En l’espèce, un gardien de la paix a été révoqué de ses fonctions par un arrêté du Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales du 15 décembre 2009.
L’intéressé a formé un recours en excès de pouvoir à l’encontre de cette décision qui a été rejeté par un jugement du Tribunal administratif de Pau du 16 juin 2011.
Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 10 mai 2012.
Le requérant a alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.
Aux visas des dispositions de l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que le fonctionnaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous ses documents annexes ainsi qu’à l’assistance d’un défenseur de son choix.
L’intéressé doit en outre être informé par son administration de cette possibilité de communication.
En effet, seul le respect de ce droit permet la mise en œuvre d’une procédure contradictoire par laquelle l’agent pourra faire valoir ses observations en parfaite connaissance de cause.
A ce titre, il convient de rappeler que le Conseil d’Etat a dégagé un principe général du droit au titre duquel une sanction ne peut être légalement prononcée à l’égard d’un agent public sans que l’intéressé ait été mis en mesure de présenter utilement sa défense [1].
De même, l’agent doit disposer d’un délai raisonnable pour consulter et prendre connaissance de son dossier administratif afin de permettre cette parfaite information.
Un délai de 4 à 5 jours étant habituellement considéré comme raisonnable par la jurisprudence [2].
La Haute Assemblée a ensuite précisé la portée à donner à ses dispositions et ce que comprenait ce droit à communication de son dossier administratif.
Ces dernières dispositions « impliquent qu’il soit fait droit à la demande de communication de son dossier à l’agent concerné par une procédure disciplinaire dès lors que cette demande est présentée avant que l’autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce ».
Ainsi, la communication du dossier administratif du fonctionnaire peut intervenir après la tenue du conseil de discipline.
Par voie de conséquence le refus opposé à une demande formée en ce sens par l’agent, présentée avant que l’autorité disposant du pouvoir de sanction se prononce, entache la procédure disciplinaire d’irrégularité.
En ne statuant pas de la sorte, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a entachée son arrêt d’erreur de droit.
En effet, si le refus de communication du dossier individuel ne peut être attaqué en tant que tel par l’agent [3], l’illégalité de ce dernier refus est toutefois de nature à permettre l’annulation de la sanction prise à l’encontre de l’agent [4].
En application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, le Conseil d’Etat, après avoir annulé l’arrêt attaqué, a tranché l’affaire au fond.
Les Juges du Palais Royal ont tout d’abord écartée la fin de non-recevoir opposée par le Ministre de l’intérieur tirée de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 411-1 du Code de justice administrative.
La Haute Assemblée a ensuite pu, faisant application de sa jurisprudence classique en cette matière, considérer que le refus de communication du dossier administratif à l’agent qui en avait fait la demande a entaché d’irrégularité la procédure administrative à l’issue de laquelle sa révocation a été décidée et qu’ainsi l’intéressé était fondé à demander l’annulation de l’arrêté ministériel litigieux.
Enfin, tirant les conséquences de cette annulation contentieuse et de son effet rétroactif, le Conseil a rappelé que cette dernière impliquait nécessairement la réintégration [5] de l’agent et sa reconstitution de carrière à compter de la date d’effet de l’arrêté litigieux [6].
Il a été, en outre, enjoint au Ministre de l’intérieur de procéder à cette réintégration dans un délai de trois mois suivant la notification de la décision.
Références : CE, 25 juillet 2013, n°360899 ; CE, 5 juillet 2000, Mermet, n°200622-203356 ; CE, 20 janvier 1975 n°92836 ; CE, 27 janvier 1982, Madame Pelletier, n°29738 ; CE, 8 décembre 1999, Héry, n°199217 ; CE, ass., 27 mai 1949, Véron-Réville, Lebon p. 246 ou n°93122-96949 ; CE, 26 décembre 1925, Rodière, n°88369 ou Lebon p. 1065
Discussions en cours :
La transversalité de ce PGD que constitue les droits de la défense !
Maître, je vous félicite pour cette analyse et qui redonne un espoir aux agents méprisés et bafoués dans leurs droits..