A partir de septembre 2021, le Tribunal judiciaire commencera à juger près de 500 assignations de la ville de Paris dirigées contre des propriétaires pour leurs locations saisonnières présumées illégales. Des outils existent pour se défendre.
Il vous est proposé ici dix exemples parmi d’autres de motifs permettant d’obtenir une décision de rejet ou une condamnation réduite suite à une assignation par la ville de Paris sur le fondement de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation.
1. L’absence de preuve de l’usage du bien au 1er janvier 1970.
Un premier motif permettant d’éviter la condamnation du bailleur résulte de l’absence de preuve de l’usage du bien au 1er janvier 1970.
En effet, afin de démontrer un changement d’usage fautif, encore faut-il que soit apportée la preuve du changement d’usage de locaux à usage d’habitation. Il est donc nécessaire qu’il soit établi qu’initialement les locaux litigieux étaient à usage d’habitation. Pour ce faire l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation répute à usage d’habitation les biens qui étaient affectés à cet usage au 1er janvier 1970. Il est précisé que la preuve peut en être apportée par tout moyen.
En effet, dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation de 2019 et publié au Bulletin, la Cour rejette le pourvoi en considérant que la déclaration H2 datée de 1980 n’était pas un moyen de preuve de l’usage du local au 1er janvier 1970. De même, dans un autre arrêt de 2019 la Cour de cassation a également affirmé que la preuve d’un usage d’habitation datant de 2017 était inopérante.
Cette solution a été de nouveau confirmée dans un arrêt rendu en 2020 et par lequel la Cour de cassation indique, de manière non équivoque, que la preuve d’un usage d’habitation à une date postérieure à 1970, tel que l’achat d’un appartement en 1980, est inopérante.
Venant appuyer encore une fois la jurisprudence constante, un arrêt récent rendu en 2021 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, est venu renforcer ce courant jurisprudentiel constant depuis 2019, en considérant que ne pouvait valablement suffire à démontrer l’usage du bien à la date du 1er janvier 1970 la déclaration H2 datée de 1978, mais également le relevé cadastral qui ne mentionnait pas une absence de travaux postérieurement au 1er janvier 1970.
En outre, la Cour d’appel a précisé, notamment, dans un arrêt de 2018, que les relevés de propriété postérieurs au 1er janvier 1970, ils dataient en l’espèce de 1989, ne permettent pas de prouver l’usage d’habitation du bien. Dans le même arrêt elle écarte une déclaration R datant de 1970 mais qui n’apporte de pas de précision sur l’usage du bien ainsi qu’un règlement de copropriété antérieur au 1er janvier 1970, qui datait de 1955.
2. L’absence de preuve de location impliquant un changement d’usage.
Dans la continuité de la preuve de l’usage d’habitation de l’immeuble, il est nécessaire d’apporter la preuve du changement d’usage résultant de sa location répétée pour de courtes durées. C’est ainsi sur le motif de l’absence de preuve du changement d’usage que la Cour d’appel de Paris a rejeté plusieurs condamnations de propriétaire.
Notamment, dans l’un de ses arrêts en date de 2018, la Cour d’appel de Paris a considéré que la preuve du changement d’usage était insuffisante dès lors que les commentaires de l’annonce n’étaient pas probants et que le rapport d’infraction qui n’avait pas été rédigé par le contrôleur assermenté était nul.
3. L’absence de locations « répétées pour de courte durées » au sens de l’article L631-7 du Code de la construction.
On remarque que la Cour d’appel de Paris est sensible à la durée des locations ainsi qu’à leur récurrence. Si l’on se réfère à la lettre de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation, il énonce que constitue un changement au sens du texte « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile ». Ainsi, la Cour d’appel de Paris recherche systématiquement que le bien ait effectivement fait l’objet de locations répétées et de courtes durées et se faisant, elle a eu l’occasion de préciser ce qu’il fallait entendre par là.
En effet, dans un grand nombre d’arrêts la Cour d’appel de Paris a débouté la ville de Paris en se fondant sur la brièveté des locations ou leur ponctualité. Notamment, elle a précisé dans un arrêt de 2018, que ne constituaient pas des locations de courtes durées les locations inférieures à 1 an ou 9 mois lorsque le local est loué à un étudiant.
De même, sur la condition de répétition, elle a considéré, dans plusieurs arrêts rendus en 2018, que la preuve d’une telle répétition n’était pas apportée dès lors que la ville de Paris ne pouvait justifier que d’une seule mise en location sur l’année considérée.
Enfin, dans ce cadre, la Cour d’appel de Paris est attentive à la bonne foi du propriétaire bailleur et notamment la signature de baux de longue durée permettant de prouver le retour à l’usage d’habitation.
Le juge des référés opère les mêmes vérifications comme cela ressort de plusieurs ordonnances rendues en 2017 et 2018.
4. L’erreur dans le constat.
En miroir des précédents motifs, dans plusieurs de ses arrêts la Cour d’appel de Paris fonde son rejet sur des erreurs dans le constat d’infraction et qui lui ôte toute force probante.
A titre d’exemple, dans un arrêt de 2019, la Cour d’appel de Paris a relevé un défaut de signature du constat d’infraction qui lui faisait perdre toute force probante.
