de la caisse dont dépend l’avocate ; les conséquences financières de tels retards sur l’avocate concernée ne sont pas neutres. En cas de difficulté au cours de cette période, il est possible de se rapprocher du service social du barreau d’appartenance.
Dans le cas particulier d’une affiliation au régime inférieure à 6 mois,
2.2. L’indemnisation du congé maternité des avocates par un organisme privé.
2.2.1. Prévoyance collective.
Le cas échéant, une prévoyance souscrite par le barreau d’appartenance est susceptible d’indemniser le congé maternité. Au sein du barreau de Paris, AON (courtier) est en charge des démarches pour l’indemnisation. L’indemnisation des avocates inscrites au barreau de Paris est ainsi composée des indemnités journalières et d’un forfait :
Indemnités journalières :
Arrêt de travail « simple » et/ou congé pathologique prénatal ou postnatal, traité comme un arrêt maladie : 90 euros/jour calendaire, versées à l’issue d’un délai de carence d’une durée de 30 jours (hors hospitalisation, auquel cas le délai de carence ne s’applique pas et les IJ sont versées immédiatement) ;
Congé maternité : 38 euros/jour calendaire.
Forfaits naissance :
Deux versements de 1 464 euros et 1 768 euros, soit 3 232 euros ; le premier versement intervient à la naissance ou, sur demande expresse auprès d’AON, à 7 mois révolus de grossesse. Le second versement intervient un mois après le premier.
La collaboratrice libérale doit reverser toutes les indemnités journalières perçues à son cabinet, une fois effectivement perçues, qui est par ailleurs tenu de maintenir sa rétrocession. Le forfait naissance est au bénéfice de la collaboratrice, qui ne le reverse pas au cabinet.
2.2.2. Prévoyance privée souscrite individuellement.
Les prévoyances souscrites à titre individuel ne prennent pas en charge le risque « maternité » en tant que tel. Elles peuvent toutefois prendre en charge le risque du congé pathologique, au titre de la couverture maladie, ainsi que tout arrêt maladie lié à la grossesse et hors période du congé maternité. Certaines versent par ailleurs une prime à la naissance.
2.3. Exonération des cotisations de base du trimestre de naissance.
La naissance d’un enfant donne droit à une exonération des cotisations retraite de base (et non complémentaire) pour le trimestre de naissance de l’enfant. Pour en bénéficier, il convient d’adresser un courrier de demande en ce sens à la CNBF (voir modèle ci-dessous).
3. Régime de protection des avocates collaboratrices.
Les avocates collaboratrices en cabinet d’avocats sont soumises à un régime de protection du fait de leur maternité.
Aussi, leur contrat ne peut plus être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à la maternité, démontré par le cabinet, à compter de l’annonce par tout moyen de leur grossesse. La rupture du contrat de collaboration est alors nulle. La rupture du contrat de collaboration est également nulle si la collaboratrice concernée annonce sa grossesse et produit un certificat de grossesse dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la rupture de son contrat. Dans cette hypothèse, elle doit le faire par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre et contresignée.
Enfin, il ne peut être mis fin au contrat de collaboration de l’avocate concernée jusqu’à l’expiration d’un délai de 8 semaines à compter de son retour au cabinet. Ce délai commence à courir à son retour effectif au sein du cabinet, donc à l’issue d’un éventuel arrêt de travail suivant le congé maternité ou à la suite de repos rémunérés pris après le congé maternité.
Ces dispositions ressortent de l’article 14.5.3. du RIN :
« A compter de la déclaration par la collaboratrice libérale de son état de grossesse, qui peut être faite par tout moyen, et jusqu’à l’expiration de la période de suspension de l’exécution du contrat à l’occasion de la maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu par le cabinet, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l’état de grossesse ou à la maternité. Sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à l’état de grossesse ou à la maternité, la rupture du contrat de collaboration est nulle de plein droit lorsque le cabinet est informé de la grossesse de la collaboratrice dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la rupture. La collaboratrice informe le cabinet en transmettant, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre et contresignée, un certificat médical justifiant de son état de grossesse. Au retour de la collaboratrice de son congé maternité, le contrat de collaboration libérale ne peut être rompu pendant un délai de huit semaines, sauf manquement grave aux règles professionnelles non lié à la maternité. Dans ce cas, la rupture est notifiée par lettre dûment motivée ».
4. Ressources sur le congé maternité des avocates.
Récapitulatif de l’Assurance Maladie [4]
Carnet maternité « femmes chef d’entreprise » pour demander le versement des IJ et forfaits [5]
Règlement Intérieur National de la profession d’avocat (RIN), article 14.5 [6]
Règlement Intérieur du Barreau de Paris (RIBP), articles 14.5 et P.14.5.1.0.1 [7]
Simulateurs des dates du congé maternité (Barreau de Paris, applicable quel que soit le Barreau) [8]
Modèle de courrier à adresser à la CNBF pour exonération des cotisations retraite de base pour un trimestre [9]
Jurisprudences récentes relatives à la maternité et la rupture du contrat de collaboration [10]
Jurisprudences récentes relatives à la maternité et la période de protection [11]
Discussions en cours :
Article très précieux ! Un grand merci
Les 10 mois d’affiliation comprennent-ils la formation à l’efb (stages+formation durent plus d’un an) ; si on est enceinte en sortant de l’efb et avant de trouver une collab, on est indemnisée par la cpam ?