Du fait de la requalification des CDDU (Contrat à durée déterminée d’usage) en CDI, l’intermittent du spectacle obtient les indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause, une indemnité de 13ème mois ainsi qu’un rappel d’intéressement et participation.
La Cour d’appel de Versailles infirme le jugement du conseil de prud’hommes sur la qualité d’ingénieur du son qui avait été reconnue à l’assistant son.
1) Faits et procédure.
M. X a été engagé par la société Canal +, ultérieurement dénommée Société d’Edition de Canal Plus, dite ci-après la société SECP, par contrats de travail à durée déterminée d’usage du 20 novembre 2012 au 31 décembre 2012 en qualité d’assistant à la prise du son.
Il a été engagé par contrat de travail à durée déterminée à effet du 11 février au 15 juillet 2013, avec comme motif de recours le remplacement de M. C., technicien supérieur d’exploitation son, groupe VI, catégorie agent de maîtrise, absent pour congé parental d’éducation.
Ce contrat de travail à durée déterminée a été renouvelé à effet du 16 juillet 2013 au 15 juillet 2014 avec comme motif de renouvellement un accroissement temporaire d’activité lié à la nouvelle grille de rentrée 2013/2014 pour les chaînes Canal +.
Il a été de nouveau engagé par la société SECP par contrats de travail à durée déterminée d’usage, en qualité d’assistant à la prise du son, à compter du mois d’août 2014.
Son dernier jour travaillé a été le 26 janvier 2019.
Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006 et à la convention collective d’entreprise de la société SECP.
M. X a saisi le 21 novembre 2018 le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin d’obtenir la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, la requalification de son emploi d’assistant à la prise du son en celui d’ingénieur du son et le versement de diverses sommes.
L’affaire a été portée directement devant le bureau de jugement.
Par jugement du 30 juillet 2019, auquel la cour renvoie pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt a :
fixé le salaire mensuel de M. X à 2 001 euros bruts pour 56 heures de travail mensuel,
requalifié l’emploi tenu par M. X d’assistant à la prise de son en ingénieur du son du
14 novembre 2015 au 26 janvier 2019,
condamné la Société d’Edition de Canal Plus à verser à M. X les sommes suivantes :
- 16 430,92 euros à titre de rappel de salaire du fait de l’emploi en tant qu’ingénieur du son entre le 14 novembre 2015 et le 26 janvier 2019,
- 1 643,09 euros à titre de congés payés afférents,
- 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
ordonné à la société de cotiser aux organismes de retraite des cadres pour M. X à compter du 14 novembre 2015 jusqu’au 26 janvier 2019,
ordonné la remise des attestations d’employeur mensuelles rectifiées portant la mention du statut cadre et d’un certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,
condamné la Société d’Edition de Canal Plus à verser à M. X les primes de participation et d’intéressement sur l’emploi d’ingénieur du son, statut cadre, ainsi que la prime de 13ème mois correspondante,
débouté M. X de ses autres demandes,
débouté la Société d’Edition de Canal Plus de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
mis les dépens à la charge de la société.
M. X a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 23 septembre 2019 et l’instance a été inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 19/03534.
La société dénommée Société d’Edition de Canal Plus a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 27 septembre 2019 et l’instance a été inscrite au répertoire général du greffe sous le numéro 19/03599.
2) Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 22 septembre 2022 (15ème ch.).
