Aux abords d'une véritable protection de la situation des enfants intersexués. Par Laurine Krieger-Gall, Lucie Teodora Amaro, N'nan Tessougue, Etudiantes.

Aux abords d’une véritable protection de la situation des enfants intersexués.

Par Laurine Krieger-Gall, Lucie Teodora Amaro, N’nan Tessougue étudiantes de la Clinique juridique One Health-Une seule santé, promotion 2022-2023
Sous la direction de Aloïse Quesne,
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay,
Directrice de la Clinique juridique One Health-Une seule santé
https://cjonehealth.hypotheses.org/

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Explorer : # enfants intersexués # protection juridique # variations du développement génital # opérations de normalisation

L’alinéa 1er de l’article 57 du Code Civil dispose que l’acte de naissance doit énoncer le sexe de l’enfant. Le législateur fait ainsi du sexe un élément d’identification de l’individu. Cette disposition revêt cependant un intérêt particulier lorsque l’enfant présente une variation du développement génital. Les enfants intersexués suscitent en effet de nouvelles interrogations, tant éthiques que juridiques.
La reconnaissance progressive de ces enfants et l’attribution de nouveaux droits seront abordées mais également l’absence d’interdiction des opérations de normalisation, ce qui confère au consentement de l’enfant une place marginale.

Les auteures de cet article sont membres de la Clinique juridique One Health-Une seule santé.

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« En faisant de la différence biologique le critère ultime de la classification des êtres humains, on se condamne à les penser par opposition à l’autre ». Cette pensée d’Élisabeth Badinter [1] met en lumière l’attachement de la société humaine à la « normalité », attachement qui s’est étendu au genre et notamment au sexe de l’enfant.

La question du sexe a toujours été un sujet particulier aussi bien dans la philosophie, la religion que dans la sphère juridique.
Depuis la genèse du monde [2], il existe en effet deux genres : le genre féminin et le genre masculin. Ainsi, tout enfant qui vient au monde doit s’inscrire dans cette binarité. Cette identité de genre est particulièrement importante en France, notamment au regard du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes [3]. Toutefois, au fil des années, la société humaine s’est heurtée à une autre réalité, celle du transsexualisme, mettant en déroute l’identité de genre et notamment cette tradition sociétale tendant à appartenir à un genre déterminé.
La notion de transsexualisme découle du rapport de l’urologue René Küss du 29 juin 1982, présenté à l’Académie de médecine au terme duquel le transsexualisme serait : « le sentiment profond et inébranlable d’appartenir au sexe opposé, malgré une conformation sans ambiguïté avec le sexe chromosomique ».
Jusqu’en 1992, la Cour de cassation refusait aux personnes transsexuelles tout changement de sexe sur leur acte de l’état civil. Néanmoins, à la suite d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme [4] pour violation du droit au respect de la vie privée, la Cour de cassation a dû opérer un revirement de jurisprudence.

Par un arrêt de principe rendu en Assemblée plénière le 11 décembre 1992 [5], la Cour de Cassation a admis le changement de sexe à l’état civil, sous réserve du respect de cinq conditions cumulatives, parmi lesquelles figurent la constatation d’un syndrome du transsexualisme faisant l’objet d’un traitement médico-chirurgical ayant permis de supprimer les caractères du sexe d’origine. S’ensuit un aspect social puisque la personne doit avoir pris une apparence physique la rapprochant de l’autre sexe et son comportement doit être avéré par son entourage.

Le législateur français a fini par assouplir ces conditions en adoptant la loi du 18 novembre 2016 [6]. Elle permet ainsi aux personnes transsexuelles, majeures ou mineures émancipées, qui démontrent par une réunion suffisante de faits que la mention relative à leur sexe dans l’acte de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elles se présentent et sont connues, d’en obtenir la modification et ce, sans avoir besoin de passer par des opérations chirurgicales de changement de sexe. Cette modification figure désormais à l’article 61-1 du Code civil. Cette intervention du législateur a permis de lever le voile du transsexualisme au profit d’une nouvelle réalité, qui n’est pas sans lien avec la condition des enfants intersexués.

