L’approche holistique du droit : une réponse aux défis de la complexité juridique et économique contemporaine.

Par Dorian-Jacob Le Bay, Juriste.

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Les transformations contemporaines nécessitent une réévaluation des cadres juridiques traditionnels. L'approche holistique du droit, en intégrant divers systèmes d'interaction, permet d'adresser les enjeux complexes actuels, en conciliant les dimensions juridiques, économiques, sociales et écologiques pour des solutions plus justes et durables.
Description rédigée par l'IA du Village

Face aux défis croissants de notre époque - crise climatique, mutations économiques, transformations sociales et avancées technologiques - le droit ne peut plus se limiter à des cadres compartimentés et linéaires. Une approche holistique, intégrant les interactions complexes entre les normes juridiques, les dynamiques économiques, les enjeux sociaux et les impératifs écologiques, s’impose comme une voie d’avenir.

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Les mutations rapides qui affectent la société contemporaine - qu’elles soient environnementales, économiques, sociales ou technologiques - exigent plus que jamais une reconfiguration des cadres juridiques traditionnels. Or, l’approche holistique du droit offre une voie prometteuse, en prenant en considération non seulement l’ensemble des règles et principes juridiques, mais également les multiples systèmes (sociaux, économiques, écologiques, éthiques) au sein desquels ces normes s’insèrent. Nourrie par les théories de la complexité (Morin, (1977), le réalisme juridique (Llewellyn, 1930) et l’analyse systémique (Luhmann, 1995), cette démarche entend dépasser la compartimentation du savoir pour promouvoir une vision intégrée et dynamique du droit, désormais indissociable des réalités économiques qui structurent nos sociétés.

I. De la fragmentation à l’intégration : fondements de l’approche holistique.

Le concept d’ « holisme » provient du grec holos qui signifie « entier » ou « globalité ». En matière juridique, il revient à envisager les normes non pas comme des entités isolées, mais comme des composantes d’un vaste maillage d’interactions complexes. Niklas Luhmann [1] souligne que le droit constitue un sous-système en lien permanent avec d’autres sphères, qu’elles soient politiques, culturelles, écologiques ou économiques. Ainsi, faire abstraction des corrélations profondes entre les normes juridiques et les mécanismes économiques revient à priver le droit d’une partie de son effectivité.

François Ost [2] incite à dépasser l’architecture hiérarchique et linéaire des normes au profit d’une approche en réseaux, où règles et principes tissent un ensemble cohérent. Cet élan rejoint l’empirisme [3] pour qui les règles de droit doivent être évaluées à l’aune de leurs conséquences concrètes, y compris sur le plan économique. Plus largement, Edgar Morin invite à mobiliser différentes disciplines - sociologie, économie, sciences politiques - pour cerner la totalité des phénomènes étudiés, démarche indispensable pour appréhender la complexité des faits et des marchés [4].

II. Les insuffisances des approches fragmentées : exemples et illustrations.

La spécialisation extrême du droit, qui a donné naissance à de multiples branches telles que le droit de l’environnement, le droit des affaires ou encore le droit animal, pour ne citer qu’eux, peut se révéler inadaptée à la transversalité des enjeux contemporains, notamment d’ordre économique.

1. Droit de l’environnement et économie.

Les problématiques relatives à la crise climatique, telles que mises en évidence par l’Accord de Paris de 2015 [5] ou par la jurisprudence Commune de Grande-Synthe [6], s’entrecroisent avec les dynamiques économiques mondiales. Les politiques de transition énergétique ou d’économie circulaire requièrent une révision en profondeur des modèles de production et de consommation, tout en interrogeant la responsabilité de l’État et la soutenabilité des investissements privés.

2. Droit des entreprises en difficulté.

Les procédures prévues par le Code de commerce (articles L620-1 et suivants [7]) et réformées par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 [8] exigent de dépasser la seule relation débiteur-créancier. Les tribunaux et les acteurs de la procédure doivent également intégrer la dimension macro-économique (impact d’une faillite sur l’emploi, l’investissement, le marché local) ainsi que les considérations environnementales (mise en conformité des sites industriels, gestion des passifs polluants) et sociales (reconversion professionnelle, cohésion territoriale).

3. Droit animal et économie rurale.

Les questions liées au bien-être animal (Code rural et de la pêche maritime, articles L214-1 et suivants [9] ; règlement CE 1099/2009 [10] ; loi n° 2021-1539 [11]) ne peuvent être séparées des réalités économiques qui structurent les filières d’élevage et la grande distribution. Les impératifs de rentabilité, la sécurité alimentaire et les enjeux de compétitivité mondiale interfèrent directement avec les exigences éthiques et environnementales, rendant l’approche sectorielle inopérante.