Dans son arrêt du 22 septembre 2022, la 15ème chambre de la Cour d’appel de Versailles :
Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt en date du 30 juillet 2019 seulement en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, a condamné la société dénommée Société d’Edition de Canal Plus aux dépens de première instance ainsi qu’à payer à M. X la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile et a débouté la société SECP de sa demande d’indemnité fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Déboute la Société d’Edition de Canal Plus de sa demande tendant à ce que les pièces produites par M. X relatives à son emploi par la société C8 soient écartées des débats ;
Déboute M. X de sa demande de requalification de son emploi en celui d’ingénieur du son, statut cadre, ainsi que de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents et d’indemnité pour travail dissimulé, et également de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la Société d’Edition de Canal Plus, d’une part, de cotiser pour lui aux organismes de retraite des cadres et, d’autre part, de lui remettre des attestations d’employeur mensuelles rectifiées portant la mention du statut cadre ;
Fixe le salaire mensuel brut moyen de M. X à la somme de 1 270,22 euros, hors prime de treizième mois ;
Requalifie les contrats de travail à durée déterminée conclus par la Société d’Edition de Canal Plus avec M. X en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 novembre 2012 ;
Dit que la rupture du contrat de travail à durée indéterminée liant M. X à la Société d’Edition de Canal Plus s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la Société d’Edition de Canal Plus à payer à M. X les sommes suivantes :
- 3 000 euros à titre d’indemnité de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;
- 2 268 euros brut à titre de rappel d’intéressement pour les exercices 2016 à 2018 ;
- 2 420 euros brut à titre de rappel de participation pour les exercices 2016 à 2018 ;
- 3 810,66 euros brut à titre de prime de treizième mois pour les années 2015 à 2017 ;
- 381,07 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 2 540,44 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
- 254,04 euros brut au titre des congés payés afférents ;
- 2 178,66 euros à titre d’indemnité de licenciement ;
- 8 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2 000 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles que celui-ci a exposés en cause d’appel.
2.1) Sur la demande tendant à ce que les pièces produites par M. X relatives à sa collaboration avec la société C8, anciennement dénommée D8 soient écartées des débats.
La société SECP demande à la cour de constater que M. X n’a pas attrait la société C8 au litige, de juger en conséquence irrecevables les éléments de collaboration l’ayant occupé avec celle-ci et de les écarter des débats.
Si M. X fait état dans ses conclusions, dans l’exposé des faits, du volume de sa collaboration avec l’ensemble des sociétés du groupe Canal+ et souligne, dans la discussion, que dans le cadre des contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société SECP, il a collaboré à des émissions diffusées sur la chaîne C8 ou sur la chaîne Cnews, anciennement I-Télé, il ne forme dans le dispositif de ses conclusions aucune demande à l’encontre de la société D8, ni aucune demande à l’encontre de la société SECP au titre des contrats de travail à durée déterminée d’usage qu’il a conclus avec la société C8, n’alléguant ni lien de subordination, ni co-emploi susceptibles de conférer à la société SECP la qualité d’employeur pour les contrats conclus avec la société C8, qui justifierait la mise en cause de cette dernière.
Les pièces produites par M. X relatives à son emploi par la société C8 ayant été communiquées à la société SECP en temps utile et soumises à une discussion contradictoire, il n’y a pas lieu de les écarter des débats.
2.2) Sur la demande de requalification de l’emploi occupé comme étant celui d’ingénieur du son, catégorie cadre.
M. X, engagé comme assistant à la prise de son, non-cadre, dans le cadre des contrats de travail à durée déterminée d’usage ou comme technicien supérieur d’exploitation son, statut agent de maîtrise, dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée du 11 février 2013 au 15 juillet 2014, revendique la qualification d’ingénieur du son, statut cadre.
Il est établi que la société SECP a confié à M. X des missions sur des émissions enregistrées notamment Voyage au bout de la nuit et Top streaming et sur des émissions diffusées en direct, notamment Infosport.
Selon la définition de ces fonctions retenues par les deux parties :
l’ingénieur du son/ Chef opérateur du son : « Détermine les équipements et les moyens à mettre en œuvre, contrôle leur mise en place et effectue les réglages nécessaires pour une bonne prise de son. Assure la prise de son et les opérations de montage son et de mixage qui en découlent » ;
l’assistant à la prise de son : « Effectue la préparation matérielle des séances d’enregistrement par la mise en place des équipements et leurs branchements, assiste l’ingénieur du son pendant la prise de son. Il peut effectuer seul des prises de son simples ».
Il est établi par les feuilles de service produites, le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 17 décembre 2013 et l’attestation de M. L. que la qualification d’assistant à la prise de son appliquée par l’employeur aux salariés intermittents correspondait à la qualification de technicien supérieur d’exploitation son (TSES) appliquée aux salariés permanents, cet intitulé d’emploi n’existant pas pour les intermittents.
Sur les feuilles de service établies par la société SECP, M. X est mentionné comme exécutant les fonctions de TSES.