L’Organisation des Nations Unies (ONU) a défini les personnes intersexuées comme : « celles dont les caractéristiques physiques biologiques, telles que l’anatomie sexuelle, les organes génitaux, le fonctionnement hormonal ou le modèle chromosomique, ne correspondent pas aux définitions classiques de la masculinité et de la féminité. Ces caractéristiques peuvent se manifester à la naissance ou plus tard dans la vie, souvent à la puberté » [7]. L’INSEE [8] a évalué le nombre d’enfants intersexués à 28 en 2017, néanmoins ce chiffre n’est qu’indicatif, d’autant plus que les enfants intersexués à la naissance sont rattachés, à terme, au sexe féminin ou masculin.

Pendant longtemps, les enfants dont le sexe ne pouvait être déterminé à la naissance ne faisaient l’objet d’aucune protection juridique. Les parents avaient en effet l’obligation d’inscrire sur l’acte de l’état civil [9] le sexe de l’enfant, en optant soit pour le sexe féminin, soit pour le sexe masculin. Dès lors, il incombait au médecin d’entreprendre des traitements hormonaux, voire des opérations chirurgicales d’assignation sexuée, afin d’attribuer un sexe à l’enfant.
Malgré l’adoption des lois de bioéthique depuis 1994 et leurs révisions successives, il aura fallu attendre la loi du 2 août 2021 pour que le statut des enfants intersexués soit enfin abordé par le législateur. On peut seulement signaler qu’une circulaire avait été adoptée le 28 octobre 2011 [10], instituant un délai de deux ans pendant lequel l’acte de naissance pouvait exceptionnellement ne pas mentionner le sexe de l’enfant. Cette situation était réservée aux cas où le médecin estimait ne pas être en mesure de donner une indication sur le sexe probable du nouveau-né. Le médecin avait alors un délai maximum de deux ans pour déterminer le sexe du nouveau-né par toute mesure ou tout traitement utile et approprié. Néanmoins, cette circulaire n’ayant pas force obligatoire, elle n’était pas appliquée en pratique. En effet, elle venait contredire une disposition légale, l’article 57 du Code civil. De ce fait, beaucoup considéraient qu’une circulaire ne pouvait pas contredire la loi et qu’elle était donc inapplicable.

À titre de comparaison, l’Allemagne a admis la non-détermination du sexe de l’enfant sur son acte de naissance depuis une loi du 31 janvier 2013. À la suite d’une décision du 10 octobre 2017, la Cour constitutionnelle allemande a enjoint au pouvoir législatif de remédier à ces violations constitutionnelles d’ici le 31 décembre 2018. La Cour laissait le choix au législateur quant au système à adopter : supprimer la mention du sexe dans les registres de l’état civil ou donner la possibilité aux personnes de choisir une autre mention que celle de sexe « féminin » ou « masculin ». En ce sens, un projet de loi a été adopté le 13 décembre 2018, suivant lequel la mention « divers » doit être ajoutée.

Dès lors, au regard des débats éthiques largement soulevés par la situation des enfants intersexués en France, la question se pose de savoir comment le législateur français est intervenu pour répondre aux besoins des enfants intersexués et consacrer une meilleure reconnaissance de ces personnes ?

Aujourd’hui, c’est l’article L2131-6 du Code de la santé publique qui reconnaît expressément la situation juridique des enfants intersexués.

Il convient d’étudier les contours de la reconnaissance de ces enfants par la loi de bioéthique du 2 août 2021 (I). Cette reconnaissance laisse toutefois quelques questions en suspens (II).

I. La reconnaissance des enfants intersexués au prisme de la loi de bioéthique du 2 août 2021.

L’article 30 de la loi de bioéthique du 2 août 2021 modifiant le livre 1er du Code de la santé publique, notamment son titre III, a permis d’insérer un chapitre I bis intitulé « Enfants présentant une variation du développement génital ». Par cette adjonction, le législateur français apporte une qualification nouvelle des enfants intersexués (A). Cette qualification, bien que n’étant pas novatrice, apporte une considération légale, et le législateur prévoit l’encadrement médical des enfants atteints d’une variation du développement génital (B).

