L'application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en matière fiscale, par Olivier Gandin

L’application de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme en matière fiscale, par Olivier Gandin

5485 lectures 1re Parution: Modifié: 4.55  /5

Explorer : # droits de l'homme # sanctions fiscales # procédure judiciaire # conseil d'État

-

La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH) a été signée le 4 novembre 1950 dans le cadre du Conseil de l’Europe. Cette convention produit des effets à l’égard de la France depuis le 3 mai 1974.
Source de nombreuses avancées processuelles, les droits reconnus par les hautes parties contractantes font l’objet d’une application hétérogène en matière de sanctions fiscales.

Article fortement cité en cas de contentieux fiscal, l’article 6§1 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme dispose que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès à la salle d’audience peut être interdit […] ».
Cet article a été reconnu comme étant applicable aux sanctions ayant un caractère de condamnation (CE Avis « Auto-Méric » 31 mars 1995, CEDH « Bendenoun contre France » 24 février 1994) mais il n’a pas d’incidence sur la procédure fiscale. (CEDH 8 février 2000 « Bossand contre France »)

Dans la plupart des affaires soumises au juge de l’impôt, les requérants invoquent l’impossibilité pour le juge de modulation des condamnations ce qui équivaudrait à l’absence d’un recours juridictionnel plein et entier.

La Cour de Cassation apparait adopter une position restrictive sur l’application de l’article 6§1 CESDH. Elle a, par exemple, pu estimer que les intérêts de retard, prévus à l’article 1727 du Code Général des Impôts, « ne constituent pas des sanctions relevant de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme. »

Lorsqu’ il est saisit d’un recours fondé sur un tel moyen, le Conseil d’Etat va considérer que le juge exerce un contrôle plein et entier sur l’appréciation des faits ainsi que sur la qualification retenue par l’administration fiscale. De par son pouvoir de révision, le juge peut maintenir ou diminuer le taux de majoration retenu par les services fiscaux.

Le Conseil d’Etat dénie, ainsi, un quelconque pouvoir de modulation du juge. Il semble rester attaché à la distinction entre pouvoir de reformation et pouvoir de modulation.

Néanmoins, il est des cas où le législateur a pu prévoir un tel pouvoir de modulation par le juge. Ce dernier a du se prononcer sur l’application de textes ne prévoyant pas une automaticité de sanction. Le juge européen (CEDH « Malige contre France » 23 septembre 1998) et le Conseil d’Etat (Avis « Fatall » 8 juillet 1998) vont vérifier l’existence du caractère proportionnel de la sanction et si la procédure de condamnation répond aux exigences de l’article 6§1 CESDH. Néanmoins, dans une telle hypothèse, le juge semble ne se reconnaître qu’un pouvoir de reformation et non de modulation. Cette solution peut être amenée à évoluer eu égard au relatif flou jurisprudentiel sur cette question. Aucune décision de principe, concernant un texte prévoyant des sanctions automatiques, ne semble être intervenue.

Autre article fréquemment invoqué par les requérants, l’article 13 CESDH ouvre droit à un recours effectif devant les autorités nationales en cas de violation d’un droit reconnu par la convention. L’application de cet article aux sanctions fiscales semble être relativement marginale malgré son importance au sein de la convention européenne. La jurisprudence française ainsi que celle de la Cour européenne n’apparait pas démontrer de contrariétés entre cet article et notre droit positif actuel. (Ex : respect de l’article 13 CESDH par l’article R196-1 LPF concernant le point de départ du délai de réclamation).

La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme a fait l’objet de différents protocoles additionnels. L’article premier du premier protocole additionnel reconnait le droit au respect des biens et de la propriété privée. Cette disposition est applicable en matière de sanctions fiscales. (Conseil d’Etat 22 mai 2002 « SARL Berre Station » ) La jurisprudence a, globalement, pu relever l’absence de contrariété entre les sanctions fiscales litigieuses et cette disposition.

L’article 4 du septième protocole additionnel dispose que : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat. »

Selon la Cour européenne et le juge français, un requérant ne peut se fonder sur cette disposition pour contester un cumul dans l’application de sanctions pénales et fiscales. Ces dernières ne sont, en effet, pas de la même nature. (CEDH « Ponsetti contre France » 14 septembre 1999)

La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme n’apparait pas révolutionnaire dans l’application des sanctions fiscales. Néanmoins, cette situation peut connaitre de sensibles bouleversements sur la question du pouvoir de modulation du juge.

OLIVIER GANDIN

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

31 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27854 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs