"Salariés précaires" (CDD, contrats de travail intérimaire), quels sont vos droits ?

Par Frédéric Matcharadzé, Avocat.

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Explorer : # requalification de contrat # droits des salariés précaires # indemnités de rupture # conditions de travail

Si la crise économique actuelle frappe durement l’ensemble des salariés français, elle touche avec plus de vigueur encore les emplois précaires, c’est-à-dire les contrats de travail à durée déterminée (CDD) et les contrats intérimaires.

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En effet, au lieu de passer par une procédure de licenciement lourde et complexe (surtout en matière économique), il suffira à l’entreprise de ne pas renouveler le dernier contrat de travail du salarié... et de lui dire adieu.

Mais un très grand nombre de salariés ignorent que - juridiquement - les choses ne sont pas aussi simples.

Le Code du travail et la jurisprudence sont en effet particulièrement sévères dans ce domaine, et apportent des moyens de protection efficaces au salarié « précaire », qui pourra bien souvent réclamer une indemnisation devant le Conseil de prud’hommes.

Le pivot de cette protection est la requalification du contrat précaire, qu’il s’agisse d’un CDD ou d’une série de contrats intérimaires, en contrat de travail à durée indéterminée.

Pour des raisons d’opportunité, une éventuelle action judiciaire sera plutôt engagée après la fin de la relation de travail, quand l’employeur aura manifesté sa volonté de rompre le contrat.

En effet, dans la pratique, une action prud’homale intentée afin de faire requalifier le contrat en CDI signifie bien souvent l’éviction du salarié, et la non reconduction de la relation de travail – encore précaire et temporaire à ce stade.

Cette requalification est la sanction de différents manquements de l’employeur (partie 1) ; elle entraîne des conséquences financières importantes (partie 2). Toutefois, l’exercice d’une telle action devant le juge prud’homal se heurte à certains écueils (partie 3).

1. Les causes de la requalification d’un contrat précaire en CDI

La grande majorité des règles applicables sont communes aux contrats à durée déterminée et aux contrats intérimaires ; la sanction de l’irrégularité ne sera toutefois pas la même.

1.1. Le respect de conditions de forme

En premier lieu, le Code du travail et la Cour de cassation sont très fortement attachés au strict respect du formalisme imposé à ce type de contrat.

La règle fondamentale est la suivante : un contrat précaire ne peut être conclu que par écrit (article L 1242-12 du Code du travail). Un engagement verbal, qui n’est pas formalisé par un document papier, ne peut constituer qu’un engagement pour une durée indéterminée ; il n’est pas possible pour l’employeur de prouver le contraire.

La durée maximale d’un CDD, ou de l’ensemble des CDD successifs, ne peut en principe dépasser 18 mois (article L 1242-8 du Code du travail).

Le défaut de transmission du contrat dans les deux jours (pleins et ouvrables) qui suivent l’embauche est également fautif (1).

Le défaut de signature, qu’il émane du salarié ou de l’employeur, a le même effet : il vaut absence d’écrit (2).

Cette exigence concerne également certaines clauses du contrat. Plusieurs mentions sont en effet obligatoires : nom du salarié, identité de l’employeur, date de prise d’effet et terme, etc...

Ainsi, s’agissant du CDD de remplacement, celui-ci doit expressément indiquer le nom et la qualification de la personne remplacée, les dates de début et de terme (ou au moins une durée minimale, s’il est conclu sans terme précis, comme par exemple « jusqu’au retour de tel salarié »).

Mais le plus souvent, le litige portera sur la mention du motif de recours invoqué par l’employeur : les cas permettant à l’employeur de recourir au CDD et au contrat de travail temporaire sont en effet limitativement énumérés aux articles L 1242-1 et -2, et L 1251-5 et -6 du Code du travail.

Ainsi, le contrat qui contiendrait deux motifs, au titre de deux périodes d’emploi successives (par exemple, remplacement d’un salarié, puis surcroît d’activité), est irrégulier (3).

Un contrat de remplacement ne peut être conclu que pour remplacer un seul et unique salarié : il est interdit de prévoir le remplacement successif de plusieurs personnes dans le même contrat (4).

