Victime de violences conjugales, pour quelle procédure opter ?

Par Léa Smila, Avocat.

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Explorer : # violences conjugales # procédure civile # procédure pénale # indemnisation des victimes

Vous êtes victimes de violences conjugales, il vous est possible de saisir le juge aux affaires familiales pour solliciter une ordonnance de protection mais également de porter plainte et de vous constituer partie civile si une procédure pénale est déjà en cours.

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Vous êtes victimes de violences conjugales et vous ne savez pas quel juge saisir.

Il vous est possible de vous orienter soit vers une procédure civile soit vers une procédure pénale.

En effet, sur le plan civil lorsque vous êtes victime de violences conjugales (violences physiques ou psychiques), il est possible de saisir le juge aux affaires familiales (JAF) afin de solliciter une ordonnance de protection.

Il convient dans ce cas de constituer un dossier très solide afin de démontrer au juge aux affaires familiales les violences que vous subissez (procédure pénale, certificats médicaux...).

Cette procédure permet notamment de saisir dans un temps très court le JAF et en dehors de toute procédure pénale de solliciter de ce dernier qu’il interdise à votre époux ou à votre concubin d’accéder à votre domicile, d’entrer en contact avec vous ou vos enfants, de porter une arme s’il dispose d’un port d’arme, de vous attribuer la jouissance du domicile conjugale à titre exclusif, de se prononcer sur les mesures relatives aux enfants...

Toutefois, si cette procédure d’ordonnance de protection est avantageuse car rapide, son inconvénient majeur réside dans le fait que les mesures prises par le juge aux affaires familiales sont provisoires et ne sont valables que quatre mois.

Il faudra alors à nouveau saisir le juge aux affaires familiales soit dans le cadre d’une procédure de divorce, soit dans le cadre d’une requête en fixation du droit de visite et d’hébergement par exemple lorsqu’il y a des enfants.

Concernant le volet pénal, le cas le plus fréquent reste celui où à la suite de violences, le mis en cause est placé en garde à vue.

Pendant cette procédure de garde à vue, la victime va alors être invitée par les services de police à déposer plainte, ses blessures vont être constatées par les services de police et également par les médecins des unités médico légales.

A la suite de ces premières constations, un certificat médical initial descriptif sera rendu sur lequel seront notés les différents préjudices subis et qui surtout fixera le nombre de jours d’Incapacité Totale de Travail (ITT).

Ce certificat médical est très important car il vient décrire l’état de la victime immédiatement à la suite des violences mais surtout va orienter la procédure car en fonction du nombre de jours d’ITT, le mise en cause ne sera pas nécessairement poursuivi pour la même infraction et le tribunal compétent ne sera pas le même.

Une fois la garde à vue terminée, en cas de violences conjugales il est très fréquent que le mis en cause soit déféré directement devant un tribunal. Il se peut toutefois qu’il soit convoqué à une audience ultérieure en fonction de la gravité des faits.

La victime qui a souhaité déposer plainte est alors informée de la date d’audience.

Il est alors vivement conseillé - même si tout cela se passe dans un temps très court - de se présenter à cette audience assisté d’un avocat afin de se constituer partie civile.

Lors de cette audience devant un tribunal correctionnel statuant en chambre collégiale ou à juge unique en fonction du nombre de jours d’ITT, les faits vont être abordés. Le mis en cause pourra s’expliquer ainsi que la victime.

A l’issu de cette audience, le tribunal devra prendre une décision concernant le mis en cause et la peine à prononcer : soit le mis en cause est relaxé, soit il est condamné.

Lorsque les faits sont établis et en fonction de leur gravité, il est possible qu’un mandat de dépôt soit prononcé (la personne est directement placée en détention) ou alors qu’une peine soit prononcée assortie d’un sursis ou d’un sursis mis à l’épreuve interdisant au mis en cause de se rapprocher de sa victime.

Mais le tribunal devra également se prononcer sur l’indemnisation à accorder à la victime. Il faut alors être capable de chiffrer le montant de son préjudice et ce n’est pas toujours évident. Beaucoup de victimes se présentant seule à l’audience sont complètement perdues même si aidées un peu par le tribunal...

