Précisions sur l’irrecevabilité de saisir le juge de proximité au civil.

Par Jamel Mallem, Avocat.

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Explorer : # irrecevabilité # juridiction de proximité # demande indéterminée # déclaration au greffe

Dans quel cas il est irrecevable de saisir la juridiction de proximité par une simple déclaration au greffe alors que le montant des demandes ne dépasse pourtant pas la valeur de 4000 euros ?

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Sauf exceptions particulières, en matière civile, la juridiction de proximité peut être saisie par toute personne lorsque le montant de la demande ne dépasse pas la somme de 4000 euros ou lorsque la demande indéterminée a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant ne dépasse pas la somme de 4000 euros.

Compte tenu de la modicité de la valeur de l’action (jusqu’à 4000 euros maximum) et de la simplicité de saisine de cette juridiction, il est habituel de voir des personnes se dispenser de prendre un avocat pour assurer la défense de leurs intérêts.

Généralement, ces personnes se déplacent au greffe pour récupérer un imprimé (déclaration au greffe) ou procèdent au téléchargement du formulaire par internet.

Une fois qu’ils ont renseigné leurs identité et coordonnées, ainsi que celles de leurs adversaires, avec un résumé succinct de leur litige, et l’énoncé de leurs demandes qui ne doivent pas dépasser la somme de 4000 euros, ils remettent ou adressent au greffe leur déclaration avec copies de leurs pièces, et le greffe se charge de convoquer leur adversaire à l’audience de jugement par lettre recommandée avec avis de réception.

Ainsi, l’on peut penser qu’en procédant de la sorte, il serait impossible que l’action judiciaire soit déclarée irrecevable.

Or, dans cette affaire résumée ci-après, l’on pourra constater qu’il est parfois préférable, par prudence, de privilégier la rédaction d’un acte d’assignation (qu’un huissier de justice ou qu’un avocat peut faire) pour saisir le juge de proximité plutôt que de se contenter de la remise par une simple déclaration au greffe.

En effet, l’acquéreur d’un ordinateur portable et d’un terminal GPS totalement inutilisables décide de saisir la juridiction de proximité à l’encontre du vendeur et des sociétés Acer et Packard Bell, en procédant par une simple déclaration au greffe qui convoque toutes ces parties à l’audience de jugement.

Il demande :

  • à titre principal, le remboursement de ces matériels, soit les sommes de 799 euros pour l’ordinateur, de 269 euros pour le terminal GPS, et la somme de 2930 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices (soit au total la somme de 3998 euros donc inférieur à la somme de 4000 euros),
  • à titre subsidiaire, la somme de 1068 euros à titre de dommages et intérêts outre la somme de 2930 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices (soit au total toujours la somme de 3998 euros donc inférieur à la somme de 4000 euros),
  • à titre subsidiaire, le remplacement de ces appareils ou leur remise en état (là il s’agit d’une demande indéterminée puisqu’elle n’est pas chiffrée, mais qui reste dans la limite de 4000 euros compte tenu de la valeur de ces appareils).

Ces demandes ne sont pas cumulatives mais alternatives, puisque si le juge ne fait pas droit à la 1ère demande principale, le justiciable espère qu’il fera doit à sa 2ème demande subsidiaire ou à sa dernière demande formulée à titre infiniment subsidiaire.

Si l’on analyse chacune de ces demandes, il peut être observé que :

  • la 1ère demande est chiffrée et ne pose pas de difficulté puisque le montant ne dépasse pas la valeur de 4000 euros,
  • la 2ème demande : même raisonnement : pas de difficulté,
  • en revanche, pour la 3ème demande : elle s’avère être une demande indéterminée puisqu’elle tend au remplacement ou à la réparation des appareils défectueux, même si la valeur ne dépasse pas 4000 euros.

Deux observations doivent donc être faites :

Tout d’abord, on peut confirmer que pour toutes ces demandes, la juridiction de proximité est bien compétente pour trancher le litige comme le prévoient les dispositions des articles L 231-3 et R 231-3 du Code de l’organisation judiciaire.

Par contre, l’action judiciaire est irrecevable.

En effet, saisir la juridiction de proximité par simple déclaration au greffe n’est possible que pour les demandes chiffrées.

Dès lors, qu’une demande est indéterminée (même si elle a été formulée à titre infiniment subsidiaire comme c’est le cas pour la 3ème demande), la juridiction de proximité, saisi par déclaration au greffe, doit déclarer irrecevable cette déclaration et ne peut donc pas juger.

En effet, l’article 843 du Code de procédure civile ne prévoit la saisine de la juridiction de proximité par simple déclaration au greffe, uniquement pour les demandes déterminées mais pas pour les demandes indéterminées même si leur valeur ne dépasse pas 4000 euros.

En conséquence, dans cette affaire, le fait pour cette personne lésée d’avoir saisi le juge de proximité par simple déclaration au greffe et d’avoir demandé à titre infiniment subsidiaire la remise en état ou le remplacement des appareils défectueux (demande indéterminée) rend irrecevable son action.

Soit il aurait du s’abstenir de formuler cette demande de remise en état ou de remplacement, et son action aurait été recevable sur le plan procédural.
Soit il tenait vraiment à solliciter la remise en état ou le remplacement des appareils, et dans ce cas-là, il aurait dû saisir la juridiction de proximité par voie d’assignation et surtout pas par une déclaration au greffe.

C’est dans ce sens que la Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d’appel qui a confirmé l’irrecevabilité de la déclaration au greffe en raison de l’existence de cette demande subsidiaire indéterminée.

Cass. Civ 2ème, 28 janvier 2016 N° 14-29117

Juste pour compléter cet article, sachez que :

  • Pour une demande déterminée, la voie de recours de l’appel n’est pas possible à l’encontre d’un jugement rendu par le juge de proximité,
  • En revanche, pour une demande indéterminée, il est possible de faire appel du jugement rendu par le juge de proximité. Article R 231-3 du Code de l’organisation judiciaire

Jamel MALLEM Avocat au Barreau de Roanne
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