Cet article clôt une série de trois précédents articles relatifs à la liberté d’expression du salarié dans l’entreprise (voir "Salariés, sachez communiquer avec les NTIC dans votre entreprise (I). Par Judith Bouhana, Avocat., Salariés, sachez communiquer via votre messagerie électronique dans votre entreprise. (II) Par Judith Bouhana, Avocat. et Peut-on tout dire dans l’entreprise ? Salariés connaissez les limites de votre liberté d’expression. Par Judith Bouhana, Avocat.").
S’agissant de Facebook, trois critères d’appréciation sont pris en compte par les juges : le paramétrage des informations, la communauté d’intérêt et l’intention du salarié de rendre ses propos public ou privé.
1- Le paramétrage des informations par le salarié
Le principe est le suivant : le salarié qui veut conserver un caractère privé aux propos tenus sur Facebook doit paramétrer son espace Facebook de manière à limiter le partage de ses informations.
Dans un arrêt du 15 novembre 2011, la Cour d’appel de Rouen a précisé que « Le réseau (Facebook) peut constituer soit un espace privé, soit un espace public en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur ».
De même, le 15 novembre 2011 la Cour d’appel de Besançon a jugé que : « les échanges s’effectuent librement via « le mur » de chacun des membres auxquels tout un chacun peut accéder si son titulaire n’a pas apporté de restrictions ; …
Il appartient en conséquence à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter des fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son « mur » ».
En conclusion, le salarié prendra soin de vérifier avant de tenir des propos privés d’une part qu’il a lui-même limité l’accès à son espace "son mur" mais également que le "mur " de son interlocuteur limite également le partage d’information.
2- Le salarié et la communauté d’intérêt sur Facebook
Le salarié qui veut conserver à ses propos un caractère privé doit en second lieu selon les juges réserver ses propos sur Facebook à un groupe limité de personnes formant une « communauté d’intérêt ».
La communauté d’intérêt recouvre les personnes auprès desquelles le salarié diffuse de manière restreinte ses propos à ses « amis ».
Dans un arrêt du 10 avril 2013 [2], la première Chambre civile de la Cour de cassation a considéré que ne constituait pas une injure publique les propos qu’une ancienne salariée avait tenu sur Facebook que son ancien employeur qualifiait d’injures publiques :
« Qu’après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme X... tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu, par un motif adopté exempt de caractère hypothétique, que celles-ci formaient une communauté d’intérêts ; qu’elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques ».
On peut supposer que la Chambre sociale de la Cour de cassation devrait confirmer cette jurisprudence de la première Chambre Civile qui délimite la notion d’accès restreint des propos tenus aux seules « personnes agréées par l’intéressé ».
En conclusion, le salarié veillera à conserver le caractère privé de ses propos en les adressant à une communauté restreinte d’amis agréés.
3- L’intention du salarié de rendre public ou non les propos tenus sur Facebook.
Enfin, les juges prennent également en compte l’intention du salarié de donner un caractère public ou non aux propose diffusés sur Facebook.
Dans un arrêt du 24 mars 2014 [3], la Cour d’appel de Lyon a requalifié le licenciement pour faute grave d’un salarié conducteur routier en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
L’employeur lui reprochait d’avoir tenu des propos diffusés sur Facebook avec l’objectif de nuire à la société.
Les juges ont précisément analysé le comportement du salarié à travers les moyens qu’il avait utilisé pour tenir les propos litigieux sur Facebook.
S’il a été observé que le salarié n’avait pas activé les critères de confidentialité de son compte Facebook prenant le risque que ses propos soient accessibles à d’autres salariés de la société eux-mêmes titulaire d’un compte Facebook, la Cour a néanmoins constaté que les « propos litigieux n’étaient accessibles qu’aux personnes connaissant l’identité de Monsieur X qui pouvaient accéder à son compte Facebook en renseignant intentionnellement ce dispositif des nom et prénom du salarié ».
La Cour en déduit que l’employeur n’a pas apporté la preuve que des clients de l’entreprise auraient eu connaissance des propos tenus.
Dans un arrêt du 1er avril 2014 [4], la Cour d’appel de Bordeaux a jugé sans cause réelle ni sérieuse le licenciement pour faute grave avec mise à pied conservatoire d’une salariée qui aurait, selon l’employeur, tenu sur un site internet ouvert des propos dégradants, insultants et discriminants à l’encontre de son supérieur hiérarchique.
La cour a estimé en effet que : « l’extrait de compte Facebook n’est pas suffisamment probant pour asseoir un licenciement pour faute grave, document qui ne permet pas de connaître les degrés d’accessibilité du compte personnel Facebook et donc son caractère confidentiel, sachant que le supérieur hiérarchique n’est pas clairement désigné et que la conversation ne porte pas sur l’entreprise ».
Merci à Lucile DOUCHET.
Discussion en cours :
bonsoir je suis etudiant en master2 specialise en droit des tic depuis ma deuxieme annee de droit et j’apprecie enormement cet article c’est un domaine que beaucoup de juristes ne maitrisent pas encore donc je vous encourage et vous felicite d’avance,on a souvent besoin de ces decision jurisprudentielles.