Le décret 2016-1876 du 27 décembre 2016 portant diverses dispositions relatives à l’aide juridique mérite quelques commentaires en ce qu’il concerne la procédure d’appel.
L’article 38 du décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique impliquait, jusqu’au décret du 27 décembre 2016 que la demande d’aide juridique n’interrompait pas le délai d’appel. L’article 38-1 l’exposait d’ailleurs clairement : … la demande d’aide juridictionnelle n’interrompt pas le délai d’appel.
L’appel devait donc être interjeté dans le délai et en contrepartie, en quelque sorte, les délais des articles 902, 908 à 910 étaient interrompus ainsi qu’il résultait de l’article 38-1.
Cependant, le décret du 27 décembre 2016 vient changer radicalement la situation, puisque l’article 38 est ainsi modifié : « Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : » ;…
L’appel est traité à présent comme le pourvoi en cassation : le délai d’appel est interrompu par la demande d’aide juridictionnelle.
Une lecture rapide de ce nouveau texte incite à se féliciter d’une réforme qui vient harmoniser les modalités de recours.
Mais il faut envisager les dommages collatéraux : le nouveau texte s’il n’est pas rapidement modifié risque d’entrainer quelques difficultés.
La présente note ne fait pas une analyse complète du texte, ne commente pas, par exemple, l’absence d’effet d’une seconde demande juridique, mais attire l’attention sur trois points : les effets de la demande, la qualification juridique de ces effets et la date d’entrée en vigueur.
A. Sur les effets de la demande d’aide juridique
Le décret de 1991 ne donnait aucun effet à la demande d’aide juridictionnelle sur la procédure d’appel. Mais la nouvelle procédure issue du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 était incompatible avec les délais d’instruction des demandes d’aide juridique. Les délais de la procédure d’appel très rigoureux ne pouvaient plus être tenus en présence d’une demande d’aide juridictionnelle aussi le décret 2009-1524 était venu créer un article 38-1 dans le décret de 1991, article qui, dans sa rédaction issue du décret n°2011-272 du 15 mars 2011 - art. 4, précisait : Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article 39, la demande d’aide juridictionnelle n’interrompt pas le délai d’appel.
Cependant, le délai imparti pour signifier la déclaration d’appel, mentionné à l’article 902 du Code de procédure civile, et les délais impartis pour conclure, mentionnés aux articles 908 à 910 du même code, courent à compter :
a) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande
b) De la date à laquelle la décision d’admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;
c) Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
L’article 9 du décret du 27 décembre 2016 abroge purement et simplement cet article 38-1 de telle sorte que les délais des articles 902, 908, 909 et 910 ne sont plus interrompus par la demande d’aide juridictionnelle.
Deux conséquences graves peuvent en découler :
1) D’une part, l’appelant qui régularise son appel avant d’avoir demandé à bénéficier de l’aide juridique et obtenu une décision sur cette demande, ne bénéficie pas de l’interruption des délais de procédure et doit donc conclure et éventuellement assigner dans les délais.
Puisque l’article 38-1 est abrogé les délais des articles 902 et suivants du Code de procédure civile ne sont plus interrompus par la demande d’aide juridique : seul le délai d’appel est interrompu.
2) D’autre part, le décret de 1991 ne comportant plus de référence aux articles 909 et 910, l’intimé qui entend bénéficiait de l’aide juridictionnelle doit néanmoins conclure en réponse, faire un appel incident voir appel un appel provoqué contre une personne qui n’est pas intimée et assigner en conséquence dans les délais des articles 909 ou 910.
Ainsi non seulement l’intimé se voit imparti des délais très inférieurs à ceux de l’appelant, mais en outre, sa situation financière, qui par hypothèse pourrait compromettre son accès au droit, n’est pas pris en considération et sa demande d’aide juridictionnelle, si l’on s’en tient à une lecture stricte du nouveau texte, n’a aucun effet sur les délais qui lui sont impartis par le code de procédure civile.
B. Sur la qualification juridique de l’effet de la demande d’aide juridique
Il a été dit ci-dessous que le délai d’appel est interrompu par la demande d’aide juridique.
Mais en réalité, l’article 38 ne dit que la demande d’aide juridique a un effet interruptif. Le texte dispose que l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter.
La formule antérieure a ainsi été reprise, elle est sans doute trompeuse car la demande d’aide juridique ne suffit pas à interrompre les délais mais il faut que la décision d’aide judiciaire soit elle-même suivi de l’exercice effectif de l’appel dans le délai initial qui recommence à courir
a) De la notification de la décision d’admission provisoire ;
b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
c) De la date à laquelle la décision d’admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ;
d) Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
N’eut-il pas été plus simple de dire simplement que le délai de recours ou d’appel était interrompu jusqu’à l’un de ces événements ?
C. Sur la date d’entrée en vigueur du nouveau texte
Bien qu’ayant une influence sur la procédure, le nouveau texte ne s’applique pas aux jugements ou au recours postérieurs à son entrée en vigueur. Aux termes de l’article 50 du décret du 27 décembre 2016, les dispositions des articles 8, 9, 10, 13, 20 et 28 du présent décret sont applicables aux demandes d’aide juridique faisant l’objet d’une décision intervenue à compter du 1er janvier 2017.
Au-delà de la qualité contestable de la rédaction de ce texte, celui-ci ne peut pas manquer de surprendre.
En effet, si la décision d’aide juridique intervient après le 1er janvier, le bénéficiaire de cette aide ne peut plus se prévaloir de l’article 38-1 qui est abrogé : dans bien des cas les délais qui lui étaient impartis, qu’il soit appelant ou intimé, en application des articles 902 et 908 à 910, seront expirés !
On peut espérer que sera pris en considération non pas le texte lui-même de l’article 50 dans sa formulation obscure, mais le texte de présentation du décret entré en vigueur : le texte entre en vigueur le lendemain de sa publication à l’exception des dispositions de l’article 16, du 1° de l’article 17 et des 1°, 2°, 4° et 5° de l’article 48 du présent décret qui sont applicables à compter du 1er janvier 2016 en application de l’article 42 de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 et des dispositions des articles 8, 9, 10, 13, 20 et 28 qui sont applicables aux demandes d’aide juridictionnelle présentées à compter du 1er janvier 2017.
Ainsi éclairé par la présentation du décret, l’article 50 impliquerait que soit pris en compte non pas la date de la décision d’aide juridictionnelle, mais celle de la demande. Outre une contradiction entre les termes initiaux et les termes finaux du décret, on peut constater une insécurité juridique.
Si une demande d’aide juridique a été faite avant le 1er janvier : le délai d’appel n’est pas interrompu par la demande alors même que le jugement serait signifié après le 1er janvier !
Et pour l’intimé, celui qui a fait sa demande avant le 1er janvier bénéficierait de la prorogation des délais 909 et 910 alors que celui qui a fait sa demande après n’en bénéficiera pas…
Bonne année à ceux qui acceptent d’intervenir au titre de l’aide juridique.
Discussion en cours :
bonjour,
mon avocat me dit ne plus pouvoir accepté l’aide juridictionnelle après que mes adversaires est perdu en première instance et on fait un appel, mon aide juridictionnelle totale ne prend pas en compte si un appel est formulé ?
cordialement