Un délai spécifique doit par ailleurs être respecté entre deux contrats de mission conclus avec le même salarié : celui-ci ne peut pas, sauf exception, être immédiatement recruté, dès le terme de sa première mission, pour occuper le même poste de travail.

Enfin, le fait de continuer à travailler après la fin du contrat, sur ordre (voire tacite) de l’employeur, ne serait-ce que quelques jours, transforme immédiatement la relation de travail en CDI.

Tous ces manquements vont permettre au salarié, et seulement à celui-ci, de demander la requalification de l’engagement en un contrat à durée indéterminée.

Une telle possibilité ne peut pas être imposée par l’employeur au salarié, qui seul peut se prévaloir du non respect des règles (5).

Toutefois, dans l’hypothèse où la requalification concerne des contrats précaires, en raison de la violation de règles de forme, le salarié sera considéré comme lié à l’entreprise de travail temporaire, et non à l’entreprise utilisatrice.

1.2. Le respect de conditions de fond

La loi et la Cour de cassation s’attachent en outre à requalifier les contrats qui respecteraient ces règles de forme, mais qui seraient utilisés pour détourner les cas de recours à l’emploi précaire.

Il est ainsi interdit de recruter pour remplacer un salarié gréviste (article L 1242-6 1° du Code du travail), ou pour pourvoir un poste concerné auparavant par un licenciement économique (article L 1242-5 du Code).

Mais surtout, la principale interdiction est la suivante : il est interdit pour l’employeur de recourir à ce type de contrat pour «  pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise  ».

Le principe est le suivant : le CDI reste et doit rester le contrat « normal », et le recours au contrat précaire doit demeurer exceptionnel.

L’employeur sera ainsi fautif lorsque le salarié travaille durant une longue période sous contrats précaires, pour occuper un poste qui pourrait – et qui devrait – être pourvu par un salarié sous CDI, quel que soit le motif de recours utilisé.

Un salarié qui est recruté pour remplacer de manière systématique et durant plusieurs mois, voire plusieurs années, les salariés absents dans l’entreprise (maladie, congés payés, etc...), peut par conséquent demander la requalification du premier contrat précaire conclu en CDI.

Il en a été ainsi jugé dans les cas suivants :

- Le salarié d’une association qui a conclu 94 contrats de remplacement sur 4 ans, en conservant la même qualification et le même salaire quel que soit le remplacement effectué (6) ;

- Un agent de banque qui a conclu 5 CDD de remplacement successifs sur une durée de 3 années, alors qu’il devait toujours exécuter les mêmes tâches (7) ;

- Une receveuse de péage qui remplaçait ses collègues absents, et qui a conclu 104 CDD sur une période de deux années (8) ;

- Un receveur de péage recruté par 22 CDD en une année (9).

La Cour de cassation interdit en effet de recourir au contrat précaire pour faire face à un « besoin structurel de main-d’œuvre » (10).

S’agissant de l’accroissement temporaire d’activité, celui-ci doit être inhabituel, et réellement temporaire : le contrat sera donc requalifié s’il apparaît que l’accroissement était durable (11).

Et par ailleurs, le contrat précaire ne peut pas être utilisé lorsque l’accroissement d’activité est temporaire, mais que l’activité est permanente.

Ainsi, le salarié embauché par un musée pour organiser une exposition intervenant régulièrement chaque année doit être recruté par un CDI : l’activité est en effet intermittente, et pas temporaire (12).

Le recours au contrat saisonnier est également soumis à des contraintes strictes, sous peine de requalification en CDI.

Lorsque le salarié est appelé à venir travailler durant toute la période d’ouverture ou de fonctionnement de l’établissement, et ce durant plusieurs années consécutives, il existe entre les parties une relation de travail à durée indéterminée (13).

Cette requalification sera d’autant plus facilement prononcée par le juge lorsque les contrats de travail précaire se renouvellent à plusieurs reprises par application d’une clause de reconduction, contenue dans les contrats ou prévue par la Convention collective (14).