A. L’assimilation de l’intersexuation à une variation du développement génital.

Tel que démontré précédemment, la situation des enfants intersexués a suscité de vifs débats. Ces « oubliés du droit » ne faisaient en effet l’objet d’aucune considération puisque ces enfants devaient appartenir à un genre, peu importe que s’ensuivent des interventions chirurgicales aux fins de les inscrire dans la binarité.

Malgré une reconnaissance juridique des enfants intersexués à travers la circulaire du 28 octobre 2011, il a fallu attendre le 28 juin 2018 pour qu’une définition de l’intersexuation soit donnée par le Conseil d’Etat [11]. En effet, une requête avait été soumise en ce sens au Conseil d’Etat par le Premier ministre Edouard Philippe dans une lettre d’intention du 6 décembre 2017.
À l’issue de cette requête, la haute juridiction administrative a assimilé l’intersexuation aux : « situations médicales congénitales caractérisées par un développement atypique du sexe chromosomique (ou génétique), gonadique (c’est-à-dire des glandes sexuelles, testicules ou ovaires) ou anatomique (soit le sexe morphologique visible). Les personnes nées avec de telles variations des caractéristiques sexués sont parfois qualifiées "d’intersexes" ou "intersexuées" ».

Cette tentative de définition a été améliorée par l’article L2131-6 du chapitre I bis du Titre III du Code de la santé publique issu de la loi du 2 août 2021.
Aux termes de cet article, l’intersexualité s’assimile à « une variation du développement génital » levant ainsi le doute sur toute origine pathologique.

Autrement dit, le législateur français, reconnait l’intersexuation comme d’origine naturelle et non comme une maladie hormonale. Cette assimilation de l’intersexuation aux variations génitales vient conforter les familles confrontées à de telles situations.
Ce nouvel article a le mérite d’être novateur pour le droit français, en ce qu’il met fin à des années d’errance, d’incertitude et de lacune juridique.
Pour autant, la terminologie de « variation du développement génital » n’est pas clairement définie par la loi, et les variations du développement génital sont nombreuses. À titre d’exemple, le « péniclitoris » et le « clitorophallus » [12] ne sont que l’une des manifestations possibles de la double appartenance aux sexes masculin et féminin.

Déjà en 2014, des experts avaient affirmé qu’un enfant sur deux cents naît avec un sexe féminin et masculin en même temps. C’est en ce sens que la loi de bioéthique du 2 août 2021 est intervenue pour permettre un encadrement médical de ces enfants présentant une variation du développement génital.

B. L’encadrement médical des enfants présentant une variation du développement génital.

La loi de bioéthique du 2 août 2021 consacre pour la première fois une prise en considération des enfants présentant une variation du développement génital, qui sont désormais clairement identifiés dans le Code de la santé publique. L’article L2131-6 de ce code modifie ainsi la prise en charge des enfants intersexués.

Avant cette prise en compte par le législateur, les enfants intersexués étaient pris en charge par l’équipe médicale ayant réalisé l’accouchement et donc par des professionnels de santé n’étant pas spécialisés dans la prise en charge de ces enfants intersexués présentant des caractéristiques particulières. Mais depuis la loi de bioéthique de 2021, il est prévu que l’enfant soit directement adressé dans un centre de référence qui s’occupera de sa prise en charge. Cette prise en charge est ainsi réalisée par une équipe médicale experte, impliquant une concertation préalable et pluridisciplinaire, sauf cas d’urgence vitale.

À cette prise en charge adaptée s’ajoute une information complète délivrée par l’équipe du centre de référence aux parents de l’enfant intersexué, ainsi qu’un accompagnement psychologique aussi bien pour les parents que pour l’enfant. Enfin, l’un des membres de l’équipe médicale pluridisciplinaire est chargé d’informer les parents quant aux associations existantes spécialisées dans l’accompagnement des personnes présentant une variation du développement génital et, le cas échéant, de la possibilité d’accéder à un programme de préservation de la fertilité en application.