Aux questions des délégués du personnel relayant lors des réunions des 17 décembre 2013, 25 février 2014 et 29 avril 2014 les revendications des assistants à la prise de son, soutenant qu’ils n’assistaient personne, que les tâches accomplies ne correspondaient pas au descriptif de poste d’assistant à la prise de son et qu’ils effectuaient un travail de chef opérateur de prise de son, la société SECP a répondu le 29 avril 2014 qu’elle ne partageait pas cette analyse.
Dans son attestation, M. L., TSES, délégué du personnel, indique que le poste de TSES a été créé afin de pouvoir gérer des mixages simples, comme le prévoyait la fiche de poste, que ces mixages dits simples se sont notablement complexifiés au fil du temps pour s’apparenter directement aux tâches dévolues jusque là aux ingénieurs du son, mais qu’aucune reconnaissance de cette évolution n’a été acceptée par la direction du groupe. Il ajoute que les TSES, salariés permanents, et les assistants à la prise de son, salariés intermittents, sont responsables et garants de la qualité des sons diffusés, qu’ils sont chargés de mixer le son pour l’antenne, mais également de la sonorisation des plateaux, des prises de son et d’équiper les différents intervenants, ce qui fait d’eux des employés extrêmement polyvalents, aux responsabilités variables selon la tâche effectuée.
Ni les délégués du personnel dans leurs questions, ni M. L., dans son attestation, ne font état, au-delà d’affirmations générales, d’éléments précis et circonstanciés permettant de retenir que M. X a personnellement effectivement réalisé, au-delà des missions entrant dans la définition de fonctions de l’assistant à la prise de son, des missions d’ingénieur du son ou de chef opérateur du son.
Il résulte de la définition des emplois que l’assistant à la prise de son peut effectuer seul des prises de son simples.
Il ressort des feuilles de service et planning relatifs à des émissions enregistrées versés aux débats par M. X que si la prise de son sur le plateau était effectuée par un TSES ou un assistant à la prise de son, hors la présence d’un ingénieur du son, le mixage était réalisé en studio par un ingénieur du son.
Si M. X a également assuré seul la prise de son pour des émissions en direct, il n’est pas démontré qu’il s’agissait de prises de son difficiles, les aléas techniques susceptibles de survenir, comme la défaillance de la console principale impliquant d’utiliser la console de secours notamment, ne suffisant pas à l’établir.
Le fait qu’alors qu’il était engagé par la société SECP, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée renouvelé pour accroissement temporaire d’activité, en qualité de TSES, M. X ait été mentionné sur le planning horaire classé dans la rubrique métier Ingénieur son (pièce 44) comme intervenant les 30 juin, 1er, 3, 4, 7 et 8 juillet 2014, ne suffit pas à démontrer qu’il a effectivement été affecté sur des missions d’ingénieur du son durant cette période, ce planning s’adressant en réalité tant aux ingénieur du son qu’aux TSES, tel M. F, ainsi qu’il résulte de la comparaison de ce planning métier avec les plannings des TSES d’août et septembre 2018, le terme métier Ingénieur son étant utilisé ici à titre générique indépendamment de la difficulté de la prise de son à réaliser.
Le fait que M. X ait été mentionné comme ingénieur du son au générique de l’émission #Lepetitdébrief et de l’émission Voyage au bout de la nuit, diffusées par la société C8, ne caractérise pas une reconnaissance claire et non équivoque par la société SECP de ce que M. X a effectivement rempli sur ces émissions les fonctions incombant à un ingénieur du son.
La preuve n’étant pas rapportée que M. X remplissait les fonctions attribuées aux ingénieurs du son par l’annexe relative à la nomenclature et à la définition des emplois, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter le salarié de sa demande de requalification de son emploi, ainsi que de ses demandes subséquentes de rappel de salaire et de congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé, et également de sa demande tendant à ce qu’il soit ordonné à la société SECP, d’une part, de cotiser pour lui aux organismes de retraite des cadres et, d’autre part, de lui remettre des attestations d’employeur mensuelles rectifiées portant la mention du statut cadre.
2.3) Sur la recevabilité de l’action en requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée engagée par M. X à l’encontre de la société SECP.
Selon l’article L1471-1 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
En application de l’article L1245-1, par l’effet de la requalification des contrats de travail à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat de travail à durée déterminée irrégulier. Il en résulte que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat et que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d’une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier.