Le recours est également prohibé lorsque la variation annuelle de production ne dépend pas de la saison, mais de la seule volonté de l’employeur, qui ne répartit pas sa production sur l’ensemble de l’année 15.

Enfin, la simple mention dans le contrat du fait que l’entreprise intervient dans un secteur où il est d’usage de recourir à l’emploi précaire ne suffit pas. Le juge devra contrôler le caractère effectivement temporaire de l’emploi occupé 16.

Et ce, quand bien même la convention collective indiquerait que le poste concerné est un poste temporaire par nature 17.

La violation de ces différentes règles de fond et de forme doit en principe entraîner la requalification du contrat irrégulièrement conclu en CDI ; ce qui entraîne des conséquences non négligeables en termes d’indemnisation.

2. Les conséquences de la requalification du contrat précaire en CDI

Les irrégularités commises rendent l’employeur négligent redevable de plusieurs indemnités, outre les sommes dues au salarié au titre du contrat lui-même.

En effet, s’il est fait droit à l’action en requalification intentée, le salarié sera rétroactivement considéré comme lié à l’employeur par un CDI : les règles applicables au licenciement sans cause réelle et sérieuse s’appliqueront par conséquent.

Il convient toutefois, au préalable, de déterminer la personne contre laquelle l’action sera dirigée.

Des difficultés peuvent en effet se poser lorsque la requalification concerne des contrats de travail intérimaire.

D’une manière générale, le non respect des règles de forme (absence de transmission d’un contrat de travail écrit dans les deux jours du recrutement, absence d’une mention obligatoire, etc...) va entraîner une requalification à l’égard de l’entreprise de travail temporaire : de manière paradoxale, le demandeur sera considéré comme lié à cette entreprise par un CDI.

Mais par application de l’article L 1251-40 du Code du travail, la violation de certaines règles de fond pourra permettre au salarié de solliciter la requalification de ses contrats de travail en CDI auprès de l’entreprise utilisatrice, c’est-à-dire l’entreprise dans laquelle le salarié exécutait effectivement sa prestation de travail.

Fort heureusement, cette hypothèse est particulièrement large, car elle concerne l’abus dans le motif de recours au contrat temporaire (L 1251-5 à L 1251-7 du Code du travail).

L’entreprise utilisatrice sera ainsi considérée comme employeur lorsqu’elle aura recruté un salarié intérimaire pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, ou lorsque l’accroissement temporaire d’activité était durable, etc...

2.1. Les sommes dues au salarié précaire en exécution du contrat

Le salarié sous CDD ou sous contrat intérimaire a les mêmes droits que les salariés « permanents » : toute discrimination est interdite. Ainsi, ils doivent bénéficier de la même rémunération qu’un salarié de l’entreprise utilisatrice de même qualification et effectuant un travail identique.

Le « salarié précaire » doit également percevoir le paiement majoré de ses heures supplémentaires, et doit éventuellement profiter des avantages offerts dans l’entreprise (ponts et jours fériés par exemple).

La loi (articles L 1243-8 et L 1251-32 du Code du travail) prévoit également le paiement d’une indemnité spécifique au bénéfice des salariés recrutés sous CDD ou sous contrat intérimaire, dite indemnité de précarité, afin d’indemniser le caractère précaire de leur emploi et de leur situation.

L’employeur devra donc leur verser, au terme du contrat ou de la mission, une somme représentant 10 % des salaires bruts versés durant la période de travail.

Toutefois, le salarié ne pourra pas, dans certaines circonstances, revendiquer le paiement de l’indemnité de précarité. Il s’agit notamment de l’hypothèse de la faute grave commise par le salarié, ou du refus par celui-ci d’une offre de CDI dans des conditions de travail équivalentes à celles dont il bénéficiait jusqu’alors.

En outre, l’indemnité de précarité n’est pas due dans le cadre des contrats temporaires saisonnier ou d’usage, ou des contrats conclus dans le cadre de la politique de l’emploi (par exemple, contrat de professionnalisation ou d’apprentissage).

Les salariés précaires ont en outre évidemment droit aux congés payés.

