L’agent commercial et son pouvoir de négocier.

Par Laurent Ferracci, Avocat.

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Dans un arrêt du 08 décembre 2020, la Cour de cassation fait adopter la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18) selon laquelle un mandataire ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont il assure la vente, pour le compte de son mandant, pour être qualifié d’agent commercial.

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Il est fréquent que l’on s’interroge sur la qualification de contrats aux dénominations diverses (intermédiaire, apporteur d’affaire…) afin de déterminer si ces contrats en question ne sont pas assimilables à des contrats d’agents commerciaux.

Les conséquences financières de tels débats ne sont pas neutres. En particulier, si le contrat a été rompu, la reconnaissance du statut d’agent commercial ouvrira notamment droit à une indemnité compensatrice au profit dudit agent, comme le prévoit expressément l’article L134-12 du Code de Commerce.

La question « ce contrat serait-il en réalité un contrat d’agent commercial ? » se pose donc souvent a posteriori, et devant les tribunaux. Pour y répondre, ceux-ci vont examiner le contrat à la lumière de l’article L134-1 qui définit ce statut de la façon suivante :

L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux.

Le pouvoir de « négocier » est la première caractéristique retenue par le Code de Commerce, et il y a lieu, sur ce point, de s’intéresser à la décision rendue le 2 décembre par la Cour de Cassation [1].

Dans cette affaire, une société spécialisée dans l’édition et la commercialisation de produits de loisir a conclu avec un mandataire, une convention tenant à lui confier pour une durée indéterminée, la prospection de ses clients sur un secteur géographique déterminé. Le mandataire revendiquant le statut d’agent commercial a assigné la société en résiliation du contrat aux torts de cette dernière.

La Cour d’Appel de Paris [2] avait exposé à titre liminaire qu’aucune définition précise n’est apportée sur cette notion de négociation et déclaré ainsi qu’en l’absence de précision, il y avait lieu de se fonder sur l’interprétation stricte de la Cour de Cassation.

Pour étayer ses propos, la Cour d’appel de Paris avait rappelé de précédentes décisions de la Cour de cassation sur l’agent commercial et met en évidence que ce dernier doit posséder une marge de manœuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation [3].

Elle soulignait ainsi, que la notion de négociation ne pouvait s’entendre comme la seule possibilité de faire de la promotion de produit, à la seule prospection de la clientèle ou à un rôle d’intermédiaire passif, et confirmait le jugement de première instance qui avait débouté le mandataire.

Toutefois, dans son arrêt du 08 décembre 2020, la Cour de cassation casse l’arrêt rendue par la Cour d’Appel en se calquant sur l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18) selon lequel l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété au sens qu’une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente, pour le compte du commettant, pour être qualifié d’agent commercial.

Ainsi, la Cour de Cassation semble prendre un position différente que celle prise précédemment en interprétant plus souplement la faculté de négociation de l’agent commercial.

La reconnaissance du statuts d’agent commercial n’implique donc plus nécessairement la faculté de modifier les prix.

Les mandataires confrontés à des interrogations au sujet de la nature de leur contrat seront donc bien inspirés de consulter un avocat afin d’examiner leur situation, voire de la ré-examiner à la lumière de cette nouvelle jurisprudence.

Maître Laurent FERRACCI
Avocat au barreau de Montpellier
laurent chez ferracci.fr
http://www.ferracci.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. com., 2 déc. 2020, n° 18-20.231, Publié au bulletin.

[2CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 3 mai 2018, n° 15/19214.

[3Com., 14 juin 2005, n°03-14.401, Com, 10 octobre 2018, n°17-17.290.

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