M. X ayant saisi le conseil de prud’hommes le 21 novembre 2018 avant le terme du dernier contrat de travail à durée déterminée, son action en requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, n’est pas prescrite.
La société SECP est mal fondée à opposer la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire aux dépens d’autrui à la demande de M. X en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée au motif qu’il demande également la confirmation de la disposition du jugement qui a ordonné la remise des AEM rectifiées portant la mention du statut cadre, alors que les AEM ne sont délivrées qu’aux salariés employés par contrat de travail à durée déterminée d’usage, la demande de remise d’AEM ne caractérisant pas un changement de position de M. X en droit de nature à induire la société SECP en erreur sur ses intentions.
2.4) Sur le bien fondé de la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus par M. X avec la société SECP en contrat de travail à durée indéterminée.
Aux termes de l’article L1242-1 du Code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
S’il résulte de la combinaison des articles L1242-1, L1242-2, L1243-11 et D1242-1 du Code du travail que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié.
l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/70CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
L’article I.2 de l’accord collectif national branche de la télédiffusion du 22 décembre 2006 concernant les salariés employés sous contrat de travail à durée déterminée d’usage, après avoir relevé que les éditeurs de services et de programmes audiovisuels sont amenés à concevoir, produire et fabriquer eux-mêmes tout ou partie des produits qu’ils diffusent, prévoit que ces activités permettent de recourir, pour les fonctions listées en annexe, au contrat de travail à durée déterminée d’usage.
Il précise que le recours à ce type de contrat n’est alors justifié que lorsque cet emploi s’exerce dans les circonstances suivantes : lorsque pèsent sur ces activités des incertitudes quant à leur pérennité ou lorsqu’elles ont un caractère exceptionnel ou événementiel ou lorsqu’elles requièrent des compétences techniques ou artistiques spécifiques. La durée de collaboration est alors liée en tout ou partie à la durée du programme ou de la production, objet du contrat. Il stipule que tout contrat conclu en méconnaissance du présent article est réputé à durée indéterminée.
L’annexe I mentionne parmi ces emplois, au sein de la filière F-son, celui d’assistant à la prise de son.
L’avenant intermittent à la convention collective d’entreprise Canal + permet également de recourir pour les fonctions d’assistant à la prise du son, au contrat de travail à durée déterminée d’usage.
Il ne peut se déduire de l’article l’article V.4 de la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006, créé par l’avenant n°6 du 1er juillet 2016, qui prévoit que dès lors qu’un salarié, employé en contrat de travail à durée déterminée d’usage, a réalisé au titre d’une même fonction, plus de 180 jours de travail(d’au moins 7 heures) par année, constatées sur trois années civiles consécutives auprès d’une même entreprise, cette dernière devra proposer une offre d’emploi en contrat de travail à durée indéterminée sur la même fonction, que les partenaires sociaux ont considéré que le salarié, qui ne remplissait pas ces conditions, occupait un emploi par nature temporaire.
S’il est établi, qu’en dehors du contrat de travail à durée déterminée à effet du 11 février 2013 au 15 juillet 2014 conclu pour le remplacement d’un salarié absent et renouvelé pour accroissement temporaire d’activité, M. X a été engagé par la société SECP, dans le cadre de contrat de travail à durée déterminée d’usage, pour 4 jours en novembre 2012, 11 jours en décembre 2012, 14 jours en janvier 2013, 4 jours en février 2013, 17 jours d’août à décembre 2014, 18 jours en 2015, 66 jours en 2016, 72 jours en 2017, 68 jours de janvier à novembre 2018, 1 jour en décembre 2018 et 3 jours en janvier 2019, moyennant une rémunération forfaitaire pour 8 heures de travail par jour, le nombre réduit de jours de travail en cause ne permet pas de démontrer en soit le caractère par nature temporaire de son emploi, un même emploi pouvant être pourvu par roulement par plusieurs intermittents.
Il est établi par les pièces produites que M. X a travaillé durant de nombreuses années au service de la société SECP pour effectuer des missions d’assistant à la prise du son, dans le cadre de la production de plusieurs émissions audiovisuelles différentes, en alternance avec d’autres salariés permanents ou intermittents assurant les mêmes tâches.