Les articles L 1242-16 et L 1251-19 du Code du travail obligent ainsi l’employeur à verser au salarié, au terme du CDD ou au terme de la mission intérim, une indemnité compensatrice de congés payés dont le montant est égal à 10 % du salaire brut versé durant toute la période de travail concernée.

L’indemnité de précarité fait partie des salaires pris en compte dans le calcul de cette indemnité de congés payés (18).

2.2. L’indemnité de requalification

Les articles L 1245-2 et L 1251-41 du Code du travail ont pour objet de faciliter l’action prud’homale engagée par le salarié : lorsque la requalification du contrat est invoquée, l’affaire est portée directement devant le Bureau de jugement du Conseil de prud’hommes, ce qui a pour effet d’accélérer la procédure.

Les mêmes articles prévoient par ailleurs que lorsque le juge fait droit à la demande du salarié, il doit condamner l’employeur à verser à celui-ci une indemnité de requalification, d’un montant correspondant à un mois de salaire, en plus des éventuelles autres indemnités dues au salarié.

La Cour de cassation a précisé que le mois de salaire pris en considération était le dernier salaire mensuel perçu précédant la saisine de la juridiction prud’homale (19).

Toutefois, une seule indemnité est due, même lorsque le juge procède à la requalification d’une série de contrats de travail temporaires (par exemple, des contrats intérimaires) 20. En tout état de cause, le CDI sera réputé avoir pris effet au premier jour de la première mission ou du premier contrat irrégulier (21).

Néanmoins, lorsque le CDD ou le contrat de mission est requalifié en CDI à l’égard de l’entreprise de travail intérimaire, la requalification ne donnera pas droit au paiement de l’indemnité (22).

Enfin, la requalification va entraîner des conséquences lourdes pour l’employeur : en effet, si la relation de travail a pris fin sur l’initiative de ce dernier, la rupture sera considérée comme un licenciement, ce qui suppose le respect de plusieurs règles impératives.

2.3. Les indemnités de rupture

- Un préavis doit obligatoirement être respecté, que le contrat de travail soit rompu par suite d’une démission ou d’un licenciement.

Or, l’employeur est redevable d’une indemnité compensatrice de préavis, d’un montant équivalent au salaire qui aurait dû être perçu par le salarié, lorsqu’il a mis celui-ci dans l’impossibilité d’exécuter le préavis (23).

Par conséquent, une indemnité compensatrice de préavis est due lorsque les contrats de travail intérimaire sont requalifiés en un CDI, et que l’employeur a mis fin à la relation de travail, en cessant par exemple de faire appel au salarié (24).

- Par ailleurs, le licenciement du salarié sous CDI obéit à une procédure spécifique et impérative. Le Code du travail oblige ainsi l’employeur à convoquer le salarié à un entretien préalable, à recueillir ses observations à l’occasion de celui-ci, à notifier le licenciement par courrier recommandé émis plus de cinq jours après l’entretien, etc...

En cas de non respect de cette procédure, le licenciement est irrégulier, et une indemnité est due au salarié ; son montant dépend toutefois de son ancienneté, de la taille de l’entreprise, et du préjudice subi, et peut éventuellement être confondue avec l’indemnité sanctionnant le licenciement abusif.

Or, par définition même, lorsque le contrat précaire est requalifié en CDI postérieurement à la rupture, l’employeur n’a évidemment pas respecté ces différentes règles.

Il n’en reste pas moins que lorsque l’employeur prend l’initiative de rompre le contrat (en cessant de recruter le salarié par exemple), la rupture s’analyse en un licenciement, et que la procédure susvisée doit alors obligatoirement être respectée.

La Cour de cassation a donc jugé que l’indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement était due, même en cas de requalification de contrats temporaires en CDI 25. L’employeur ne peut pas invoquer le fait qu’il lui était impossible d’anticiper les effets d’une requalification qu’il ignorait ; il doit supporter la charge entière des irrégularités qu’il a commises.

- Une indemnité de licenciement sera également due au salarié, aux termes de l’article L 1234-9 du Code du travail, si celui-ci en remplit les conditions d’attribution. Depuis la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 dite « de modernisation du marché du travail », le salarié doit bénéficier d’une ancienneté ininterrompue au service de son employeur d’au moins une année pour revendiquer cette indemnité (la durée minimale était auparavant fixée à deux années).