En somme, une décision prise sur la seule base d’une règle juridique abstraite, sans tenir compte des externalités économiques, sociales ou écologiques, est vouée à s’avérer incomplète, voire à susciter de vives contestations.

III. Vers une pratique holistique : outils et méthodes.

1. Analyse multicritère et Big Data.

L’avènement de l’intelligence artificielle et de l’analyse de données massives (Big Data) offre des outils puissants pour saisir la complexité des processus économiques et de leurs implications juridiques. Ainsi, dans les affaires climatiques, le recoupement de données scientifiques [12], d’indicateurs économiques [13] d’études de marché et de consultations publiques permet de mesurer l’impact global de certaines politiques (taxe carbone, subventions vertes, etc.) avant l’adoption de nouvelles normes.

2. Approches participatives et médiation.

Les modes alternatifs de règlement des litiges (médiation, arbitrage, justice restaurative) favorisent un dialogue approfondi entre les parties, permettant d’éclairer non seulement les intérêts juridiques, mais aussi les considérations économiques et sociales sous-jacentes. Dans les conflits impliquant des acteurs économiques (entreprises, syndicats, associations de protection de l’environnement), la médiation peut offrir un espace d’échange propice à l’élaboration de solutions durables et mutuellement avantageuses.

3. Legal design et accessibilité du droit.

Rendre le droit plus compréhensible et plus transparent - par la simplification des textes, l’usage d’un langage accessible ou encore l’introduction du legal design - contribue à une meilleure participation de toutes les parties prenantes, qu’il s’agisse d’entreprises, de citoyens ou d’organisations non gouvernementales. Cette accessibilité facilite la prise en compte des impératifs économiques et renforce la légitimité des décisions prises.

IV. Défis et Perspectives d’un droit holistique.

En dépit des apports indéniables de l’approche holistique, sa mise en œuvre se heurte à plusieurs difficultés :

  • Formation juridique : l’enseignement juridique se limite souvent à une spécialisation sectorielle, laissant peu de place aux matières économiques ou à la pensée systémique. L’émergence d’une génération de juristes aptes à manier l’analyse économique, la sociologie ou l’écologie est pourtant indispensable pour répondre aux défis actuels.
  • Résistance culturelle : les professionnels du droit, historiquement formés à un raisonnement cloisonné, peuvent se montrer réticents à l’idée de transcender les frontières disciplinaires. Dans le même temps, les acteurs économiques ne sont pas toujours prêts à intégrer dans leur stratégie les contraintes juridiques et environnementales de long terme, préférant souvent une approche centrée sur le rendement immédiat.

Malgré tout, l’approche holistique se révèle particulièrement pertinente à l’ère de l’Anthropocène, dans la mesure où elle conjugue les impératifs d’équité, d’efficacité et de soutenabilité. En prenant la pleine mesure des dynamiques économiques et en les intégrant aux considérations environnementales et sociales, elle contribue à l’émergence d’un droit à la fois souple, inclusif et capable de faire face à la complexité croissante des échanges mondiaux.

Conclusion.

Compte tenu des crises plurielles de notre époque - qu’il s’agisse de la transition énergétique, de la sauvegarde de la biodiversité, de la régulation des marchés financiers ou encore de la protection des droits des êtres vivants (humains et non-humains) - le droit se doit d’évoluer pour appréhender la complexité des réalités contemporaines. L’approche holistique, en favorisant une lecture globale des phénomènes juridiques, économiques, écologiques et sociaux, se pose en réponse adéquate pour forger des solutions plus justes et plus durables.

Dorian-Jacob Le Bay
Juriste - Legal Designer
Doctorant en droit bancaire et financier
Droit des affaires : droit de la distribution bancaire, droit des assurances, droit du numérique et droit des entreprises en difficulté
dorian-jacob.lebay chez objectifprojet.fr

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Notes de l'article:

[1Luhmann, Niklas, "Law as a Social System", 1995.

[2Ost, François & Van de Kerchove Michel, "De la pyramide au réseau ? pour une théorie dialectique du droit", Pu De Saint Louis, 2022.

[3Llewellyn, Karl, "The Bramble Bush : The Classic Lectures on the Law and Law School", Oxford University Press, U.S.A, 2008.

[4Morin, Edgar, "La Méthode", 1977-2006.

[5Accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015.

[6CE, 6e-5e ch. réunies, 1er juill. 2021, n° 427301, Rec. Lebon.

[7Articles L620-1 et suivants du Code de commerce.

[8Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce.

[9Articles L214-1 et suivants Code rural et de la pêche maritime.

[10Règlement (CE) n° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.

[11Loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes.

[12Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), 2023.

[13Banque Mondiale, "Justice for Development", 2022.

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