Il n’est pas établi que des incertitudes quant à leur pérennité pesaient effectivement sur ces émissions, qui n’avaient pas un caractère exceptionnel ou événementiel et ne requéraient pas des compétences techniques ou artistiques spécifiques.
Alors que la mission technique d’assistant à la prise du son confiée au salarié, qui était indépendante du contenu des émissions produites, relevait de l’activité normale et permanente de l’entreprise, la société SECP ne produit aucun élément concret de nature à établir que M. X occupait en l’espèce un emploi par nature temporaire.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de requalifier les contrats à durée déterminée liant M. X à la société SECP en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 novembre 2012.
2.5) Sur l’indemnité de requalification.
Il résulte de l’article L1245-2 du Code du travail que lorsqu’il est fait droit à la demande du salarié tendant à voir requalifier un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, il est alloué à ce dernier une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en ce qu’il a débouté M. X de sa demande d’indemnité de requalification.
La base de calcul de l’indemnité minimale est celle du dernier salaire mensuel perçu par le salarié, avant la saisine de la juridiction, au sein de l’entreprise ayant conclu le contrat de travail à durée déterminée, soit en l’espèce le salaire de 1 150 euros versé par la société SECP à M. X pour le mois d’octobre 2018.
La cour fixe le préjudice subi par M. X, maintenu dans une situation précaire durant un peu plus de six ans, à la somme de 3 000 euros. Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SECP à payer ladite somme au salarié à titre d’indemnité de requalification.
2.6) Sur la demande relative à la prime de treizième mois.
La requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.
La convention collective d’entreprise Canal + prévoit que tous les salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée reçoivent pour une année complète de présence une gratification égale au montant des appointements bruts de base au taux en vigueur au mois de décembre de l’année considérée.
La société SECP demande à la cour, si elle requalifiait les contrats de travail à durée déterminée d’usage qu’elle a conclus avec M. X en contrat de travail à durée indéterminée, de fixer le montant total de la prime de treizième mois pour les années 2015 à 2017 à la somme de 3 810,66 euros.
M. X est mal fondé à calculer cette prime sur la base du salaire mensuel brut de référence de 2 001 euros qu’il revendique au regard de la qualification d’ingénieur du son qui ne lui a pas été ci-dessus reconnue.
La somme de 3 810,66 euros étant supérieure à la rémunération mensuelle brute moyenne du salarié pour l’année 2015, augmentée de sa rémunération mensuelle brute moyenne pour l’année 2016 et de sa rémunération mensuelle brute moyenne pour l’année 2017, est propre à remplir le salarié de ses droits à prime d’ancienneté pour les années considérées.
Il convient en conséquence d’infirmer le jugement entrepris et, sur la base de sa rémunération d’assistant à la prise de son, de condamner la société SECP à lui payer la somme de 3 810,66 euros à titre de prime de treizième mois pour les années 2015 à 2017, ainsi que la somme de 381,07 euros au titre des congés payés afférents.
2.7) Sur les demandes relatives à l’intéressement et à la participation pour les années 2016 à 2018.
Il est établi que la société SECP a versé à M. X :
en février 2014 : un intéressement de 594,38 euros brut ;
en avril 2014, pour l’exercice 2013 : un intéressement de 1 464,03 euros brut et une participation de 1 172,63 euros brut ;
en avril 2015, pour l’exercice 2014 : un intéressement de 3 004,19 euros brut et une participation de 1 201,28 euros brut ;
en juillet 2017 : un intéressement de 1 151,12 euros et aucune participation.
La société SECP justifie que pour l’exercice 2016, l’intéressement dû à M. X calculé au
23 mars 2017 était de 83,21 euros brut et la participation qui lui était due à cette date de 125,88 euros brut, qu’elle a demandé au salarié d’opter soit pour l’affectation de ces droits sur un fonds, soit pour le paiement de ces sommes, en l’informant qu’à défaut de réponse réceptionnée au plus tard le 11 avril 2017, le montant lui revenant sera affecté à 100% sur le fonds Canal Plus A du PEE Canal Plus en ce qui concerne l’intéressement et à 50% sur le fonds Canal Plus A du PEE Canal Plus et à 50% sur la gestion pilotée du Perco Canal Plus en ce qui concerne la participation et indique que c’est ce qui a été fait, le salarié n’ayant pas exercé son droit d’option.