Dans l’hypothèse où la Convention collective prévoit une indemnité d’un montant plus élevé, ou attribuée dans des conditions plus favorables, celle-ci sera préférée.

- Enfin, l’une des règles fondamentales en matière de licenciement réside dans l’article L 1232-6 du Code du travail : la lettre de licenciement « comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ».

Il en résulte que la lettre de licenciement notifiée au salarié est le seul et unique support des motifs sur lesquels l’employeur se base pour justifier la rupture.

Tout licenciement qui interviendrait sans un tel courrier sera nécessairement sans cause réelle et sérieuse (26).

Or, il a été jugé que la simple arrivée du terme du CDD ou du contrat de travail intérimaire, ou la réalisation de l’évènement pour lequel le contrat avait été conclu (par exemple, le retour du salarié remplacé), ne constitue pas une cause valable de rupture (27).

Toutefois, si l’employeur a transmis un courrier au salarié, afin de lui indiquer qu’il ne souhaitait plus solliciter ses services, cette lettre sera examinée par le juge afin de déterminer si elle contient un motif réel et sérieux (28).

Par conséquent, lorsque le salarié saisi le Conseil de prud’hommes afin de faire requalifier son contrat de travail en CDI, après que l’employeur a cessé de faire appel à ses services, il sera possible de réclamer en plus des indemnités visées ci-dessus une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En effet dans une telle hypothèse, c’est bien l’employeur qui a pris l’initiative de rompre la relation de travail : il doit donc supporter les conséquences de l’irrégularité qui entache celle-ci, et/ou de son caractère injustifié.

La sanction peut ainsi être particulièrement lourde : aux termes de l’article L 1235-3 du Code du travail, lorsque l’entreprise compte plus de dix salariés et que l’ancienneté du salarié est supérieure à deux années (en prenant comme point de départ la date de la première mission irrégulière et donc requalifiée), l’indemnité versée à ce titre ne peut être inférieure à six mois de salaire.

3. La pratique de l’action prud’homale du « salarié précaire »

L’action en requalification des contrats temporaires en CDI est perçue par l’entreprise utilisatrice, dans l’immense majorité des cas, comme un affront : le salarié devrait se satisfaire d’avoir un travail, qui plus est prétendument « bien rémunéré » (indemnité de précarité).

Une telle action, accompagnée de l’ensemble des demandes tendant à indemniser le salarié (éventuel rappel d’heures supplémentaires, indemnités de rupture, etc...), sera donc de préférence engagée après l’éviction du salarié, lorsque l’employeur lui aura signifié qu’il n’entendait plus faire appel à ses services.

C’est en effet à ce moment précis que le salarié prend pleinement conscience de la particulière précarité de sa situation, en étant remercié brutalement et sans indemnité (parfois même sans droit aux prestations chômage) alors qu’il a effectué le même travail que ses collègues « permanents » qui sont, eux, relativement protégés par un contrat de travail à durée indéterminée.

Toutefois, une telle action obéit à des règles de droit et à des mécanismes juridiques particulièrement complexes, simplement esquissés ci-dessus : il est donc conseillé de faire appel aux services d’un défenseur syndical, ou d’un avocat, ce d’autant plus que de son côté, l’employeur usera systématiquement des services d’un conseil juridique.

Il convient de noter que bien souvent, les ressources d’un « salarié précaire » sont faibles, et lui ouvrent droit à l’Aide juridictionnelle ; il s’agit d’une prise en charge par l’État de tout ou d’une partie des honoraires de l’avocat. Un Bureau d’aide juridictionnelle est situé au sein de chaque Tribunal de grande instance.

Par ailleurs, il faut insister sur le fait que la solution donnée par le juge dans ce type de litige dépend bien souvent essentiellement de la qualité des preuves apportées.

Le salarié devra par conséquent conserver l’ensemble des documents justifiant de son activité : contrats de travail (CDD ou intérimaires), bulletins de paie, documents de fin de contrat (certificats de travail, attestations Assédic ou Pôle emploi), etc...