Tout d’abord, il convient de savoir qu’il n’est pas possible de solliciter autre chose que des dommages et intérêts pour « souffrance morale » si votre CPAM n’a pas été mise dans la cause.

Or il est évident que si l’audience est fixée à la suite d’une garde à vue, cela n’aura pas été fait.

C’est pourquoi votre avocat dans ce cas et surtout s’il s’agit de préjudices important vous conseillera de solliciter ce que l’on appelle un renvoi sur intérêts civils.

Ce renvoi lui permettra ainsi de mettre dans la cause la CPAM et de solliciter la désignation d’un expert judiciaire afin de chiffrer au mieux votre préjudice si cela est nécessaire.

En effet, cet expert va remettre au tribunal ainsi qu’à votre avocat un rapport qui détaillera et chiffrera chaque poste de préjudice.

Ainsi à l’audience suivante votre avocat sera en l’état pour défendre au mieux vos intérêts et solliciter une indemnisation la plus juste possible.

Dans tous les cas, si l’audience était renvoyée, que le mis en cause n’était pas placé en détention, il est tout à fait possible de demander au tribunal que votre concubin ou époux soit placé sous contrôle judiciaire avec l’interdiction d’entrer en contact avec vous jusqu’à la prochaine audience.

Il ne faut pas refuser de renvoyer le dossier à une audience ultérieure de peur de nouvelles violences. Le contrôle judiciaire ou le placement en mandat de dépôt permet en principe d’écarter tout risque.

Enfin, dans le cas où le mis en cause ne serait pas solvable, il existe un fond d’indemnisation qu’il est possible de saisir sous certaines conditions : la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI).

Léa Smila
Avocat à la Cour
E-mail : lds.avocat chez gmail.com
www.smila-avocat.com

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Discussions en cours :

  • par LAURENCE VAN WASSENHOVE , Le 17 mars 2021 à 01:35

    Comment faire quand ni ce sont des violences psychologiques et verbales

  • Dernière réponse : 3 juin 2019 à 12:13
    par Faucher Solène , Le 11 juin 2017 à 21:48

    Bonsoir,

    Je suis actuellement en terminale littéraire, et j’ai pour option droit et grand enjeux du monde contemporain. Je fais un dossier sur les violences conjugales pour mon oral de fin d’année.
    Par tribunal compétent, que voulez vous dire ? Quels sont les différents tribunaux selon le nombre d’itt ?

    • par Maître Léa SMila , Le 12 juin 2017 à 13:12

      Bonjour,

      C’est une bonne question !

      Pour y répondre de manière condensée, en droit pénal, en fonction de la gravité des violences, les tribunaux compétents ne seront pas les mêmes.

      Ainsi le Tribunal de police est compétent dès lors qu’il s’agira :
      - d’une contravention de 4ème classe à savoir de violences légères n’ayant pas entrainé d’ITT,
      - d’une contravention de 5ème classe à savoir de violences ayant entrainé une ITT inférieure ou égale à 8 jours.
      - en cas de blessures involontaires ayant entrainé une ITT inférieure ou égale à 3 mois sauf en cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ...

      Toutefois, dès lors qu’il existe une circonstance aggravante prévue à l’article 222-12 du Code pénal et ce même si les violences ont entrainé une incapacité inférieure ou égale à 8 jours, le Tribunal de police ne sera plus compétent et l’affaire sera renvoyée devant le Tribunal correctionnel  ! C’est pour cela qu’il est important que l’infraction soit bien qualifiée par le parquet en amont...

      Or pour l’article qui nous intéresse, l’article 222-12 6° du Code pénal prévoit que constitue une circonstance aggravante, le fait que les violences aient été commises par le conjoint, le concubin, ou le partenaire lié par un PACS...en conséquence dès lors que la circonstance aggravante par conjoint, concubin ou pacsé est retenue, le Tribunal correctionnel est compétent.

