Demande de mise en liberté par saisine directe de la chambre de l’instruction.

Par Jamel Mallem, Avocat.

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En principe, lorsque l’on formule une demande de mise en liberté d’un mis en examen placé en détention provisoire, la demande est adressée au juge d’instruction, qui, sauf s’il y donne une suite favorable, la transmet avec son avis et celui du Parquet, au Juge des Libertés et de La Détention (JLD) qui doit rendre une ordonnance, soit de mise en liberté, soit de rejet de mise en liberté et ce dans un délai de trois jours ouvrables.
Le Code de Procédure Pénale permet également de saisir directement la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté, ce dans quelques cas de figures.

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Saisir directement la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté, sans passer par le juge d’instruction et le JLD, est possible après l’expiration d’un délai de 4 mois depuis la dernière comparution du mis en examen devant le juge d’instruction et tant que l’ordonnance de règlement article 175 du Code de Procédure Pénale n’est pas intervenue (article 148-4 du Code de Procédure Pénale).

Mais, que se passe-t-il alors que la demande de mise en liberté a bien été présentée au juge d’’instruction, qui l’a transmise au JLD, lequel ne rend aucune décision ?

L’article 148 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale énonce que faute pour le JLD d’avoir statué dans le délai de trois jours ouvrables, la personne peut saisir directement de sa demande la Chambre de l’instruction qui, sur réquisitions écrites et motivées du Procureur général, se prononce dans les 20 jours de sa saisine, faute de quoi la personne est mise d’office en liberté sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées.

Ainsi, il est possible de saisir directement la chambre de l’instruction en cas de non réponse du JLD.

Mais, que se passera-t-il si entre-temps, le JLD rend sa décision tardivement, et ce juste avant la comparution de l’intéressé devant la chambre de l’instruction ? Est-ce que sa saisine directe ne vaudra plus rien du fait que le JLD a quand même rendu sa décision ?

L’espèce suivante, examinée par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, nous livre la réponse.

Dans une affaire, Antoine X..., mis en examen des chefs d’extorsion et tentatives d’extorsion en bande organisée, association de malfaiteurs et blanchiment en bande organisée, est placé en détention provisoire le 22 décembre 2017.

Le 6 février 2018, X... forme une demande de mise de liberté transmise au juge d’instruction, qui saisit le JLD le 15 février 2018.

Mais, trois jours ouvrables plus tard, voire un mois plus tard, aucune décision n’est rendue par le JLD !

L’avocat de Monsieur X... saisit donc directement la chambre de l’instruction d’une demande de mise en liberté le 26 mars 2018.

Antoine X...est convoqué le 11 avril 2018 devant la Chambre de l’Instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Mais, avant la tenue de cette audience, le JLD daigne rendre une ordonnance le 5 avril 2018, par laquelle la demande de mise en liberté est rejetée.

Le 11 avril 2018, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence constate que le JLD a déjà rendu son ordonnance de rejet de demande de mise en liberté, ce même tardivement, et considère donc que la saisine directe de la Juridiction par X... est devenue sans objet.

Pour la Cour d’appel, il était devenu inutile qu’elle se prononce sur la demande de mise en liberté, puisque le JLD avait rendu sa décision, même tardivement.

La défense pénale intente un pourvoi contre cet arrêt du 11 avril 2018.

La Cour de Cassation casse et annule cet arrêt du 11 avril 2018, induisant que la saisine directe de la chambre de l’instruction est un recours autonome puisqu’il appartenait à la cour d’appel d’Aix-en-Provence de se prononcer, puisqu’elle était saisie en vertu des dispositions de l’article 148 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale, ce avant que le JLD n’ait statué.

Cass. Crim., 26 juin 2018, N°18-82.579

Ainsi, quand bien même le JLD se soit prononcé tardivement, la Chambre de l’instruction devait se prononcer sur la demande de mise en liberté du mis en examen.

Elle pouvait adopter les mêmes motifs ou d’autres en tenant compte des considérations de l’article 144, pour rejeter la demande de mise en liberté.

Elle pouvait au contraire ordonner la mise en liberté de X..., ce en totale contradiction avec l’ordonnance de rejet de mise en liberté du JLD rendue récemment.

Mais, en aucun cas, elle ne pouvait pas ne pas se prononcer, en se contentant de la décision rendue tardivement par le JLD.

Ainsi, dans le même cas de configuration, il convient de rappeler qu’en cas de saisine directe, la Chambre de l’instruction doit statuer et rendre un arrêt de mise en liberté ou de rejet de mise en liberté.
Et si le JLD rend une ordonnance de rejet, avant la comparution de l’intéressé devant la Chambre de l’instruction, la défense pénale pourra toujours frapper appel de cette ordonnance, afin d’obtenir une nouvelle audience ultérieure devant la Chambre de l’instruction.

Rappelons également que l’article 148 alinéa 5 du Code de Procédure Pénale énonce que faute pour la Chambre de l’instruction de se prononcer dans les 20 jours de sa saisine (par le mis en examen ou par le Procureur de la République dixit le texte), la personne est mise en liberté.

Ainsi, concernant l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 26 juin 2018 cassant et annulant l’arrêt de la Chambre de l’instruction de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence du 11 avril 2018, l’affaire est renvoyée devant la même Cour d’appel autrement composée afin que la demande de mise en liberté présentée soit à nouveau jugée, conformément à la loi.

Dans la mesure où cette demande sera de nouveau examinée devant la Chambre de l’instruction, et dans la mesure où le délai de vingtaine est d’ores et déjà expiré, il y a lieu de considérer que l’intéressé Antoine X... sera mis en liberté s’il n’est pas détenu pour autre cause.

Mais, si entre-temps, il a déjà été mis en liberté, là on pourra considérer que sa demande n’aura effectivement plus d’objet.

L’intérêt de la saisine directe de la Chambre de l’instruction et d’une éventuelle cassation de son arrêt revêt toute son importance, puisqu’en cas de cassation, l’on peut entrevoir une mise en liberté d’office, compte tenu de l’expiration du délai légal pour que la Juridiction puisse se prononcer.

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Discussions en cours :

  • par Alexandre Robin , Le 3 mai 2020 à 12:58

    Bonjour Maître.j’ai déposé une DML le08Avril 2020 devant là chambre de l’instruction de Aix.en.provence ils ont 20 jours ouvrables pour répondre à cette DML. Donc jusqu’au 07 Mai 2020. Cependant est ce que si suite à cette demande je passe le 19 Mai 2020 sans rien que ne m’ai été notifié à ce jour suis je hors délai pour cette DML sachant qu’il devait me répondre avant le 07 Mai 2020 ? Merci de me répondre Bonne journée

  • par Hassani rachida , Le 21 mars 2020 à 15:31

    Bonjour avec la situation critique en prison est ce que le délai est toujours de 10j pour les demande de dml la situation devient très compliqué pour mon mari et tous les autres détenus.

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