La preuve de l’exécution d’une prestation de travail étant libre, cette preuve pourra également être rapportée par d’autres moyens : attestations (émanant d’autres salariés, de clients, ou plus généralement de toute personne ayant constaté l’exécution d’une prestation de travail), plannings, carnets d’heures remplis par le salarié, etc...

Enfin, la plupart des demandes sont soumises à la prescription quinquennale. Cela signifie qu’au terme d’un délai de cinq années suivant la date à laquelle le droit est né, le salarié ne peut plus en réclamer l’exécution.

C’est notamment le cas de l’action en paiement de l’indemnité de requalification, par application de l’article 2224 du Code civil.

N.B. Attention : suite à la réforme du 14 juin 2013 le délai de prescription des actions en justice a été réduit à deux ans pour les actions liées à l’exécution du contrat de travail. Toutefois un régime transitoire est prévu.

Références :

1 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 29 octobre 2008 n° 07-41842
2 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 22 octobre 1996 n° 95-40266
3 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 23 janvier 2008 n° 06-41536
4 / Et ce, quand bien même l’employeur prendrait soin de préciser la qualification de chaque salarié remplacé, et la durée de chacun de ces remplacements : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 28 juin 2006 n° 04-40455 et n° 04-43053 ; pour les salariés intérimaires, circulaire DRT 18-90 du 30 octobre 1990, Bull. off. Travail 1990 n° 24
5 / L’employeur ne peut solliciter la requalification (arrêt Chambre sociale Cour de cassation 16 janvier 1991 n° 87-43827), et le juge ne peut pas la prononcer d’office (arrêt Chambre sociale Cour de cassation 30 octobre 2002 n° 00-45572) : le salarié est véritablement maître de son action.
6 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 4 décembre 1996 n° 93-41891
7 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 16 juillet 1997 n° 94-42398
8 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 26 janvier 2005 n° 02-45342
9 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 29 septembre 2004 n° 02-43249
10 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 26 janvier 2005 n° 02-45342
11 / Ainsi pour un groupe de 17 intérimaires, recrutés par contrats intérimaires durant plusieurs années dans le secteur de l’automobile, alors que l’augmentation de la production était constante : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 21 janvier 2004 n° 03-42769 à n° 03-42784
12 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 10 décembre 2008 n° 06-46349 ; arrêt 13 janvier 2009 n° 07-43388
13 / Pour un employé de remontées mécaniques : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 2 février 1994 n° 89-44219
14 / Pour une employée de bar dans une association gérant un centre de vacances : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 1er février 2000 n° 97-41304
15 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 4 mai 1993 n° 89-43379
16 / Arrêt Chambre criminelle Cour de cassation 6 mai 2008 n° 06-82366 ; pour un salarié travaillant dans l’hôtellerie : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 23 janvier 2008 n° 06-43040
17 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 29 octobre 2008 n° 07-42900
18 / Pour les CDD : circulaire DRT 18-90 du 30 octobre 1990, Bull. off. Travail 1990 n° 24.
Pour les contrats intérimaires : circulaire ministérielle 24 février 1982, J.O. 13 mars p. 838.
19 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 17 juin 2005 n° 03-44900
20 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 25 mai 2005 n° 03-43146
21 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 21 janvier 2004 n° 03-42754
22 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 1er décembre 2005 n° 04-41005
23 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 14 février 2007 n° 04-48338
24 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 15 mars 2006 n° 04-48548
25 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 10 juin 2003 n° 01-40808
26 / Par exemple, pour un licenciement verbal, même s’il est fondé sur une faute grave : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 23 juin 1998 n° 96-41688
27 / Arrêt Chambre sociale Cour de cassation 17 décembre 2002 n° 00-43609 ; arrêt 8 février 2005 n° 02-46720
28 / Par exemple, des critiques sur la qualité du travail effectué : arrêt Chambre sociale Cour de cassation 7 mai 2003 n° 00-44396

Frédéric Matcharadzé.
f.matcharadze chez saric-avocats.fr

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