      Le Tribunal correctionnel est donc quant à lui compétent :

      - dès lors qu’il s’agit d’un délit soit pour des violences ayant entrainé une ITT supérieure à 8 jours
      - dès lors qu’il s’agit comme expliqué précédemment de violences même légères mais pour lesquelles a été retenue une circonstance aggravante prévue à l’article 222-12 du Code pénal ( avec préméditation, dans un moyen de transports, sur mineur de moins de 15 ans, sur un enseignant etc etc)
      - en cas de blessures involontaires ayant entrainé une ITT supérieure à 3 mois

      Au sein même du Tribunal correctionnel, il convient de noter qu’il existe des audiences à juge unique ( ce qui est très souvent le cas pour les violences ) ou des audiences collégiales.

      J’espère avoir répondu à votre question !
      Bon courage.
      Léa SMILA
      Avocate au Barreau de Paris
      www.smila-avocat.com

    • par Marie , Le 3 juin 2019 à 12:13

      Bonjour,

      Si le conjointe et les 3 enfants (22 ans, 21 ans et 17 ans) ont subis des violences et ont chacun obtenus 60 jours d’itt, quelle sera la peine de prison du conjoint ?

  • par Johan Pietquin , Le 5 février 2019 à 19:40

    Bonjour,
    Dans votre article vous parlez d’epoux et de concubins violents mais je suis un peu déçu car vous avez l’air d’oubliez qu’il existe de plus en plus de femmes et de concubines violentes... je suis un homme de 41 ans et je me sépare de ma concubine avec qui je vivais depuis 8 ans et avec qui j’ai un enfant de 5 ans pour causes de violences physique et psychologique ( pourtant je fais 1m85 et 88 kg et je suis sportif mais beaucoup trop gentil ) .
    Je peux vous dire qu’en tant qu’homme , c’est très difficile car vous avez l’impression d’être seul, peu de personnes ou d’institution ne me prête réellement d’attention car on ne me prends pas au sérieux...
    Il a fallu que me fille de 15 ans porte plainte pour violence psychologique pour qu’enfin on m’écoute. On parle trop rarement de ce problème qui est pourtant de plus en plus d’actualité....

  • bonjour et merci pour ces détails.
    ce n’est pas facile de trouver des réponses aux questions que l’on se pose quand on a été victime de violence conjugale et psychologique.
    je vais me battre !
    bien à vous
    fpg

    • par Lalanine , Le 7 janvier 2019 à 22:53

      Bonjour,
      Je suis d’accord c’est très dur de comprendre où l’on va et comment.
      Moi j’ai porté plainte mais je ne sais pas du tout ce qui va advenir de tout cela.
      Qu’avez vous fait ?

  • Je ne sais pas si j’ai le droit expliquer ma situation sur ce blog mais je peux dire que lorsque l’on apprend la trahison de son conjoint depuis de nombreuses années avec de nombreuses personnes je mets au défi quiconque de garder un calme olympien en ce qui me concerne je suis poursuivi pour violence conjugale ayant entraîné aucune ITT et je suis interdit de mon domicile et de contact avec mon épouse jusqu’à mon procès dans 5 mois alors même que des hommes viennent chez moi
    qui prend en compte les raisons un débordement que je regrette mais qui n’était rien par rapport aux souffrances qui durent depuis des années
    Et cela sans parler de nous deux filles qui j’espère ne connaîtront jamais le comportement de leur mère voilà j’ai raconté mon histoire j’ai commis un délit d’amour j’aurais préféré ne jamais connaître cette situation

    • par novion , Le 2 août 2018 à 20:10

      Un avocat pourrait il me dire si ma.decision de me.defendre seul au procès du 13/12 est raisonnable. Je considère en effet ne pas meriter la prison mais entendre une decision de justice qui m’aide a tirer un trait sur mon passé alors même que j’aime ma femme depuis 25 ans
      Je veux dire par là une condamnation proportionnelle aux faits reprochés mais qui me rappellerait que l’on ne doit jamais perdre son sang froid. Je suis de ce fait passé du statut de voctime d’adultère a celui d’auteur de violences conjugales
      Je ne demande pas que l’on me plaigne mais que la justice ne soit pas dictée par une campagne de protection des femmes qui, bien que largement justifiée ne peut se perdre dans les amalgames et entendre les cas par cas

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