Dans une autre espèce le constat produit par la ville Paris faisait état de l’absence de meubles dans le logement ce sur quoi s’est fondée la Cour d’appel de Paris, dans arrêt rendu en 2018, pour écarter la qualification de location meublée touristique du bien.
5. L’ignorance de la location litigieuse par le propriétaire.
Dès lors qu’il peut être prouvé que le propriétaire ignorait l’usage fait par son locataire de son logement sa condamnation est écartée.
En effet, cette solution avait tout d’abord été dégagée par un arrêt de 2017 rendu par la Cour d’appel de Paris qui a rejeté la demande de condamnation de la ville de Paris au motif que le bailleur ignorait tout de l’usage que son locataire faisait de son bien.
Dans cette affaire, le propriétaire avait confié la gestion de son appartement à une société de gestion et que le contrat de bail autorisait la sous-location.
Cette solution a été rappelée devant le juge des référés dans une ordonnance rendue en 2018 et en présence de faits similaires impliquant un locataire professionnel de l’immobilier.
6. Preuve de la résidence principale et respect du plafond des 120 jours.
La mise en location des résidences principales est soumise à un régime spécifique.
En effet, en vertu de la loi Elan, les locations pour de courtes durées et de façon répétées de résidences principales ne peuvent pas dépasser les 120 jours par an sous peine du prononcé d’une amende avec astreinte.
Par conséquent, pour condamner un bailleur sur le fondement de l’article L631-7 du Code de la construction et de l’habitation, il doit être prouvé que la location ne concernait pas une résidence principale mais bien une résidence secondaire.
Ainsi, dans plusieurs arrêts rendus en 2018, la Cour d’appel de Paris a débouté la ville de Paris au motif que la preuve de ce que le local était une résidence secondaire n’avait pas été apportée.
Dans le même élan jurisprudentiel la Cour d’appel de Paris apporte des précisions sur les éléments qu’elle retient afin d’établir la nature de résidence principale de l’immeuble. Il ressort de deux arrêts de 2018 que la preuve de la résidence principale peut être établie par la production d’une carte électorale, de contraventions, des attestations sur l’honneur de proches ainsi que des témoignages de voisins.
De la même façon, le juge de référés a accepté comme preuve la taxe d’habitation, la production de factures d’électricité, des relevés d’imposition ou encore des certificats de scolarité.
Outre les motifs permettant de rejeter la condamnation du bailleur, certaines situations et comportement permettent d’alléger la condamnation.
7. La régularisation de la situation.
Dans de très nombreux arrêts la Cour d’appel de Paris prend en compte la régularisation de sa situation par le bailleur et se faisant prononce à son égard une condamnation allégée.
A titre d’exemple, un arrêt de 2019, la Cour d’appel de Paris relève l’absolue bonne foi d’un propriétaire qui avait immédiatement désactivé toutes les annonces litigieuses et qui avait coopéré avec la ville de Paris en fournissant leur déclaration de revenus et toutes les informations requises par elle.
Dans une autre espèce, le juge des référés a, en 2018, condamné le contrevenant à une amende civile de 3 000 euros seulement en relevant la bonne foi du bailleur qui avait démontré la régularisation de sa situation en produisant un bail renouvelable.
8. Les faibles revenus tirés de la location.
Le juge prend également en compte, dans le cadre de la peine d’amende prononcée, l’importance des revenus perçus par le bailleur. Ainsi, la modicité des revenus est un facteur d’allègement de la condamnation.
Notamment, le juge des référés dans de nombreuses ordonnances vise spécifiquement la modicité des revenus aux côtés d’autres critères tels que la bonne foi du bailleur ou la régularisation de la situation.
On retrouve cette même attention dans certains arrêts de la Cour d’appel de Paris qui à titre d’exemple, dans un arrêt de 2018, veille à prendre en compte le loyer réel tiré de la location et non pas le bénéfice théorique qui pourrait être annoncé par la ville de Paris.
9. Les motifs personnels.
Lors de la détermination du montant de l’amende, le juge prête attention à la situation personnelle du bailleur. Notamment, il prend en considération des motifs d’ordre personnel afin de minorer la condamnation.
Au titre de ces motifs personnels, dans un arrêt de 2018 la Cour d’appel de Paris prend en compte l’âge du bailleur qui était une personne âgée ainsi que le montant de sa pension de retraite annuelle.
Dans une ordonnance de référé datant de la même année le juge des référés prend en compte les problèmes de santé du bailleur.
10. La vente de l’appartement.
Enfin, les juges apprécient également dans la détermination de l’amende les démarches entreprises par le propriétaire en vue de la vente de l’immeuble.
En effet, cela ressort notamment d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris en 2018 ainsi que de deux ordonnances de référés de 2017. En particulier, la Cour d’appel de Paris a pu relever les démarches rapides de régularisations du propriétaire ainsi que la signature d’une promesse unilatérale de vente.
Conclusion.
Chaque situation de propriétaire assigné étant différente, il est essentiel d’appliquer la jurisprudence la plus adaptée à la défense retenue. L’apport de la jurisprudence est donc fondamentale pour une défense efficace.
Ces développements se fondent sur la jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris ainsi que sur certaines ordonnances de référés pertinentes, toutes postérieures à l’année 2017. L’ensemble des références jurisprudentielles des arrêts et ordonnances mentionnés et ayant servis de support à la rédaction de cet article sont entièrement reproduites dans l’ouvrage suivant :