La société SECP ne précise pas à quel exercice se rapporte le versement effectué en juillet 2017, qui ne peut en tout état de cause se rapporter qu’à un exercice antérieur à l’exercice 2017.
La société SECP indique dans un mail du 18 mars 2019 que, pour l’exercice 2018, l’intéressement dû à M. X s’élevait à 487,60 euros brut et la participation due au salarié à 104,69 euros brut.
Elle ne justifie pas avoir adressé à M. X de bulletin d’option.
M. X sollicite le paiement de la somme de 3 240 euros brut à titre de rappel d’intéressement pour les années 2016 à 2018 ainsi que la somme de 3 517,89 euros brut à titre de rappel de participation pour la même période.
La société SECP ne produit pas le livret d’épargne salariale présentant les dispositifs d’intéressement et de participation mis en place au sein de l’entreprise et ne justifie pas avoir remis à M. X à son départ de l’entreprise l’état récapitulatif de son épargne salariale, prévu par l’article L3341-7 du Code du travail.
Elle ne justifie, en tout état de cause, ni des modalités de calcul, ni du montant des droits à intéressement et des droits à participation de M. X pour les exercices 2016 à 2018. A défaut de rapporter la preuve qu’elle a effectivement rempli le salarié de ses droits à intéressement et à participation pour la période considérée ainsi qu’elle l’allègue, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de la condamner à payer à M. X les sommes suivantes : 2 268 euros à titre de rappel d’intéressement pour les années 2016 à 2018 et 2 420 euros brut à titre de rappel de participation pour la même période.
2.8) Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le contrat de travail de M. X ayant pris fin par la seule échéance du terme du dernier des contrats de travail à durée déterminée requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée, sans lettre de rupture, et donc sans motif, la rupture de la relation contractuelle s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en œuvre nécessite qu’ils prennent des actes complémentaires d’application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
L’invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.
Aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
Les dispositions de l’article L1235-3, L1235-3-1 et L1235-4 du Code du travail dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur, sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Il en résulte que les dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée.
M. X n’indique pas en quoi l’application des dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail, qui prévoit pour un salarié ayant six années complètes d’ancienneté une indemnité maximale de 7 mois de salaires, est de nature à porter atteinte à son droit à un procès équitable.
Au regard de l’âge du salarié au moment de son licenciement, 33 ans, de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération à laquelle il pouvait prétendre, prime de treizième mois incluse, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu’il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 8 000 euros. Le jugement entrepris sera donc infirmé et la société SECP condamnée à payer au salarié la somme de 8 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2.9) Sur l’indemnité compensatrice de préavis.
En application de l’article L1234-5 du Code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu’aurait perçus le salarié s’il avait travaillé pendant cette période. M. X, dont la durée du préavis était de deux mois, accomplissait habituellement 56 heures de travail par mois (7 jours travaillés x 8 heures = 56 heures).
Il n’est pas établi que la prime de treizième mois était versée prorata temporis au salarié quittant l’entreprise en cours d’année.
Le salarié ne peut dès lors prétendre, au vu des bulletins de paie produits, qu’il aurait perçu des salaires et avantages supérieure à 1 270,22 euros.
Il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société SECP à payer à M. X la somme de 2 540,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que la somme de 254,04 euros au titre des congés payés afférents.
2.10) Sur l’indemnité de licenciement.
Le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Elle ne peut être inférieure à une somme, calculée par année de service dans l’entreprise et tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines, égale à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans.
M. X, qui comptait 6 ans et quatre mois complet d’ancienneté à l’expiration du préavis, ayant perçu de décembre 2017 à novembre 2018, le mois de décembre 2018 postérieur à la saisine du conseil de prud’hommes par le salarié, qui comporte un seul jour travaillé, devant être exclu comme n’étant pas représentatif de l’activité habituelle de l’intéressé, un salaire mensuel brut moyen de 1 376,07 euros, prime de 13ème mois incluses, [(1 270,22 x 13/12) = 1 376,07], est bien fondé à prétendre à une indemnité de licenciement de 2 178,66 euros.
Le jugement entrepris sera donc infirmé et la société SECP condamnée à payer à M. X la somme de 2 178,66 euros à titre d’indemnité de licenciement.