De plus, il est désormais prévu un point particulièrement important dans cette information qui renvoie à l’obligation pour l’équipe médicale experte de fournir à la famille de l’enfant intersexué l’ensemble des informations thérapeutiques nécessaires. Cela signifie que, désormais, l’équipe médicale prenant en charge l’enfant intersexe doit informer la famille de toutes les propositions thérapeutiques possibles et envisageables au regard de la situation de l’enfant, mais aussi et surtout de la possibilité d’abstention thérapeutique et de ses conséquences. L’idée étant que l’information délivrée doit permettre de refléter aussi bien la possibilité d’effectuer des opérations ou des traitements thérapeutiques, que la possibilité de n’effectuer aucune opération de réassignation du sexe. Les modalités de cette prise en charge ont été précisées et complétées par un arrêté datant du 15 novembre 2022 [13] qui prévoit notamment que l’enfant doit bénéficier d’un « bilan réalisé par une équipe médicale experte en centre de référence ».

Cette prise en charge spécialisée des enfants intersexués permet donc de leur accorder enfin une véritable prise en considération de leur situation mais aussi et surtout d’adapter au mieux le traitement selon la situation médicale de chacun, et d’éviter un recours systématique aux opérations de normalisation, opérations qui font désormais l’objet d’un encadrement encourageant.

II. Une prise en compte encourageante des dangers des opérations de normalisation par la loi de bioéthique du 2 août 2021.

Un encadrement évident est observé s’agissant des opérations de normalisation durant la petite enfance, ce qui s’inscrit dans une logique de prise de conscience des enjeux de ces opérations sur la santé des personnes nées intersexuées (A). Toutefois, elles ne sont pas interdites sur un mineur. La place du consentement de ces enfants intersexués est remise en cause du fait de l’absence d’interdiction par le législateur des opérations dites de normalisation (B).

A. Un encadrement strict des opérations de normalisation durant la petite enfance.

La loi de bioéthique du 2 août 2021 a modifié l’alinéa 1er de l’article 57 du Code civil. Désormais, cet article prévoit qu’en cas d’impossibilité médicale de déterminer le sexe d’un enfant au jour de l’établissement de l’acte de l’état civil, le procureur de la République dispose de la possibilité d’autoriser l’officier de l’état civil à ne pas faire figurer le sexe de l’enfant sur l’acte. Toutefois, l’article prévoit également que le sexe de l’enfant, médicalement déterminé, devra obligatoirement être inscrit sur l’acte dans un délai de 3 mois à compter de la déclaration de naissance et si besoin, les représentants légaux disposeront de la possibilité de modifier le ou le(s) prénom(s) de l’enfant attribué(s) lors de la déclaration de naissance.

Pour rappel, la circulaire de 2011 n’avait été que très peu appliquée et était critiquée par les associations de protection des enfants intersexués car les deux années de délai exceptionnel étaient prévues pour pouvoir mettre en conformité le sexe de l’enfant soit au sexe masculin, soit féminin. Ce texte impliquait donc une mise en conformité qui passait forcément par une opération de normalisation. Ces opérations très lourdes et surtout irréversibles sont unanimement dénoncées par les organismes internationaux de protection de l’enfance [14].

La loi de bioéthique de 2021 a alors entendu intervenir. Le législateur a en effet préféré accorder un délai relativement court pour inscrire la mention du sexe à l’état civil pour laisser le temps au médecin de décider du sexe de l’enfant, le temps de faire les analyses médicales nécessaires. Le médecin doit donc uniquement constater le sexe de l’enfant et non conformer le corps de l’enfant à un sexe.

Puisque le médecin doit décider du sexe de l’enfant dans ce court laps de temps, il n’est pas rare que des erreurs se produisent. Là encore, une protection particulière a été prévue à l’égard des enfants intersexués. Ces personnes intersexuées peuvent désormais modifier ultérieurement la mention de leur sexe à l’état civil. Cette possibilité est dérogatoire [15] à celle qui existe classiquement pour les personnes transgenres qui décident de changer de sexe puisqu’ici les enfants intersexués souhaitent simplement corriger une erreur.

Enfin, les opérations dites de normalisation sont fortement encadrées et limitées par l’arrêté précité du 15 novembre 2022. Ce dernier prévoit que pour tout traitement envisagé sur un enfant intersexué, il faudra obligatoirement évaluer la nécessité médicale de ce traitement. En fait, il faudra effectuer un contrôle de proportionnalité entre l’acte envisagé et son but poursuivi.
Dès lors, l’arrêté prévoit dans sa seconde partie que : « la seule finalité de conformation des organes génitaux atypiques de l’enfant aux représentations du féminin et du masculin ne constitue pas une nécessité médicale. Il convient d’attendre dans ce cas que le mineur soit apte à participer à la décision ».

Cette disposition vient donc fortement limiter le recours aux opérations de normalisation dans la petite enfance puisque ces dernières ne constituent pas une nécessité médicale et donc, sont susceptibles de constituer une atteinte à l’intégrité corporelle non justifiée par une nécessité médicale, ce qui est prohibé par l’article 16-3 du Code civil. Une opération pourra alors seulement être envisagée par exemple en cas de risque de cancer, ou encore en présence d’une malformation de la vessie due à la variation du développement génital, ce qui constituerait une nécessité médicale.

Nous ne sommes donc désormais plus dans l’optique précédente d’avoir une conformation du sexe de l’enfant dès sa naissance ou dans les 2 premières années de sa vie. Simplement, le médecin va tenter d’évaluer et non conformer le corps de l’enfant à un sexe ou à un autre. Ce changement de paradigme marque donc bien la volonté du législateur d’encadrer de plus en plus ces opérations de normalisation afin de mieux protéger les enfants intersexués.

Si aujourd’hui le législateur semble avoir pris en considération les enjeux majeurs liés aux opérations de normalisation des enfants intersexués en encadrant de plus en plus ces opérations moralement critiquables, il n’en demeure pas moins que des interrogations subsistent quant à la place du consentement de ces enfants intersexués, ces opérations demeurant possibles pour le mineur « apte à participer à la décision ».

B. La place encore trop marginale du consentement des enfants intersexués dans la prise de décision.

L’arrêté du 15 novembre 2022 se montre protecteur [16] s’agissant de la prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital, notamment en instaurant des centres spécialisés ainsi que des équipes médicales expertes en la matière. Une information des parents est également prévue par la troisième partie de cet arrêté [17].

L’arrêté prévoit que cette information doit être délivrée de façon « claire, loyale, adaptée et compréhensible ». Cela signifie que l’information doit être complète et transparente. Elle doit ainsi notamment comporter toutes les informations relatives aux caractéristiques de la variation du développement génital diagnostiquée et aux conséquences physiologiques et psychologiques possibles, à court, moyen et long termes, mais aussi toutes les conséquences en matière d’état civil (rectification de la mention relative au sexe…), toutes les informations relatives à la prise en charge proposée et ses objectifs, les perspectives de réévaluation, les conclusions de la concertation pluridisciplinaire nationale, les conséquences de la variation du développement génital observées sur la fertilité et les modalités de préservation envisageables, le risque éventuel de récurrence familiale et ses implications, les conséquences d’une éventuelle circoncision non thérapeutique sur les possibilités de prise en charge chirurgicale ultérieure, ainsi que les modalités d’accès au dossier médical de l’enfant.

L’idée étant que l’information doit permettre aux parents mais aussi à l’enfant d’apprécier le motif médical très sérieux qui motive un traitement spécifique de la variation du développement génital de l’enfant, mais également ses conséquences.

En effet, cette information des parents telle qu’elle est prévue par l’arrêté prévoit aussi une participation de l’enfant à la décision dès lors qu’il est apte : « L’enfant participe à la prise de décision selon son degré de maturité. Son consentement à l’acte médical et au traitement doit être systématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision ».

Cette participation est fortement critiquable dans la pratique. D’abord, c’est le terme de « participation » qui a été retenu et non le consentement de l’enfant. Ce choix illustre bien le fait que la place du consentement de l’enfant est fortement réduite. Ce dernier n’a en effet le droit qu’à une simple participation à la décision, mais il ne sera pas maître de la décision finale s’agissant de sa prise en charge et des traitements infligés. L’enfant est alors plus ou moins exclu de la décision.

Ensuite, il est fait référence au « degré de maturité de l’enfant ». Cette notion est en réalité floue et sera donc laissée à l’appréciation du médecin. Certains pourraient estimer que le degré de maturité de l’enfant sera suffisant dès lors qu’il aura la capacité de s’exprimer alors que d’autres diront qu’il faut attendre l’adolescence de l’enfant pour qu’il ait acquis un discernement suffisant.

L’adolescence est-elle nécessairement synonyme de maturité suffisante pour consentir à ce type d’opération ? Certaines personnes ont en effet rapporté avoir accepté des interventions chirurgicales à l’adolescence et les avoir regrettées ensuite, parce qu’elles n’avaient pu donner un consentement suffisamment éclairé [18] .

Par Laurine Krieger-Gall, Lucie Teodora Amaro, N’nan Tessougue étudiantes de la Clinique juridique One Health-Une seule santé, promotion 2022-2023
Sous la direction de Aloïse Quesne,
Maître de conférences en droit privé à l’Université Paris-Saclay,
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Notes de l'article:

[1E. Badinter, Fausse route, Odile Jacob, 2003, p. 196.

[2La Bible, Genèse 2, verset 22 : « l’éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme et l’amena vers l’homme ».

[3S. Mauclair, « Sexe, genre et indisponibilité : de l’assignation à la rectification », Personnes & Famille, mai 2016, nº 5.

[4CEDH, 25 mars 1992, n°13343/87, B. c/ France.

[5Ass. plén., C. Cass, 11 décembre 1992, n°91-11.900.

[6Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle, entrée en vigueur le 20 novembre 2018.

[7Nations Unies, Glossaire, disponible sur https://www.unfe.org/fr/definitions/

[8Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), Rnipp, 27 février 2017.

[9Obligation découlant de l’article 57 du Code civil.

[10Circulaire du 28 octobre 2011 relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation.

[11CE, « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », Étude à la demande du Premier ministre du 28 juin 2018, p. 129.

[12F. Grimstad, E. Rona Boskey et al., « The role of androgens in clitorophallus development and possible applications to transgender patients », Andrology, novembre 2021, p. 1673 à 1957.

[13Arrêté du 15 novembre 2022 fixant les règles de bonnes pratiques de prise en charge des enfants présentant des variations du développement génital en application de l’article L2131-6 du Code de la santé publique.

[14Le Comité des droits de l’enfant concernant le cinquième rapport périodique de la France en 2016 (CRC/C/FRA/CO/5, § 48), et le Comité contre la torture en 2015 (CAT/C/CHE/CO/7, § 20), le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes en 2016 (CEDAW/C/CHE/CO/4-5, § 24 et 25), et le Comité des droits de l’homme en 2017 (CCPR/C/CHE/CO/4, § 24 et 25), ont à chaque fois préconisé que l’État partie prenne toutes les mesures pour s’assurer que nul enfant ne sera soumis à une intervention chirurgicale non nécessaire visant à déterminer son genre.

[15Article 99 du Code civil modifié par la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique.

[16B. Moron-Puech, « Encadrement des soins sur les enfants intersexués : l’arrêté finalement publié », Intersexes et autres thèmes (juridiques), 14 déc. 2022, en ligne.

[17S. Paricard, « Prise en charge des enfants intersexes : les bonnes pratiques sont posées », Dalloz Actu., 28 nov. 2022, en ligne.

[18Sur ce point, v. A. Quesne, « Intersexuation et détermination du sexe de l’enfant : approche de droit comparé », in B. Mallevaey et A. Fretin (dir.), L’enfant et le sexe, Dalloz, Coll. Thèmes & Commentaires, 2021, p. 45 à 56.

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  • par Anne GIOVANDO , Le 18 juillet 2023 à 20:17

    Mesdames,

    Votre article est remarquable en tous points.
    Votre réflexion éclaire une réalité médicale et juridique méconnue et trop souvent laissée dans l’ombre ou, pire encore, dans l’obscurantisme.
    Le traitement de votre sujet est un instrument de réhabilitation des enfants intersexués et un vecteur de prise de conscience pour les avocats que nous sommes.
    Bien que spécialisée en droit de la santé, vos écrits m’ont également permis de découvrir la Clinique Juridique, dont j’ignorais le concept.
    Bien cordialement

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